31 octobre 2009

Jane Eyre - Charlotte Brontë


"Jane Eyre" est le nom du personnage central de cette histoire qui nous emmène en Angleterre (et non en Irlande comme le laisse faussement croire le nom de l'héroïne) à l'époque victorienne.
Jane revient sur ses années de jeunesse, sur cette veuve insensible qui fut sa tante et sa tutrice, sur son adolescence passée entre les murs de l'orphelinat Lowood ainsi que sur cet homme, Mr Rochester, dont la rencontre la marquera à tout jamais.

"Jane Eyre" commence comme une histoire de Cendrillon.
A la mort de ses parents, Jane se voit confiée à son oncle mais celui-ci décède rapidement et la petite fille se voit dépendante du bon vouloir de sa tante et de ses enfants.
De ses années passées au château de Gateshead Jane se souvient de son cousin John Reed qui la martyrisait et de ses soeurs indifférentes à sa condition mais surtout de cette tante qui l'héberge à contre-coeur, prisonnière d'une promesse faite à son défunt mari et incapable d'aimer cette petite fille qu'elle choisit d'envoyer à l'orphelinat Lowood afin de ne plus l'avoir à portée de vue.

" Toutes les violentes tyrannies de John Reed, toute la hautaine indifférence de ses soeurs, toute l'aversion de sa mère, toute la partialité des domestiques remontèrent à la surface de mon esprit agité comme un dépôt noirâtre dans un puits troublé. Pourquoi devais-je toujours souffrir, toujours être rabrouée, toujours accusée, condamnée sans cesse? Pourquoi ne pouvais-je jamais plaire? Pourquoi était-ce en vain que j'essayais de gagner les faveurs de quiconque? " p.37

La lecture des 4 premiers chapitres suscite chez le lecteur contemporain un profond sentiment d'injustice oscillant entre pitié et indignation vis-à-vis de cette enfant persécutée à tort comme il est souvent de mise dans les contes (la scène de la "chambre rouge" est à cet effet des plus révoltantes).
Les chapitres suivants évoquent les débuts de Jane à Lowood et dépeignent la précarité de l'établissement, l'alimentation minimale, la discipline exacerbée sous le couvert de la religion avec tout son lot d'hypocrisie et d'injustice et dont Mr Brocklehurst, gérant de l'orphelinat, se veut le plus fier représentant.
Heureusement Jane trouve le réconfort en la personne de Melle Temple, directrice de l'orphelinat, ainsi qu'auprès d'Helen Burns qui restera longtemps sa seule amie.
Bien que Jane se montre d'une nature docile, la jeune femme ne cache toutefois pas ses positions.

" Mais j'ai en moi une conviction, Helen : il faut que je déteste ceux qui, quoique je fasse pour leur plaire, persistent à me détester; il faut que je résiste à ceux qui me punissent injustement.
C'est pour moi aussi naturel que d'aimer ceux qui me montrent de l'affection, ou de me soumettre au châtiment quand je le trouve mérité. " p.101

Le début du chapitre 10 nous informe que huit années se sont écoulées depuis l'arrivée de Jane à Lowood, la jeune femme semble s'être accommodée de la vie monotone à l'orphelinat où elle exerce le métier de professeur.

" Je n'avais eu aucune communication épistolaire ou verbale avec le monde extérieur. Les règles scolaires, les tâches scolaires, les habitudes et les idées scolaires, ainsi que les voix, les visages, les formules, les costumes, les préférences et les antipathies scolaires : voilà ce que je connaissais de l'existence." p.143

Du moins est-ce le cas en apparence car la jeune femme souhaite en réalité voir du pays, sortir des murs de Lowood pour se mettre au service d'une autre maison.
Elle réussit à obtenir un poste de gouvernante à Millcote au manoir de Thornfield où elle est chargée de l'éducation d'Adèle Varens, pupille du maître des lieux, Mr Rochester.
Jane Eyre découvre un homme mystérieux souvent parti en voyage, d'humeur changeante et peu habile aux formules de politesse qu'il qualifie de "vieilles dames simples d'esprit".
En dépit de sa rudesse, Jane se sent irrémédiablement attirée par cet homme.
Une complicité naît au fil des jours entre la gouvernante de plus en plus jalouse et son maître qui finit par lui déclarer son amour et la demander en mariage ( scène où il la fait d'ailleurs bien tourner en bourrique!).

" Avec les femmes qui ne me plaisent que par leur visage, je suis le diable incarné quand je m'aperçois qu'elles n'ont ni âme ni coeur, quand elles me découvrent une perspective de platitude, de banalité ou même de sottise, de grossièreté et de mauvais caractère; mais envers l'oeil clair et la langue éloquente, envers l'âme de feu et le caractère qui plie mais ne rompt pas, le caractère à la fois souple et ferme, docile et cohérent, je suis à tout jamais tendre et fidèle.
- Avez-vous jamais rencontré un tel caractère, Monsieur? Avez-vous jamais aimé un tel être?
- Je l'aime en ce moment. " p. 406 (suivi du sourire niais de la lectrice)

Malheureusement pour Jane, Mr Rochester semble avoir oublié un léger détail, il est déjà marié et sa femme est bien vivante, enfermée par ses soins au plus haut étage du manoir.

" Je contemplais mes désirs chéris, hier si florissants et lumineux; ils étaient étendus, cadavres roides, glacés, livides, à qui rien ne pourrait jamais rendre vie. Je contemplais mon amour : ce sentiment qui appartenait à mon maître et qu'il avait créé; il frissonnait dans mon coeur, comme un enfant malade dans un berceau trop froid : la souffrance et l'angoisse s'étaient emparées de lui; il ne pouvait plus se réfugier dans les bras de Mr Rochester et se réchauffer contre sa poitrine. " p.459

Accablée par le chagrin, Jane quitte précipitamment le manoir et est retrouvée dans un état catatonique par les demoiselles Rivers et leur frère Saint-John (dont elle apprendra plus tard qu'ils sont de la même famille) qui lui offrent un poste d'institutrice au village.

" Je ne dois pas oublier que ces petites paysannes mal fagotées valent autant, par la chair et le sang, que les rejetons de la plus noble généalogie, et que les germes naturels de l'excellence, du raffinement, de l'intelligence, des bons sentiments, ont autant de chance d'exister dans leur coeur que dans celui des filles les mieux nées." p.553

Suite à la mort de sa tante, Jane apprend qu'elle hérite d'une somme importante léguée par son oncle. Son cousin lui propose le mariage mais elle refuse, trop curieuse de savoir ce qu'est devenu son seul et unique amour Mr Rochester...
Qu'adviendra-t-il de ces deux héros? Réponse dans le livre :)

"Jane Eyre" est le portrait d'une femme de condition modeste mais également le récit d'une époque dont on aurait peine à regretter les moeurs tant celles-ci semblaient rigides et peu enclines à envisager la liberté des femmes.
Charlotte Brontë s'adresse constamment au lecteur dans un récit écrit à la première personne du singulier qui témoigne de la volonté de l'auteure de s'affirmer en tant que femme et qui ne se cache pas de revendiquer l'égalité entre les deux sexes.

" Les femmes sont censées être très paisibles en général, mais les femmes ont tout autant de sensibilité que les hommes; il leur faut des occasions d'exercer leurs facultés et un champ d'action tout comme à leurs frères; elles souffrent de contraintes trop rigides, d'une stagnation trop complète, exactement comme en souffriraient des hommes; et c'est par étroitesse d'esprit que leurs compagnons plus privilégiés décrètent qu'elles devraient se borner à faire des entremets et à tricoter des chaussettes, à jouer du piano ou à broder des sacs.
Il est sot de les condamner ou de se moquer d'elles quand elles cherchent à faire ou à apprendre plus de choses que la coutume n'a déclarées nécessaires aux personnes de leur sexe." p.180

J'ai été séduite par le personnage de Jane Eyre qui, bien qu'évoluant dans un milieu austère et hypocrite, parvient à préserver son coeur pur et à trouver la bonté quand celle-ci se présente à elle.
Quant à l'écriture, elle présente cet aspect suranné qui plonge le lecteur hors du temps et donne tout son charme au récit.
Un classique à lire absolument.

Ayant lu ce roman en VF, j'ai toutefois découvert les épisodes réalisés par la BBC en VO.
Bien que l'esprit du roman s'y retrouve tout à fait, j'ai tout de même deux remarques à faire concernant cette adaptation.
L'enfance de Jane Eyre a, selon moi, été brassée trop rapidement. Je sais bien qu'une série ou un film ne peut jamais fournir autant de détails qu'un roman mais j'ai trouvé que le début de l'histoire présenté sous forme de flashbacks avait été évoqué trop brièvement.
J'ai constaté que plusieurs éléments du livre avaient été amplifiés dans le but, je suppose, d'ajouter de la tension dramatique à l'histoire.
Je pense notamment aux retrouvailles de Jane et Mr Brocklehurst lors desquelles le directeur annonce publiquement la prétendue tendance au mensonge de Jane et la fait rester debout sur un tabouret durant 30 minutes dans le livre et plusieurs heures dans la série.
J'aurais d'autres exemples à donner mais je ne veux pas gâcher la découverte de la série qui, comme je le disais, reflète à merveille l'esprit du roman.

"Jane Eyre" était une lecture commune à laquelle j'ai eu la joie de participer en même temps que Mango, Marie, Emilie et Abeille.
"Jane Eyre" est également le second roman lu dans le cadre du Matilda's contest et le premier pour le Challenge English classics de Karine:) et le Challenge J'aime les classiques de Marie-L.
Vous voyez que les challenges ne sont pas difficiles à accomplir ^^

29 octobre 2009

Femme du monde - Didier Goupil


Madame est une femme du monde. Madame a tous les noms. Madame a de l'argent et une petite nièce qui l'appelle tous les jours matin et soir. Madame a un poste de radio allumé en permanence même durant son sommeil. Madame aime la peinture. Madame a constamment froid.
Madame vit à l'hôtel. Madame prend toujours des bains, une douche lui serait insupportable...
Madame porte le numéro 168 478, il est tatoué sur son poignet.

"Femme du monde" est un roman qui se lit comme une nouvelle. En 5 chapitres répartis sur une centaine de pages, l'auteur présente sous forme d'instantanés le portrait d'une femme à la vie luxueuse et confortable, une femme qui ne connait pas la contrariété ni la fatigue conséquente à une journée de travail.
Une femme seule, libre de faire ce que bon lui semble.
Et brusquement arrive la rupture. Pourquoi cette femme a-t-elle choisi de vivre dans un hôtel? Pourquoi ne supporte-t-elle pas la foule? Pourquoi le poste de radio reste-t-il allumé?
Où était cette femme avant de devenir "Madame"?
Une écriture ciselée. Des phrases très concises. Un court roman sur les apparences parfois trompeuses, les peurs, les souvenirs, l'après.
Il existe des livres bien plus aboutis que celui-ci sur les rescapés des camps de concentration et dans lesquels se trouvent quantités d'anecdotes et de références historiques.
Je ne réclamais pas ce genre de détails à tout prix mais j'aurais tout de même voulu en savoir davantage sur cette femme.
Un (trop) court roman qui laisse donc un peu le lecteur sur sa faim, comme un album dont il manquerait des photos.


Extrait :

" A son âge, on ne nage plus, on flotte.
Madame n'a ni la vigueur ni l'orgueil d'un Mao Zedong traversant à soixante-dix ans passés les eaux boueuses du Yang-Tsé.
Au crawl, elle préfère la planche. Elle se met sur le dos, ouvre ses bras en croix, et elle se laisse dériver jusqu'à la fermeture entre les couloirs déserts.
Des plongeoirs on croirait voir flotter un morceau d'écorce.
La marguerite du bonnet empêche qu'on la confonde tout à fait." p.39

" Il n'aurait servi à rien qu'elle s'expose, et s'égosille. Une fois elle avait essayé de parler. Les gens avaient été gênés. A choisir, on la préférait sous X.
Avec ses noms d'emprunt, ses gants à boutons, et son candide chapeau d'organdi.
Personne ne voulait voir son poignet tatoué, ni même découvrir le crâne qu'ils avaient rasé." p.93


D'autres avis : Lily

27 octobre 2009

Un concours d'écriture pour le moins particulier...

« Un concours d’écriture » sur le net pour vendre leur ferme

" Interdit bancaire, dettes de près de 500 000 euros... Pour rembourser ses créances, un couple du Tarn-et-Garonne lance "un concours d'écriture" où le lot à gagner... est leur propriété.


Le principe ? "Écrire un texte libre de 600 caractères maximum. Un jury de professeurs de lettres, ayant au minimum deux ans d'enseignement, se réunira et choisira le texte gagnant. C'est une démarche parfaitement légale aux yeux de la loi puisqu'il s'agit d'un concours", explique la propriétaire au journal La Dépêche. Pour s'inscrire, une somme de 88 euros est demandée.


Il faudrait près de 7000 participants pour réunir la somme espérée. Or aujourd'hui, les inscriptions comptabilisent seulement... 24 personnes."

Source : Ouest-France (plus de détails ici)

Quand je pense que je me plaignais déjà des frais de participation à 10 euros...
Quelqu'un tente le coup?

Mise en bouche - Philippe Djian


"Mise en bouche" est une nouvelle principalement centrée autour de deux personnages : Carole, une institutrice fraîchement plaquée par son mari et mère de deux enfants, et Mr X (son nom ne nous est pas indiqué), père célibataire et narrateur de l'histoire.
Le narrateur nous confie à quel point il souhaiterait se rapprocher de Carole laquelle, encore trop fragilisée et en colère contre son mari, repousse ses invitations.
Un matin, alors que tous deux accompagnent tardivement leurs enfants à l'école maternelle, ils se retrouvent coincés au beau milieu d'une prise d'otages orchestrée par un homme recouvert d'explosifs.
Commence alors un huis clos qui sera peut-être l'occasion idéale pour Carole et le narrateur de faire face à leurs sentiments.
L'histoire se terminera-t-elle bien pour tout le monde?

"Mise en bouche" fut rédigée sur base d'un fait réel dont beaucoup se souviennent sans doute, bien que datant de 1993 : la prise d'otage d'une école maternelle à Neuilly sur Seine par un homme surnommé "Human Bomb".
Or, la différence majeure qui distingue cette fiction de la réalité est que le preneur d'otages ne revendique absolument rien si ce n'est de l'argent, ce qui permet à l'auteur d'éliminer l'aspect politique de son récit pour le centrer uniquement sur l'intimité naissant entre le narrateur et l'institutrice.
En cela, on pourrait dire que la prise d'otages n'est en fait qu'un prétexte visant à montrer à quel point les situations extrêmes peuvent faciliter le rapprochement entre individus.
Mais ce que je n'ai pas aimé dans cette nouvelle, c'est la façon dont l'auteur tourne le preneur d'otages au ridicule, faisant de lui un homme très coulant pour ce qui est des allées et venues des otages, peu méfiant finalement vis-à-vis des autorités et qui se laisse attraper facilement (voir extrait 1).
Et puis, soyons logiques deux secondes, je serais preneuse d'otages (oui on ne sait jamais ce que la vie nous réserve), jamais je ne penserais à préparer des sandwiches à l'avance sachant que les flics seront mes livreurs officiels de pizzas pour les heures à venir!
Je n'ai pas non plus perçu comme crédible la trop grande liberté accordée au narrateur et à l'institutrice. C'est tout juste si ils ne pouvaient pas s'envoyer en l'air sous le nez du preneur d'otages alors que les enfants et les autres profs dormaient juste à côté.
Le changement d'attitude de Carole est, selon moi, trop expéditif. Celle-ci passe en effet, en l'espace de quelques heures, de la résignée à la nymphomane pour le grand plaisir du narrateur. Tous deux échangent des paroles souvent dignes des plus grands Harlequin au point que j'ai pensé renommer cette nouvelle "Mise en bouche (voire plus si affinités)" (voir extrait 2)
L'écriture est assez familière mais cet aspect ne m'a pas semblé dissonant compte tenu de la tension ambiante et des agissements des personnages.
La fin est, malgré une légère surprise, assez téléphonée. L'auteur se "suicide" d'ailleurs par sa dernière phrase : " Ce film-là aussi, je l'avais déjà vu cent fois".

Bref, je n'ai pas vraiment eu le temps de m'ennuyer avec un récit aussi court mais j'ai été dérangée par plusieurs éléments qui ont rendu cette lecture quelque peu surréaliste.

Extraits :

" Le jour baissait et j'observais deux types qui installaient un projecteur sur le toit voisin lorsque, accompagné d'un Ribeiro affichant un air sombre, le journaliste qui présentait le journal du soir a fait son apparition.
Il était très excité. D'emblée, au premier coup d'oeil, il a trouvé que le décor était parfait, que tout était encore mieux qu'il ne l'imaginait, les enfants, leurs souliers défaits, nos têtes d'otages aux traits tirés, nos teints blêmes et l'effrayante cagoule de l'homme derrière laquelle dansaient des yeux noirs et une bouche que la tension pinçait.
Il envisageait d'employer plusieurs caméras, de faire venir des électros et une fille pour le repoudrer, mais l'homme a dit : "Ca va faire beaucoup de monde, votre histoire. Alors si c'est comme ça, j'en sais rien." " p.41

" Nous étions conscients, elle et moi, que rien ne serait réglé, que rien n'aurait une signification quelconque tant que nous ne serions pas sortis de cet enfer et n'aurions pas eu de vraie nuit à nous, de vraie nuit avec l'esprit tranquille.
" Parce que moi je ne me reconnais plus, m'a-t-elle avoué en tirant sur les boutons de ma braguette. Ca ne me ressemble vraiment pas."
A ces mots, comme si mon pantalon contenait des braises, elle a interrompu brusquement sa besogne et s'est recroquevillée sur une mousse en se mordant le poing.
Vous ne m'aidez pas, a-t-elle gémi. Vous n'avez pas pitié de moi." " p.55

25 octobre 2009

La maladie de la mort - Marguerite Duras


"La maladie de la mort" est le récit d'un huis clos mettant en scène un homme incapable d'aimer et une femme payée pour se soumettre à ses volontés durant plusieurs nuits passées à l'hôtel.
Tous les soirs se tient le même cérémonial, la femme arrive, s'étend nue sur le lit et s'endort.
L'homme la détaille, la touche, dort et pleure contre son corps, la regarde à nouveau mais sans jamais la voir.
Ils se parlent parfois, jamais très longtemps, il veut comprendre, elle lui révèle qu'il est atteint de la maladie de la mort.
Arrivera-t-il à guérir auprès d'elle?

Voilà un texte magnifique, très court mais qui mérite d'être lu en prenant le temps de la réflexion.
La situation de huis clos que dépeint ce récit laisse entrevoir au lecteur l'intimité de deux êtres pourtant "seuls l'un avec l'autre", dans leurs mots comme dans leurs gestes, mais sans jamais tomber dans le voyeurisme car l'homme dont il est ici question c'est le lecteur.
En faisant parler son personnage masculin à la 2ème personne du pluriel, l'auteure nous invite à envisager notre propre (in) capacité d'aimer (émotionnellement et physiquement), notre relation au corps, à l'autre voire même au monde.
Mais rien n'est jamais imposé car une partie du texte est rédigée à la forme conditionnelle, laissant le lecteur libre de s'identifier ou non au personnage.
Il ne se passe pas grand chose dans le récit et pourtant je n'ai à aucun moment ressenti de l'ennui tant l'auteure parvient avec simplicité et justesse à faire éprouver chaque sensation comme à faire parler les silences.
Les personnages ne se parlent pas beaucoup mais l'histoire continue malgré tout, chaque nuit se ressemble mais n'est pourtant jamais exactement la même.
Un texte qui m'a beaucoup touchée et que je ne suis pas prête d'oublier.


Extraits :

" Elle vous demande de le lui dire clairement. Vous le lui dites : Je n'aime pas.
Elle dit : Jamais?
Vous dites : Jamais.
Elle dit : L'envie d'être au bord de tuer un amant, de le garder pour vous, pour vous seul, de le prendre, de le voler contre toutes les lois, contre tous les empires de la morale, vous ne la connaissez pas, vous ne l'avez jamais connue?
Vous dites : Jamais.
Elle vous regarde, elle répète : C'est curieux un mort. " p.44

" Ainsi cependant vous avez pu vivre cet amour de la seule façon qui puisse se faire pour vous, en le perdant avant qu'il soit advenu." p.57

23 octobre 2009

Tag " Si c'est possible, bah alors..."

Voici un tag concocté par Emma et qui n'est pas facile-facile l'air de rien...


1) Si on vous proposait d'écrire votre biographie, vous prendriez qui pour nègre?

Amélie Nothomb, ce serait drôle non? Et puis ça m'arrangerait vu que 150 pages en Times 14 interligne 2 suffiraient largement au récit de ma palpitante existence. Je me nommerais Arnulphie, j'aurais une super amie diabolique du nom de Termita qui ne serait en fait que mon autre moi et je me chercherais sans jamais me trouver.
J'ai déjà le titre "Antécynthia".

2) Vous êtes en train de lire le tout dernier chapitre d'un livre, celui qui vous a fait passer une nuit blanche, la fin qui vous fait saliver (notez le jeu de mots siouplé) depuis une centaine de pages...Lorsque survient un homme, torse nu. On va dire qu'il s'appelle...Daniel Craig. Il a l'air chagrin. Il a une petite douleur à l'épaule, et est persuadé qu'un petit massage lui ferait le plus grand bien. Que faites-vous? (PS pour les garçons : à la place de Daniel Craig, merci de comprendre...Allez, soyons fous, Scarlett Johansson, mais en bikini, pas torse nu!)

Ben déjà si c'est Daniel Craig, il peut directement aller se rhabiller, pas mon genre du tout.
Je le rembarrerais en lui disant "Voilà ce qui arrive quand on fait des queues de poisson aux Russes dans les tunnels, viens pas te plaindre après!"
Et puis d'abord, comment serait-il possible qu'un homme venu de nulle part surgisse chez moi torse nu, c'est quoi, le nouveau spot Monsieur Propre ou Vanish Oxyaction White Plus Brilliant balls?
(Mode nympho on)
Bon d'accord, si (et seulement si) l'homme en question est Keanu Reeves, tout en le massant avec zèle je lui parlerais brièvement du livre que je suis en train de lire et lui, en bon gentleman qu'il est, me demanderait comment se termine l'histoire.
Et là, de mon regard le plus coquin, je lui rétorquerais qu'il est des fins dont il vaut mieux décider à deux...
(Mode nympho off)

3) C'est la fin du monde. Quel livre mettriez-vous dans la capsule qui sauvegardera une trace de l'humanité? (voudriez-vous vraiment que ce soit Orgueil et préjugés?)

" Pourquoi j'ai mangé mon père " de Roy Lewis. Je crois qu'il résume assez bien l'affaire...

4) Quelle est pour vous la pause lecture idéale?

La pause sans fin.

5) Si vous aviez le pouvoir de trucider/effacer un personnage de roman, ce serait qui?

Pfiou...heu...rien ne me vient et comme je trouve toujours les personnages de méchants plus intéressants que les gentils, je ne serais même pas tentée d'en éliminer un.

6) Sauveriez-vous Voldemort, juste pour avoir un 8ème tome?

Hé bien figurez-vous qu'on l'a retrouvé et qu'il vit toujours! Regardez bien cette video, vous devriez apercevoir Voldemort dissimulé dans le paysage...



7) Jusqu'où êtes-vous allés pour un livre?

J'avoue qu'il m'est déjà arrivé d'écourter l'une ou l'autre conversation téléphonique en usant d'un prétexte lambda (le "chili con carne qui travaille" est un exemple mais j'aime varier les plaisirs...).
Finir un roman dans les toilettes sur mon lieu de stage, ça m'est déjà arrivé aussi...

8) Si vous pouviez retourner dans le passé rencontrer un auteur. Ce serait qui? Quelles seraient vos toutes premières paroles? (A part "bonjour")

Le marquis de Sade à qui je dirais "Prends-moi la main, non juste la main j'ai dit, je t'emmène chez le psy!"

9) Décrivez la bibliothèque (personnelle ou pas) de vos rêves.

Une bibliothèque qui se remplirait grâce à la seule manoeuvre de mon esprit. Je penserais "Zweig" et toute l'oeuvre m'apparaîtrait comme par enchantement!
Une bibliothèque auto-dépoussiérante, ce serait bien aussi.

10) Vous retournez dans le passé (décidément bande de veinards!), en pleine deuxième guerre mondiale. Quel livre donneriez-vous à Hitler pour qu'il arrête de cramer des bouquins?

Ce serait plutôt un livre pour qu'il arrête de cramer des gens. Mais je pense qu'un seul ne suffirait pas. Il faudrait au moins lui faire bouffer toute la Bibliothèque rose façon Orange mécanique.
Bon, si je devais vraiment n'en choisir qu'un, ce serait "La part de l'autre" que je lui tendrais en disant qu'on peut toujours faire la différence autrement...

Je passe le relais à Dunky, Emma, Bouh, Choco et Mango (et à tous ceux qui en ont envie!)








22 octobre 2009

Le Joueur d'échecs - Stefan Zweig


Nouvelle rédigée en 1941 alors que Zweig s'était exilé au Brésil, "Le Joueur d'échecs" dresse le portrait de deux hommes foncièrement différents qui s'affrontent lors d'une partie d'échecs.
Le narrateur, sans aucun doute Zweig lui même, embarque pour une croisière de 5 jours à destination de Buenos Aires.
Ayant eu vent de la présence à bord de Mirko Czentovic, champion du monde des échecs, il tente tant bien que mal d'approcher cet homme intriguant dont la vie tourne exclusivement autour de l'échiquier et de ce qu'il peut lui rapporter.
C'est grâce à la proposition de MacConnor, un homme riche et vaniteux, que le narrateur parvient à attirer l'attention de Czentovic disposé à jouer une partie pour autant qu'elle soit monnayée.
Alors que le champion mondial semble gagner la partie, un homme surgissant de nulle part intervient en faveur de MacConnor et réussit à mettre les deux hommes à égalité.
Mais une autre partie s'organise alors.
Qui est ce Mr B.? Quelle est son histoire? Comment cet homme, qui dit n'avoir plus côtoyé un échiquier depuis 20 ans, pourrait-il battre le meilleur joueur du monde?

Stefan Zweig s'est toujours fortement intéressé à la psychologie humaine. Dans "Lettre d'une inconnue", il mettait en scène l'imaginaire féminin à travers les confidences d'une femme dévorée par une passion extrême.
On retrouve dans "Le Joueur d'échecs" ces thématiques si chères à Zweig que sont le secret et la passion.

" Les monomaniaques de tout poil, les gens qui sont possédés par une seule idée m'ont toujours spécialement intrigué, car plus un esprit se limite, plus il touche par ailleurs à l'infini." p.23

Bien que le récit s'ouvre sur la description de Czentovic, c'est en glissant progressivement vers le portrait de Mr B. que l'auteur amorce le suspense de cette nouvelle.
Un témoignage qui dévoile au lecteur une autre facette des méthodes nazis que les camps de concentration. Une histoire d'enfermement, de solitude et de folie tantôt endiguée tantôt déclenchée par le jeu d'échecs.
Je suis décidément toujours aussi épatée par la capacité d'analyse de Zweig ainsi que par sa faculté à retranscrire aussi finement toutes les subtilités du genre humain.

Une magnifique nouvelle, à (re)lire si ce n'est pas encore fait!

Extrait :

" Je n'entendais jamais une voix humaine. Jour et nuit, les yeux, les oreilles, tous les sens ne trouvaient pas le moindre aliment, on restait seul, désespérément seul en face de soi-même, avec son corps et quatre ou cinq objets muets : la table, le lit, la fenêtre, la cuvette.
On vivait comme le plongeur sous sa cloche de verre, dans ce noir océan de silence, mais un plongeur qui pressent déjà que la corde qui le reliait au monde s'est rompue et qu'on ne le remontera jamais de ces profondeurs muettes.
On n'avait rien à faire, rien à entendre, rien à voir, autour de soi régnait le silence vertigineux, un vide sans dimensions dans l'espace et dans le temps. On allait et venait dans sa chambre, avec des pensées qui vous trottaient et vous venaient dans la tête, sans trêve, suivant le même mouvement.
Mais, si dépourvues de matière qu'elles paraissent, les pensées aussi ont besoin d'un point d'appui, faute de quoi elles se mettent à tourner sur elles-mêmes dans une ronde folle." p.52

D'autres avis sur Blog-O-Book

21 octobre 2009

2-3 bricoles...

Ce que Choco veut, Choco aura^^ Voici donc 3 autres exemples de bidules détournés et bricolés de mes mains de dilettante :

Un double sommier récupéré en rue et traîné sur un kilomètre pour en faire un paravent.
Un coup de peinture sur les lattes, deux crochets autocollants et le tour était joué!
Hyper pratique pour avoir les essuies à portée de main en sortant de la douche et pour les laisser sécher ensuite.
Le mur bizarre à côté a été peint en vue de réaliser un "effet pierre bleue" croisé avec une séance d'action painting. Ma propriétaire n'a pas encore eu l'occasion d'admirer la chose...





Plateau à thé peint pour ma maman.











Plateau à thé peint pour moi.















Une boîte à bijoux, premier essai de meuble entièrement en carton que je compte améliorer/détruire dans un avenir
indéterminé.









Prochaine création en vue (mais dans les tons rouge et chocolat) :


Qui veut m'offrir une scie sauteuse pour Noël?

19 octobre 2009

Challenge English classics


Voici un challenge proposé par Karine:) et auquel je ne pouvais que participer!

Le principe est simple et souple en plus puisqu'il s'agit de lire au moins 2 romans classiques british (parus avant 1900) avant le 31 décembre 2010 et de rédiger un billet de lecture pour chaque ouvrage lu.
Il est par ailleurs possible de lire ces romans en VF (ouf!)
Une petite surprise récompensera le lecteur le plus motivé!
Vu la liste ébauchée par Karine:), je pense être en mesure de relever ce challenge! En gras, les auteurs dont les romans figurent déjà dans ma PAL (je n'exclus pas quelques ajouts d'ici là) :

- Austen Jane
- Von Armin Elizabeth
- Blackmore Richard
- Braddon Mary Elizabeth
- Brontë Anne
- Brontë Charlotte : Jane Eyre
- Brontë Emily
- Bunyan John
- Carroll Lewis
- Collins Wilkie
- Conrad Joseph

- Chaucer Geoffrey
- de Quincey Thomas
- Defoe Daniel
- Dickens Charles
- Eliot George
- Fielding Henry
- Gaskell Elizabeth
- Hardy Thomas
- Hope Anthony
- Jerome K Jerome
- Kipling Rudyard
- Lewis Matthew
- Marlowe Christopher
- Milton John
- More Thomas
- Pepys Samuel
- Radcliffe Anne
- Richardson Samuel
- Scott Walter
- Shakespeare William
- Shaw George Bernard
- Shelley Mary
- Sterne Laurence
- Stevenson Robert Louis
- Swift Jonathan
- Thackeray William
- Trollope Anthony
- Walpole Horace
- Wilde Oscar


Point non négligeable, ce challenge est parfaitement compatible avec le Matilda's contest, les lectures communes de ce mois et la lecture de décembre organisée sur Livraddict^^

18 octobre 2009

Un homme à distance - Katherine Pancol


"Un homme à distance" est l'histoire d'une rencontre épistolaire entre Kay Bartholdi, gérante d'une librairie-salon de thé à Fécamp, et Jonathan Shields, un voyageur parti sillonner la France en vue de rédiger un guide touristique.
Jonathan confie à la libraire une importante somme d'argent contre laquelle Kay s'engage à lui envoyer des livres vers chaque lieu où le porteront ses visites.
Au détour d'échanges ayant trait à leurs lectures respectives, les deux héros, dont les courriers se voulaient au départ strictement professionnels, se laissent aller très rapidement en confidences soufflant le chaud et le froid et auxquelles Kay aura bien du mal à résister...

Pourquoi avoir acheté ce livre? Tout d'abord parce qu'il s'agit d'un roman épistolaire, genre que j'affectionne tout particulièrement. J'aime ressentir l'attente des personnages entre deux lettres, le tournant inattendu que peut prendre ce genre de récit mais aussi le soin particulier généralement appliqué à l'écriture des lettres.
Ensuite, parce qu'il s'agit d'un livre qui parle de livres. Quoi de plus normal lorsqu'on aime la lecture?
Le roman débute par la voix de Josepha, la voisine de Kay, qui nous déclare avoir reçu un paquet de lettres relatant une magnifique histoire d'amour. Une introduction faisant office de teasing et qui incite d'autant plus le lecteur à poursuivre le roman.
Les deux personnages entrent ensuite en scène et se montrent rapidement très intrusifs vis-à-vis de l'autre. Très? Non, trop. Au point que le lecteur en devienne soupçonneux.
Dès la page 30 (décidément!), je devinais déjà comment ce roman allait se terminer et sans avoir réfléchi longuement.
Il est vrai que le roman est assez court mais je ne pense pas qu'en temps normal, deux personnes se seraient confiées aussi vite l'une à l'autre.
Mais, car il y a un mais, on ressent chez ses deux personnages une intelligence à revendiquer, une solitude, une frustration même auxquelles s'ajoute un profond besoin de parler qui pourrait inciter à la précipitation.
Elle est une femme grisée par le souvenir d'un ancien amour, attachée à sa ville et à ses petites habitudes, lui est un voyageur qui ne tient jamais en place très longtemps.
Ces différences feront d'ailleurs l'objet d'échanges orageux, parfois acides, entre ces deux êtres chacun reclus dans leurs convictions.
J'ai beaucoup aimé les petites piques de l'auteur concernant les maisons d'édition (voir extrait) ainsi que la façon dont son personnage, Kay, semble vouloir éduquer ses clients à la littérature (voir extrait aussi).
J'ai lu dans beaucoup d'articles traitant de ce roman une critique dénonçant le caractère trop moralisateur de ce personnage. Bien que je comprenne ce constat, je pense que ce trait est à mettre en relation avec la solitude du personnage qui se raccroche à de petites choses, à ce qu'elle connaît, à son attachement vis-à-vis de son métier.
J'ai également apprécié que le personnage de Kay déteste les boules à neige tout comme moi^^.
Une écriture très simple au service d'un roman qui, sans être un grand roman, s'est avéré être une lecture légère et agréable.

Extraits :

" Je maudis les éditeurs qui font de la cavalerie et publient n'importe quoi pour combler leur déficit ou engraisser leur chiffre d'affaires! Tous ces cartons que j'ouvre chaque lundi, en me coupant les doigts, et où reposent des livres inutiles, mal écrits, ignorants! " p.24

" C'est l'époque aussi du n'importe quoi! Une cliente m'a soutenu mordicus qu'il existait un livre qui s'appelait "Légumes du jour", que son gamin lui avait réclamé pour l'école! J'avais beau ne rien trouver qui corresponde, elle s'énervait, postillonnait, répétait "Légumes du jour, Légumes du jour" en me considérant comme une véritable idiote! Jusqu'à ce que la lumière se fasse en moi et que je traduise par L'écume des jours de Boris Vian! Ils me sortent des bouts de papier tout chiffonnés et prononcent des énormités. "Les chaussures de Scapin" pour Les Fourberies de Scapin, "La maîtresse" de Duras, "La carotte" de Jules Renard, "Les fous, mon ailleurs" pour Les Faux-Monnayeurs de Gide. " p.33

" Je veux aimer un homme aux mains solides, aux jambes piliers, arrimées dans le sol, un homme aux mots simples et clairs, au rire franc et sonore, un homme à l'ambition modeste, un homme qui plante des arbres, qui scie des planches, qui retourne la terre, qui conduit un tracteur, qui construit une maison et qui rentre le soir se coucher contre moi et me prenne sans que je me demande si, la nuit, il ne va pas se relever et partir...
J'ai aimé follement un homme qui est parti...
Sans un mot. Sans une explication. Sans même se retourner.
Une homme drôle, raffiné, cultivé, séduisant, rapide, puissant. Un homme qui voulait être le roi du monde et dicter sa loi." p.41

" Il n'y a qu'une atmosphère où l'amour n'étouffe pas, c'est la solitude." p.103


D'autres avis : Mariel - Florinette - Pimprenelle - Karine:) - Cunéipage - Les fanas de livres - Marie - Gio - Theoma

15 octobre 2009

Publicité - John Updike



"Publicité" est le titre de l'une des 4 nouvelles présentes dans ce recueil signé John Updike, romancier américain décédé en début d'année et particulièrement connu pour son "Cycle Rabbit" doublement pulitzerisé ou son roman "Les sorcières d'Eastwick" (adapté au cinéma en 1987).
Le recueil dresse 4 portraits de familles de classe moyenne dans l'Amérique des années 1950-60 :

1) Publicité : une soirée en famille représentée sous forme de spot publicitaire (avec des mots-clés en majuscules)
2) La boutique de l'armurier : trois générations d'hommes réunis autour d'un fusil
3) La vie de famille en Amérique : un homme naviguant entre deux foyers
4) La course à l'oeuf : un archéologue en proie à la vieillesse

Le concept de "Publicité" m'a beaucoup plu mais contenait selon moi un peu trop de mots-clé. Tous ces mots en majuscules m'ont quelque peu déconcentrée.
" La boutique de l'armurier " est l'occasion d'aborder la fascination très ricaine et très masculine pour les armes (j'ai remarqué ce même genre d'obsession chez les hommes pour les feux ouverts et les barbecues).
J'ai apprécié les silences et les petites piques échangées par l'homme et son ex-femme dans "La vie de famille en Amérique".
"La course à l'oeuf" m'a quelque peu laissée sur ma faim, une tranche de vie trop instantanée.
Malgré de bons éléments et quelques jolies phrases, j'ai du mal à me positionner par rapport à ce recueil. Ni adoré ni détesté, juste aimé.

Extraits :

" Et alors (il y a tant de choses à voir!) elle laisse retomber ses bras devant elle, les doigts d'une main étreignant doucement le poignet de l'autre. Ce geste nous révèle qu'elle appartient à la catégorie ethnique anglo-saxonne. Une mama italienne, par exemple, aurait croisé les bras sur sa poitrine; et, de plus, la coquetterie propre aux Méditerranéennes ne lui interdirait-elle pas de porter un tablier hors de sa cuisine, au pied de ce qui est évidemment le grand ESCALIER? D'où, bien que nous en soyons encore à flotter dans les courants de l'anticipation, nous déduisons qu'il ne s'agit pas d'une publicité pour les spaghettis. " p.12

" Au fond de toutes ses conversations avec ses enfants, il y avait le désir informulé de leur demander pardon." p.61

" Il rendait de plus en plus souvent visite aux hôpitaux. Les vestibules insonorisés, les couloirs étincelants, le cliquetis et le remue-ménage omniprésents des mystères de la compétence : les hôpitaux et les aéroports sont les cathédrales de notre temps. " p.90

" Paradoxe : bien que Ferguson, théoriquement, redoutât la mort, il était pratiquement heureux, soulagé, de savoir qu'on ne lui demanderait plus jamais d'être jeune." p.94

Un autre avis : Cunéipage

Un petit challenge?

Qui n'a pas déjà cédé à la tentation d'acquérir ces petits volumes que sont les Librio/Folio 2 euros?
Nombre de pages et prix restreints, deux arguments de taille qui font de ces opus un prétexte idéal à l'agrandissement de nos PAL.
Parce qu'après tout " ça se lit en une après-midi" et que même si l'ouvrage s'avère décevant, son prix modique aura tôt fait de nous déculpabiliser de cet achat.

La collection Folio 2 euros permet, en une petite centaine de pages maximum par ouvrage, de découvrir des auteurs de tous bords au travers de textes brefs (romans, nouvelles, extraits).
Gallimard compte environ 250 ouvrages dans cette collection (liste ici)
La liste des ouvrages Librio est quant à elle consultable
Tout ça est très bien mais seulement voilà, les semaines passent et les bébés livres s'accumulent dans ma bibliothèque sans être lus...
Forte de ce malheureux constat (et persuadée de ne pas être seule dans le cas), j'ai donc décidé de créer un Challenge 2 euros.

Le principe est simple :

- Vous lisez un ou plusieurs opus des collections Librio/Folio 2 euros.
- Vous rédigez sur votre blog un billet pour chaque lecture et me le signalez en commentaire de cet article.
- Vous mentionnez dans vos billets un lien vers ce blog et y apposez le logo du challenge

Une liste reprenant tous vos billets sera établie au fur et à mesure par mes soins sur ce blog.
Dernière précision (et pas des moindres), il n'y a aucune date limite!!!

Comme je sais que tout challenge ne s'improvise guère sans logo, le voici :



Dans le cas où ce challenge n'aurait pas lieu faute de participant(e)s (ok ça c'est fait), j'ai tout de même l'intention de chroniquer dans les jours/semaines/mois à venir plusieurs ouvrages de la collection Folio 2 euros :

- Richard Millet : Petit éloge d'un solitaire
- Emile Zola : Pour une nuit d'amour
- Bernard Schlink : La circoncision
- Tonino Benacquista : La boîte noire et autres nouvelles
- Oscar Wilde : Le portrait de Mr W.H
- Hans Christian Andersen : L'elfe de la rose et autres contes du jardin
- Junichiro Tanizaki : Le meurtre d'O-Tsuya
- James Crumley : Tout le monde peut écrire une chanson triste
- Susan Minot : Une vie passionnante et autres nouvelles
- Isaac Asimov : Mortelle est la nuit précédé de Chante-cloche
- Madame de Genlis : La Femme auteur
- Yukio Mishima : Dojoji et autres nouvelles
- Boileau-Narcejac : Au bois dormant
- Jane Austen : Lady Susan
- Edith Wharton : Les lettres
- Casanova : Madame Henriette
- Henry James : Le menteur
- Alexandre Dumas : La Dame pâle
- Junichiro Tanizaki : Le coupeur de roseaux
- John Updike : Publicité
- Régis Jauffret : Ce que c'est que l'amour
+ une promenade gastronomique : " Des mots à la bouche - Festins littéraires"
+ une promenade romantique : "Leurs yeux se rencontrèrent...Les plus belles premières rencontres de la littérature"
+ reprise d'un abandon : "Lettre au père" de Kafka

Bon, je pense n'avoir rien oublié (hé bien si en fait, les Librio et les participations par anticipation sont inclus dans ce challenge, merci dans ce cas de m'indiquer vos liens en commentaire)
Il ne me reste qu'une question, qui en est???

Les 69 intrépides (+ moi) : Gio - Mango - Levraoueg - Lily - CécileQD9 - Liliba - Daniel - Raison et sentiments - Emma - Celsmoon - Keltia - Choco - Marie - Esmeraldae - Solenn - Lasardine - Zarline - Emma - Aurore - Dunky - Anneso - Iluze - Emmyne - Yueyin - Bouh - Marie-L - Canel - Val - Emilie - Nanne - Sandrine - Géraldine - DesAngesMineurs - Lilibook - Saraswati - Pimprenelle - Calypso - Theoma - Pink Canary - Georgesandetmoi - Cappuccinette - Mina - Manu - Soukee - Restling - Angie - Plume - Pimpi - Austengirl - Fée-moi lyre - Heide - Tinusia - Jelydragon - Karine:) - Mazel - Saphoo - Schlabaya - Evy - Liyah - Flof13 - L'or des chambres - Jenta3 - Setsuka - Skritt - Purple Velvet - Sophielit - June - Al3x - Vilvirt -

PS : à toutes fins utiles, je précise que ce challenge n'est nullement sponsorisé par les éditions Gallimard ou J'ai Lu ( cela dit j'accepte tous les envois^^)

RECAPITULATIF ICI

Qui se souvient de...

David Foenkinos? Arf, non désolée.
Dans mon billet du 1er octobre, j'évoquais un buzz lancé par une entreprise mystère sur le site www.jelisfacile.com et qui vantait les mérites de 3 formules permettant de lire sans ouvrir un seul livre.
Le site promettait de plus amples informations dès le 15 octobre. L'identité de l'entreprise à l'origine du buzz a donc été dévoilée, il s'agit de Furet du Nord, un réseau de 10 librairies situées dans le Nord-Pas de Calais qui dispose également d'un service de vente en ligne.

Mais ce qui est surtout intéressant dans l'histoire (enfin pour les Français uniquement :/), c'est qu'un grand concours est organisé par l'enseigne du 15 octobre au 1er décembre.
Le prix? Une bibliothèque idéale d'une valeur de 1500 euros!
Voilà qui me laisse rêveuse...


13 octobre 2009

Mordre au travers - Virginie Despentes



" Mordre au travers" est un recueil de 11 nouvelles rédigées entre 1994 et 1999 et qui sont toutes très mais alors vraiment très trash!
1) Je te veux pour moi : un étranglement pour cause d'adultère
2) Domina : un passage à tabac pour quelques clopinettes
3) Sale grosse truie : une automutilation d'obèse mal-aimée
4) Balade : une femme sans le sou se fait avoir contre un "service"
5) Lâcher l'affaire : un suicide post-coïtal
6) A terme : un accouchement dérivant en infanticide (je n'ai jamais lu d'histoire aussi horrible, jamais)
7) Comme une bombe : un plan sadomaso à trois et en famille s'il vous plaît!
8) L'ange est à ses côtés : un avortement suivi du meurtre de l'amant
9) Blue Eyed Devil : un acte kamikaze qui aurait pu être évité (la plus soft de toutes je dirais...)
10) Fils à papa : un viol avec mutilations toujours suivi d'un meurtre
11) Des poils sur moi : un meurtre commis par une femme loup-garou (publiée dans le journal d'entreprise de "Veet" je suppose...)

Je ne connaissais Virginie Despentes qu'à travers les adaptations cinématographiques de "Les jolies choses" (que j'avais aimé juste pour Marion Cotillard) et de "Baise-moi" (détesté) et c'est un peu par hasard et parce que je ne trouvais pas mon choix initial ("King Kong Théorie") que je me suis procurée ce recueil.
Bon, je vais faire comme l'auteure et y aller cash. Dans ces nouvelles, les femmes sont toutes des putes et les hommes tous des pervers.
Tous les personnages sont faibles, ont une sensibilité à ras de la ceinture et ne s'expriment qu'à travers le sexe dans un vocabulaire réduit à 10 mots tout au plus (con-cul-bite-chatte, j'en passe et des meilleures).
Les histoires sont à ce point choquantes dans le fond comme dans la forme que le lecteur ressent à chaque ligne le malaise de participer en quelque sorte à cet étalage dérangeant de malsanité à l'excès.
Une surenchère de violence gratuite, extrême, insoutenable, dépeinte dans une écriture unisexe et sans demi-mesure. D'autant plus déconcertante venant d'une femme.
" Cet ouvrage contient des passages susceptibles de heurter la sensibilité de certains lecteurs".
Et Librio d'ajouter "La Femme humaine...Trop humaine?". C'est une blague?
Bon si c'est ça la réalité, alors je retourne dans ma petite maison dans la prairie, au moins on n'y fait pas de cauchemars...

Des extraits sont-ils bien nécessaires...?

12 octobre 2009

Le dernier jour d'un condamné - Victor Hugo


" Le dernier jour d'un condamné" est le journal d'un homme condamné à la peine capitale pour avoir fait couler le sang. Son identité ainsi que la description de son crime ne sont pas dévoilés.
Le journal se décline en 47 chapitres inégaux qui constituent le long monologue intérieur de cet homme à qui il ne restait que 6 semaines à vivre avant la décapitation par guillotine.
La description des lieux (le Bicêtre, la Conciergerie, l'Hôtel de ville), des rencontres avec des personnages souvent maladroitement cruels (le gêolier, l'aumonier, l'huissier, le bourreau), des réactions poignantes d'une enfant et d'une foule implacable mais aussi de la mise au fer et des rudes conditions de détention des prisonniers permettent de rendre compte de toute l'angoisse ressentie à l'attente d'une mort certaine.

Victor Hugo n'a jamais caché son opposition à la peine de mort qu'il assimilait à de la barbarie et, en choisissant de ne donner ni l'identité ni le récit du crime de ce condamné, l'auteur dédie ce roman à tous ces accusés dont le crime sera sanctionné par une sentence fatale.
Le "héros" est dépeint comme un homme presque ordinaire, ni foncièrement bête ni d'une grande intelligence, qui nous emmène dans les coins sombres de sa prison et de son esprit, faisant de nous lecteurs les spectateurs de chaque instant précédant son exécution.
Un homme qui suscite un certain attachement de par ses réactions d'une touchante simplicité mais à qui le manque de repentir fait également défaut.
Serait-ce en raison d'une (trop) courte période d'emprisonnement que le condamné ne fait qu'appréhender sa propre mort au lieu d'évoquer avec regret celle de sa victime ou la culpabilité serait-elle plutôt, comme il le dit, un sentiment précédant la condamnation?
A moins de connaître pareille situation, il est sans doute impossible de pouvoir répondre à cette question.
En revanche, "Le Dernier jour du condamné" invite chacun de nous à réfléchir à la question de la légitimité de la peine de mort, pratique abolie dans quasiment toute l'Europe mais qui reste encore de mise aux USA ainsi que dans la plupart des pays d'Afrique et d'Asie.

Extraits :

" Condamné à mort! dit la foule; et, tandis qu'on m'emmenait, tout ce peuple se rua sur mes pas avec le fracas d'un édifice qui se démolit. Moi, je marchais, ivre et stupéfait. Une révolution venait de se faire en moi. Jusqu'à l'arrêt de mort, je m'étais senti respirer, palpiter, vivre dans le même milieu que les autres hommes; maintenant je distinguais clairement comme une clôture entre le monde et moi. " p.13

" Les hommes sont tous condamnés à mort avec des sursis indéfinis." p.14

" Une fois rivé à cette chaîne, on est plus qu'une fraction de ce tout hideux qu'on appelle le cordon, et qui se meut comme un seul homme. L'intelligence doit abdiquer, le carcan du bagne la condamne à mort; et quant à l'animal lui-même, il ne doit plus avoir de besoins et d'appétits qu'à heures fixes." p.36

" Non, folie! Plus d'espérance! Le pourvoi, c'est une corde qui vous tient suspendu au-dessus de l'abîme, et qu'on entend craquer à chaque instant, jusqu'à ce qu'elle se casse. C'est comme si le couteau de la guillotine mettait six semaines à tomber." p.38

" Ils disent que ce n'est rien, qu'on ne souffre pas, que c'est une fin douce, que la mort de cette façon est bien simplifiée. Eh! qu'est-ce donc que cette agonie de six semaines et ce râle de tout un jour? Qu'est-ce que les angoisses de cette journée irréparable, qui s'écoule si lentement et si vite? Qu'est-ce que cette échelle de torture qui aboutit à l'échafaud?
Apparemment ce n'est pas là souffrir." p.77


Pour la version écrite du texte intégral : ici
Pour la version audio :


10 octobre 2009

La femme gauchère - Peter Handke


Marianne et Bruno sont mariés depuis une dizaine d'années et ont un fils, Stéphane.
Un jour, sous le coup d'une lubie, Marianne demande à son mari de quitter le domicile conjugal et recontacte son ancien éditeur afin de reprendre son travail de traductrice.
Commence alors pour Marianne une nouvelle vie qui passe par la découverte et l'apprentissage de la solitude.

Un roman très court où il ne se passe pas grand chose. Des personnages volontairement creux et impersonnels qui se frôlent sans se toucher. Bruno est le seul appelé par son prénom.
Marianne est quant à elle "la femme" et Stéphane, même au travers des discussions de couple reste "l'enfant".
S'ajoute un style horriblement lourd qui ne saurait être entièrement imputable à une mauvaise traduction. Une poubelle se dit " boîte à ordures", un lave-vaisselle est appelé "machine à laver la vaisselle".
Je m'arrête là et vous laisse juger par vous-même :

" Tu n'imagines pas tout ce qu'il y a de choses paradisiaques possibles entre femmes." p.25

" Franziska pense que tu ne sais pas ce que tu fais. Elle dit que tu n'as pas conscience des conditions historiques de ta manière d'agir." p.32

" La femme revint, elle resta debout devant lui. Il leva les yeux vers elle. Elle lui posa la main sur le front; puis s'assit en face de lui. Elle avait mis sa main sur la table, il la prit et la baisa. Ils se turent longtemps." p.46

J'ai gardé la meilleure pour la fin :

" L'éditeur demanda lentement : "C'était lequel votre verre?"
Elle le montra et il le prit : "J'aimerais maintenant boire dans votre verre, Marianne." Puis il renifla ses cheveux : "Ca me plaît que vos cheveux ne sentent que le cheveu. Ce n'est pas une odeur, cela devient aussitôt un sentiment. Et comme vous marchez, cela me plaît aussi; ce n'est pas une façon particulière de marcher comme d'habitude chez les femmes. Vous marchez, tout simplement, et ça c'est beau." p.44


Inutile d'ajouter que je n'ai absolument pas aimé ce roman...

7 octobre 2009

Cathy's book - Stewart/Weisman/Brigg


Cathy Vickers a 17 ans et vit seule avec sa mère, une infirmière de nuit devenue alcoolique suite à la mort de son mari quelques mois plus tôt.
Cette année n'est guère facile pour Cathy, d'autant que son petit ami Victor vient de la plaquer et que Cathy se réveille le lendemain avec une trace de piqûre sur le bras.
Pourquoi Victor l'aurait-il droguée? Cathy décide de mener l'enquête, malgré les avertissements de sa meilleure amie Emma (un sosie d'Hermione Granger).
Violation de domicile, fouilles dans un laboratoire scientifique, filature : Cathy est prête à tout pour découvrir le secret de Victor...

" Cathy's book" est un livre qui éveille incontestablement la curiosité, ne serait-ce que par son format particulier.
Non seulement il s'agit d'un journal intime d'ado, un vrai de vrai, avec un élastique (j'aurais mis un cadenas avec clé mais c'est un détail), des dessins, des râtures, des commentaires et des extraits de conversations msn, mais le journal renferme également dans une pochette tous les indices récoltés par Emma durant son enquête (coupures de journaux, photo déchirée, numéros de téléphone, adresses internet, actes de mariage/décès/naissance,...)


Jusque là, rien à redire. J'ai toujours cru à l'attrait des "livres gadgets", surtout pour les jeunes, et n'en démordrai pas.
Bon point également concernant le style d'écriture et les réactions des personnages bien que parfois caricaturés à l'extrême (Cathy qui se demande quoi mettre pour partir enquêter ou qui examine la coupe du tailleur de son ennemie alors que celle-ci a dégainé un pistolet).

En revanche, je m'interroge quant à la véritable utilité des indices qui nous sont donnés et je ne pense pas me tromper en affirmant qu'on peut très bien s'en passer pour suivre l'enquête.
Je pensais que ces indices permettraient une immersion dans l'histoire, de manière interactive. Je suis restée sur ma faim.
S'agissant de l'intrigue, même si le dénouement ne m'est pas apparu clairement au début, je tenais déjà le bon bout dès la page 30, ce qui est dommage étant donné que le journal en fait 190...Intrigue assez sommaire au demeurant.
Je ne vais pas spoiler la fin (que j'ai trouvée plutôt nulle) mais je demande à ceux qui l'ont déjà lu de m'expliquer comment il est possible de papoter autant durant une scène de combat(?)

J'attendais sans doute un peu trop de ce livre mais j'ai beau me dire qu'il est avant tout destiné aux ados, je pense que j'aurais fait les mêmes remarques si je l'avais lu il y a 10 ans.
" Cathy's book" est un livre ludique mais ne vous attendez pas à une véritable intrigue policière.
J'espère que les concepteurs auront davantage planché sur l'histoire pour la suite, "Cathy's key", dont la version française sortira le 13 novembre (un 3ème volume étant déjà en préparation).



Extrait :

" J'avais suffisamment testé les expériences culinaires d'Emma pour craindre le pire.
- Décortiquer des crevettes avec un épluche-patate, c'est pas évident, a-t-elle repris. J'ai essayé, mais au bout d'un moment il y a des petits bouts de carapace qui giclent partout. Sans parler des pattes qui sautent dans tous les sens comme des mini-sauterelles. Une horreur!
J'ai observé de plus près les paillettes qu'elle avait dans les cheveux.
OMD.
L'amitié, c'est comme le mariage : on reste uni dans la richesse et dans la pauvreté, pour le meilleur et pour le pire.
Si on est pas capable de se sacrifier en cas de coup dur, quel genre d'ami est-on?
Réprimant mon dégoût face à toutes ces rognures de crevettes qui lui décoraient la tête, j'ai dit :
- T'inquiète, j'ai un peigne." p.128


D'autres avis : Vilaine Fifi - Mirianne a lu - Mon coin lecture

4 octobre 2009

La rafale des tambours - Carol Ann Lee


J'établis souvent des comparaisons, des liens, des ressemblances entre les choses ou les gens et bien souvent, on a tendance à me signifier d'un rire moqueur que je suis décidément encore une fois à côté de la plaque.
Mais je maintiens que de temps en temps quand même je ne vise pas trop mal, par exemple quand je dis que Greg Grunberg (aka Matt Parkman de "Heroes") est un Keanu Reeves accro aux donuts :

















Bref. Mais où veut-elle en venir et quel est le rapport avec ce roman historique de Carol Ann Lee?
Je m'explique. La première impression qui m'ait traversé l'esprit en découvrant "La rafale des tambours" est cette triple similitude avec le film "Pearl Harbor"(oui oui celui avec le séduisant Josh Hartnett et le beaucoup-moins-séduisant-je-trouve Ben Affleck), tous deux traitant des mêmes sujets : la guerre et le trio amoureux.
Deux amis aiment la même femme mais, manque de bol, elle a rencontré l'un des deux en premier et l'a épousé.
Cela l'empêche-t-elle de renoncer à l'autre pour autant? Non, évidemment!

Seconde similitude : la femme dont il est question dans cette histoire est infirmière (Oui oui comme Kate Beckinsale, en même temps il n'y avait pas 36 000 options pour les femmes durant les guerres, infirmières ou fabricantes d'armes).

Troisième similitude : l'un des deux hommes va mourir.
Bon, la comparaison s'arrête là et c'est heureusement tout à la faveur du livre.

" La rafale des tambours" se déroule durant la première guerre mondiale et nous emmène au coeur des tranchées.
Mais le récit commence par la fin, à Londres, le 10 novembre 1920 alors que la guerre est achevée depuis deux ans et que le corps du soldat inconnu est acheminé par 12 hommes vers l'abbaye de Westminster.
Un soldat inconnu? Oui, pour les milliers de personnes présentes lors de la cérémonie mais pas pour Alex Dyer, un correspondant de guerre ayant fait des pieds et des mains pour intégrer le Comité de Sélection chargé de choisir le corps de celui qui incarnera à lui seul les milliers de soldats disparus au combat.
Alex leur devait bien cela à Ted et à Clare...
4 mois plus tôt, à Ypres, Alex rencontrait Daniel Lombardi, un ancien soldat reconverti en jardinier chargé avec 400 autres hommes de créer quelques 700 cimetières en France et en Belgique afin d'y accueillir les sépultures de toutes les victimes de la Grande Guerre.
Les deux hommes se lient d'amitié à tel point qu'Alex parvient à se confier quant aux souvenirs de ces dernières années.

" Muet et songeur, Lombardi écoute le journaliste tourner les pages de son carnet; tantôt il lit, tantôt il se souvient." p.196

Au fil des discussions entre les deux hommes et de la lecture d'extraits de son journal, Alex revient sur les affres de la guerre, sur l'amitié fraternelle qui l'unit à Ted devenu soldat au front et sur son aventure avec l'épouse de Ted, Clare, une infirmière officiant dans les trains-hôpitaux puis dans un centre de reconstruction faciale.

" La rafale des tambours" est un roman traduit de l'anglais et pourtant l'écriture est si limpide et si juste que l'on pourrait penser que le français fut sa première langue d'écriture.
Le récit a ceci d'original qu'il nous présente de la première guerre mondiale 3 facettes à la fois différentes et intimement liées, à l'image des 3 personnages centraux.
Alex est correspondant de guerre et lutte contre la censure journalistique entourant les récits des conflits armés. Ted est soldat et se bat en première ligne pour défendre son pays, son portrait servant de prétexte à la description de la dureté des combats et à leur impact psychologique.
Clare est infirmière et tente au mieux de panser les plaies mais aussi de soulager les angoisses de ces héros et victimes de guerre.
Grosse différence par rapport à "Pearl Harbor" (elle s'accroche à son idée la ptite) : l'histoire d'amour ne prend pas toute la place.
L'auteure est ainsi parvenue à équilibrer parfaitement les deux sujets, bien que ceux-ci s'entremêlent, et à romancer "juste ce qu'il faut".
Le récit se veut richement documenté sans toutefois verser dans le documentaire ennuyeux (ce que j'appréhendais), émouvant et dur sans tomber dans les ficelles du mélodrame.
En un mot : MAGNIFIQUE (et très justement en lice pour le Prix Femina).

Extraits :

" Si, pour un homme, le passé est plus tangible que le présent, est-ce encore le passé? Quand le présent ne veut rien dire? Et que sa propre histoire est une chose qui vit et respire, qui le soutient quand tout espoir a disparu? S'il ne peut oublier ce qui appartient au passé, comment peut-il vivre? " p.38

" Je possède encore un article du Times de ce Noël, qui encourageait les vieilles dames à brosser leurs petits roquets, genre pékinois, plusieurs fois par jour. Les poils qu'elles rassemblaient servaient à tisser des vêtements légers pour habiller les soldats blessés qui ne supportaient aucun poids sur la peau. Je collectionnais les nouvelles absurdes de ce genre et les introduisais dans mes conférences, qui renfermaient plus de vérités que n'importe lequel de mes articles parus dans les journaux." p.143

" Debout au pied du clocher de l'église, Clare contemplait la campagne sur laquelle flottait une brume blanche.
Dans ses oreilles, l'effroyable bourdonnement se poursuivait, tandis que là-bas, sur le champ de bataille, des légions de mouches noires voltigeaient, se posaient et festoyaient sur les corps des blessés et des morts.
Elle ferma les yeux et tomba à genoux.
La civilisation avait été détruite, impossible désormais, pour quiconque, de recommencer à vivre comme avant." p.222

" Car il n'existe pas de plus grand défi que l'amour : le trouver, le garder, le perdre. Parfois, je me dis que l'amour est la dernière aventure offerte à l'humanité; nous avons épuisé toutes les autres possibilités." p.253

D'autres avis : Leiloona - Winnie



Un ENORME MERCI à et aux Editions pour ce premier partenariat!