26 octobre 2010

Le confident - Hélène Grémillon


"Le confident" est le premier roman de la française Hélène Grémillon (grâce à la rubrique people de Keisha, nous savons qu'elle est la compagne du chanteur Julien Clerc ^^), paru le 9 septembre.
Paris, 1975. Camille Werner, une éditrice de 35 ans, vient de perdre sa mère, décédée dans un accident de voiture. Parmi les mots de condoléances figure la première lettre d'une série que Camille attendra avidement tous les mardis, même si elle n'a jamais entendu parler de Louis, le mystérieux expéditeur. Alors que la jeune femme pensait à une erreur de destinataire puis à un manuscrit habilement déguisé, elle découvrira que l'histoire qui lui est contée pourrait bien la concerner...

"Ce ne sont pas les autres qui nous infligent les pires déceptions, mais le choc entre la réalité et les emballements de notre imagination." p.33

Si vous ne l'avez pas encore lu, précipitez-vous dans la librairie la plus proche !
Si le récit débute par le portrait de Camille, c'est principalement dans les années 1938-1943, durant l'Occupation allemande que se déroule ce roman.
Camille va découvrir les témoignages à rebours de Louis, Annie et Madame M., des histoires de vie imbriquées les unes dans les autres et traversées par la culpabilité, le secret et la survie durant cette terrible guerre qui pousse les femmes à enfanter coûte que coûte, pour repeupler une nation décimée par les combats.

" Je manquais certes de qualités physiques pour procréer, pas pour autant d'instinct maternel. Les femmes devraient toujours être dépossédées des deux à la fois, cela éviterait bien des chagrins et des drames." p.229

" Elle est mystérieuse, la naissance, qui retire une femme à la société pendant quelque temps et qui, un jour, la lui rend, comme ça, brutalement.
Après des semaines d'hébétude et de béatitude, on entre de nouveau dans l'action et on redevient celle qu'on était avant, en plus concentrée, en plus dense, en pire, car désormais on ne se bat plus pour soi mais aussi pour son enfant.
Après ce coup de feu, la vie venait de reprendre ses droits sur l'ère protectrice de la maternité nouvelle." p.246

Alors qu'elle ( et a fortiori le lecteur) pense détenir le fin mot de l'histoire à l'issue d'une correspondance, Camille se voit bousculée dans ses certitudes par l'arrivée d'une nouvelle lettre puis d'un journal, de sorte que le suspense reste haletant jusque dans les dernières pages !

" L'amour est un principe mystérieux, le désamour plus encore, on arrive à savoir pourquoi on aime, jamais vraiment pourquoi on n'aime plus." p.41

J'ai beaucoup aimé le soin apporté par l'auteure dans la différenciation des intervenants, aussi bien dans la description fouillée de leur comportement à chacun que dans leur façon singulière de relater les événements. Chacun apporte un éclairage différent et pourtant complémentaire à l'histoire.
La machination au centre de ce récit est rondement bien amenée, sans pour autant que le lecteur ne se perde en cours de route.

" La manipulation psychologique est une arme comme une autre, ni plus ni moins faillible, la seule en tout cas qui permette le crime parfait. Tellement parfait, que même moi j'étais presque convaincue de ne pas être responsable de sa mort. Finalement, j'avais peut-être raison." p.279

Un premier roman très réussi, sans doute mon préféré de la rentrée littéraire ! Un vrai coup de coeur que je vous recommande les yeux fermés ! (mais les yeux ouverts, c'est quand même plus pratique pour lire...)

D'autres avis : Clara - La plume et la page - Sandrine - Stephie - Keisha - Hérisson - Gwenaëlle - Mango - L'Ogresse


Un grand MERCI à et aux éditions de m'avoir offert ce livre !


25 octobre 2010

Tsubame, Le poids des secrets (3) - Aki Shimazaki


Troisième volet de la pentalogie "Le poids des secrets" (pour rappel, les billets sur les deux premiers tomes ici et ), "Tsubame" (hirondelle en japonais) n'en est pas moins singulier.
Si les deux premiers tomes étaient consacrés à la jeunesse de Yukiko et Yukio à travers leurs points de vue respectifs, ce troisième opus revient quant à lui sur l'histoire de Mariko Takahashi à savoir la mère de Yukio.
Le tome 2 s'achevait sur l'interrogation de Yukio quant à l'identité de son père, une question qui semble se refiler dans la famille puisque c'est au tour de sa mère, Mariko, de se la poser à propos du sien.
Narratrice, Mariko raconte son enfance auprès de sa mère et de son oncle et le terrible tremblement de terre qui la sépara d'eux. Avant de disparaître, sa mère lui a remis son journal et lui a fait promettre de ne jamais révéler à quiconque ses véritables origines (coréennes) au risque de mettre sa vie en danger. Elevée par un prêtre surnommé "Tsubame" par les autres orphelins, la jeune fille a donc grandi et mené toute sa vie sous une identité japonaise.

"La ville n'est pas encore reconstruite. Les décombres de l'incendie subsistent. L'usine de médicaments et notre nagaya ont disparu. La vue de la ville a changé complètement. Ce qui n'a pas changé, c'est la colline. Je trouve la pierre sur laquelle j'étais assise. D'ici, je regardais avec ma mère le feu dans la ville. Près de nous, un garçon pleurait dans les bras d'une jeune femme.
Je n'aime pas me rappeler d'autres choses.
Je marche en cherchant des campanules. Il n'y en a plus. Je m'allonge sur l'herbe. Je ferme les yeux. Je reste ainsi longtemps et je m'assoupis." p.40

Scindé en deux parties à l'image du tome 2, ce tome 3 nous présente en premier lieu l'enfance de Mariko pour faire ensuite un bond 50 ans après le tremblement de terre, alors que Mariko est grand-mère.
Si les interrogations autour du père de Yukio trouvent ici réponses pour le lecteur, elles se déplacent à l'issue de ce tome 3 autour du père de Mariko.
Ce tome 3 fait ainsi le pont entre le tome 2 (histoire du fils de Mariko) et le tome 4 (histoire du père de Mariko, enfin je suppose). On y recroise les symboles des tomes 1 et 2 (tsubaki et hamaguri) et l'allusion aux wasurenagusa, fleurs préférées du père de Mariko, préfigure le symbole du tome 4.
La question de l'identité, des origines mais aussi de l'exil (symbolisé par l'hirondelle, tsubame) constitue la source du lourd secret tenu par Mariko et se trouve donc au centre de ce tome.

" Allongée sur l'herbe, je regarde le ciel. Un couple d'hirondelles passe au-dessous des nuages blancs.
Elles sont revenues de leur pays chaud. L'une suit l'autre à la même vitesse. Elles volent haut, ensuite très bas au ras du sol. Elles remontent et se perchent un moment sur le toit d'une maison.
Je me dis : "Si on pouvait renaître, j'aimerais renaître en oiseau". " p.49

Comme dans les tomes précédents, la nature, liée aux souvenirs de la narratrice, tient toujours une place prédominante dans le récit.
Chaque tome respecte pour ainsi dire le même schéma présentant un éclairage sur un narrateur unique possédant sa "madeleine de Proust" associée à un symbole évocateur et omniprésent ainsi qu'une allusion à celui qui apparaîtra dans le prochain.
C'est sans doute cette construction particulière plus que l'écriture (qui va toujours à l'essentiel, sans s'appesantir) qui contribue à vouloir faire progresser le lecteur dans ce récit nimbé de mystère.
Je continue donc ma route :)

"Tsubame" était une lecture commune avec Manu, Choco et Restling dont je file découvrir les billets !

D'autres avis : Leiloona - Stephie - Pimprenelle - Marie - Aifelle - Emilie - Clara - George.

24 octobre 2010

Fugue - Anne Delaflotte Mehdevi


Après "La relieuse du gué", "Fugue" est le second roman de la française Anne Delaflotte Mehdevi.
Suite à la fugue de sa fille Madeleine, retrouvée saine et sauve dans les bois, Clothilde a perdu la voix à la stupéfaction générale.
Entre les enfants à présent scolarisés et le mari pilote toujours absent, la jeune femme n'a plus personne dont s'occuper si ce n'est elle-même. Elle va devoir se composer un quotidien et se réapproprier une identité de femme. Le retour à sa passion première, la musique, pourrait l'aider dans cette voie. Elle consulte une phoniatre et entame des cours de chant lyrique.

" Ce qu'elle voulait c'était "faire" de la musique et comme l'amour, et comme l'écriture peut-être pour qui écrit, ce n'est pas quelque chose à propos de quoi on parle. On le fait justement parce que la parole ne suffit plus." p.291

Clothilde est une jeune femme bien entourée au quotidien. Mais dès le jour où elle se retrouve muette, son mari, sa meilleure amie et son père font preuve d'impatience et d'incompréhension.
Alors que Clothilde pourrait entamer un traitement qui la ferait parler à nouveau, elle préfère se concentrer sur la création du magasin de sa meilleure amie et sur ses cours de chant.
Une démarche fort mal reçue par un entourage qui s'éloigne d'elle et ne comprend pas qu'elle puisse chanter en maîtrisant sa voix alors qu'elle n'est plus en mesure de leur parler.
Mais Clothilde a-t-elle vraiment envie d'être soignée? De pouvoir parler à nouveau et de retourner à sa vie d'avant?

"Le temps était redevenu précieux et plus seulement parce que c'est lui qui mûrissait, devant les yeux de la mère, les traits de ses enfants au fil des jours. Il était redevenu une mesure pour lui-même. Clothilde ne le passait plus à attendre que ses enfants aient besoin d'elle ou l'interrompent. Il lui arrivait aussi souvent qu'avant de ne pas dormir à cause d'un souci, d'une peine de l'un ou de l'autre que "même elle" la mère ne pourrait pas soulager mais, lorsqu'elle était au chant, elle était libre, elle était ailleurs, partout, omnipotente. " p.237

Je crois que je serai la voix dissonante pour ce titre. J'ai trouvé l'histoire plutôt banale. Une mère qui découvre qu'elle a consacré les dix dernières années de sa vie aux autres, à son mari et à ses enfants, se découvre du temps pour elle et se demande quoi en faire.
Bon après elle perd la voix, d'accord. Pour quelle raison? C'est bien ce que je me demandais avant d'ouvrir ce livre et je pensais que l'auteure travaillerait là-dessus en axant son récit sur la psychologie de son personnage principal.
Nada. Au lieu de cela, j'ai eu droit à des cours de musique qui, je dois bien le dire, m'ont fait mourir d'ennui car ça n'est pas cela que j'attendais.
Les personnages secondaires m'ont paru "secondaires". Disons que je ne leur ai pas trouvé grand intérêt sinon de souligner à quel point leur intolérance exaspérante poussait Clothilde à persévérer dans sa voie (et non à retrouver la voix).
Et puis pourquoi donner une telle importance à ce chien? Beau. Oui c'est le nom du chien, qui appellerait encore son chien de la sorte? (et je sens qu'il y a un "Moi" qui va surgir en commentaires, ouch tant pis). J'ai bien compris que ce chien faisait le lien entre les différents membres de la famille mais il ne faut pas exagérer non plus, il ne s'agit pas ici des aventures de Lassie.
Nul doute que l'auteure sache parler de musique avec tendresse puisqu'à l'image de son héroïne, elle joue du piano et pratique le chant lyrique.
En revanche, pour ce qui est du reste, je n'ai absolument pas été séduite par cette histoire trop convenue ni par les personnages que j'ai trouvé bien ternes, voire même dérisoires.

D'autres avis : Clara - Sandrine - Saxaoul - Mirontaine - Marie L. - Alex - Emilie

Un grand MERCI à et aux éditions de m'avoir offert ce livre !


23 octobre 2010

Je veux l'homme parfait - Goupil&Douyé


"Je veux l'homme parfait" est une bd signée Goupil&Douyé et illustrée par Laetitia Aynié qui paraîtra en librairie dès le 27 octobre.
L'homme parfait. Une expression qui fait doucement rire les unes et fantasmer les autres.
Qui n'a pas un jour rêvé d'un homme constamment aux petits soins, habile de ses 10 doigts et qui n'hésite pas à mettre la main à la pâte et à passer l'aspirateur? (comment ça esclavagisme?)
Présenté sous la forme d'un guide pratique à l'usage des femmes, cet ouvrage est divisé en 3 chapitres.
Le premier dresse une sorte d'état des lieux en décryptant toute une série de comportements masculins qui exaspèrent généralement les femmes (ah les chaussettes qui traînent !).

Dans le second, il est question de dressage ou de comment arriver à ses fins pour formater l'homme selon le modèle souhaité (menaces, camouflage, tenue sexy,...).
Mais comme nous l'annonce la fin du chapitre 3 intitulée "Exercices pratiques", dans un couple il faut être deux à faire des concessions, chacun n'étant finalement que la version parfaite de lui-même.

"Je veux l'homme parfait" est donc une bd à prendre au second degré. Si les situations décrites se veulent légères et caricaturales, fidèles aux clichés généralement réservés aux deux sexes, elles sont traitées avec humour et accompagnées d'illustrations très "girly" qui plairont assurément aux fans de Pénélope Bagieu.

Et pour celles qui croient aux miracles, elles peuvent toujours attendre...


Un grand MERCI à Suzanne de et aux éditions de m'avoir offert ce livre !

Un autre avis : Lili Galipette

22 octobre 2010

L'étrange disparition d'Esme Lennox - Maggie O'Farrell


"L'étrange disparition d'Esme Lennox" est le 4ème roman de la romancière irlandaise Maggie O'Farrell, auteure de "Quand tu es parti", "La maîtresse de mon amant" et "La distance entre nous".
Iris Lockhart reçoit un appel lui annonçant qu'elle est la curatrice d'Euphemia Lennox, la soeur de sa grand-mère. Surprise, la jeune femme assure que sa grand-mère est fille unique.
Mais les preuves sont là et Iris est sommée de se rendre à Cauldstone, l'établissement psychiatrique où réside Euphemia depuis...60 ans.
Pour quel motif cette femme a-t-elle été enfermée durant si longtemps? Et pourquoi son existence a-t-elle été dissimulée?

Scotchante et révoltante. Ce sont les deux mots qui me viennent pour qualifier cette histoire aux multiples rebondissements.
L'histoire s'ouvre sur l'enfance d'Esme passée en Inde et sa relation avec les membres de sa famille. Si sa soeur aînée Kitty se comporte en jeune fille exemplaire, toujours encline à obéir au doigt et à l'oeil de la mère, Esme se montre plus revêche.
Souvent plongée dans ses pensées ou dans un livre, elle fait fi des convenances et ne souhaite guère se trouver un mari.
Son manque de docilité est perçu comme de la provocation par des parents et une soeur qui ne voient que le mariage pour l'éloigner de la maison afin qu'elle cesse d'entacher leur réputation.
Un tragique événement leur permettra de se débarrasser du vilain petit canard...

" Mais chaque fois que nous allions quelque part, une partie de tennis, un thé, un bal, elle faisait toujours quelque chose d'étrange, d'inattendu. Taper sur le piano, parler au chien pendant tout le temps, une fois, grimper à un arbre et rester là à regarder dans le vague et à tortiller ses cheveux rebelles.
Certaines personnes, j'en suis certaine, ont cessé de nous inviter à cause de son comportement. Et je dois dire que j'en ai été très affectée. Maman m'a donné raison.
Quand je pense que tu dois souffrir à cause d'elle, alors que tu te conduis de la manière la plus parfaite qui soit. Ce n'est pas juste." p.138

Le moins qu'on puisse dire c'est qu'Esme Lennox paiera cher son insolence, reniée et enfermée par les siens qui invoquent un départ chez un oncle et ne lui rendent aucune visite.
C'est Iris, la petite-fille de sa soeur qui ignorait son existence, qui mettra fin à ses 60 années de réclusion.
Tandis qu'Iris se débat avec sa vie personnelle et tente de comprendre les agissements de cette femme étrange, Esme est submergée par les douloureux souvenirs de jeunesse.

" Nous ne sommes que des vaisseaux par lesquels circulent des identités, songe Esme : on nous transmet des traits, des gestes, des habitudes, et nous les transmettons à notre tour. Rien ne nous appartient en propre.
Nous venons au monde en tant qu'anagrammes de nos ancêtres." p.119

Même si un lien timide se tisse entre les deux femmes, Esme ne se confie pas à Iris, ce qui laisse penser que même libre, elle reste en quelque sorte prisonnière d'un passé dont elle n'est par ailleurs aucunement responsable.
Les pensées de l'une et de l'autre s'alternent pour tenir lieu de chapitres auxquels viennent se greffer les réminiscences de la soeur d'Esme, Kitty, atteinte de la maladie d'Alzheimer.
Le passage d'une intervenante à une autre m'a quelque peu déboussolée au début, d'autant que leurs propos sont souvent lapidaires et poussent à tourner les pages pour dénouer le mystère.
Je me suis finalement habituée à cette construction atypique et j'ai vraiment apprécié la pudeur de l'écriture pour raconter cette histoire si criante d'injustice.

"L'étrange disparition d'Esme Lennox" était une lecture commune avec Jules, Liliba et Restling dont je file découvrir les avis !

Une foule d'autres avis chez BOB !

16 octobre 2010

Vingt-Quatre Heures d'une femme sensible - Constance de Salm


Ouvrage épistolaire publié en 1824, "Vingt-Quatre Heures d'une femme sensible" est l'oeuvre de Constance de Salm, femme de lettres française particulièrement admirée pour sa beauté et fondatrice d'un salon littéraire fréquenté par Stendhal et Alexandre Dumas fils.
Il est ici question de la jalousie d'une femme laquelle, ayant aperçu son cher et tendre au bras d'une autre à l'opéra, attend impatiemment de ses nouvelles afin de pouvoir couper court à sa terrible attente.

Au fil de 46 lettres, la narratrice passe par tous les états possibles. A la vue de son bien aimé en compagnie d'une autre femme et parce que celui-ci ne lui a adressé qu'un salut furtif au terme de la soirée, son sang ne fait qu'un tour. Elle cesse de dormir et de s'alimenter. Elle en veut à cette mystérieuse Madame de B. de s'être fait remarquer. Elle essaie de se convaincre que son amant ne la trahira pas, lui fait porter ses lettres et apprend qu'il est parti avec Madame de B. durant la nuit sans laisser un mot.
Elle culpabilise, se demande ce qu'elle a bien pu faire de travers pour mériter qu'il l'abandonne ainsi alors qu'il ne lui a jamais adressé quelque reproche.
Que faire alors ? Se rendre chez lui pour découvrir le fin mot de l'histoire? Oui, non, oui.
Après avoir remué de fond en comble son cabinet, elle trouve enfin ce qu'elle était venue chercher. Mais cette découverte la calmera-t-elle pour autant?
Déni, adieux virant au tic de langage, supplication, renoncement, elle n'est pas encore au bout de ses peines...

Il est curieux de constater comme à partir d'un seul événement, l'ignorance doublée d'une imagination des plus fertiles peut donner lieu à toute une série de réactions extrêmes.
Même si la narratrice reconnaît volontiers que peu de choses suffisent à la rendre jalouse, elle n'arrive cependant pas à se raisonner pour pouvoir contrôler sa dépendance affective.
Exclusive, elle se laisse consumer par cette jalousie qui lui empoisonne l'existence.
Que son amant soit ou non à ses côtés, elle tremble à l'idée que 1000 choses puissent les séparer et le moins que l'on puisse dire, c'est que le dénouement de cette histoire lui donnera une bonne leçon.

Nul doute que Stefan Zweig se soit inspiré de ces lettres en écrivant "Vingt-quatre heures de la vie d'une femme" voire même "Lettre d'une inconnue" mais il se dégage de l'écriture de Constance de Salm des accents tragiques totalement absents de l'oeuvre de Zweig.
Le monologue de cette femme jalouse laisse transparaître toutes les facettes de son obsession et ce dans toute sa démesure, un comportement qui se veut d'autant plus amplifié par le caractère très théâtral de ses interventions (raison pour laquelle certaines lectrices ont jugé ce portrait de femme trop artificiel).
Là où les personnages de Zweig semblent garder un certain orgueil, le personnage de Constance de Salm se montre incapable de conserver une forme de dignité. Certaines la plaindront, d'autres lui reprocheront son manque de self-control voire la trouveront vraiment trop sacrificielle et égocentrique.
J'ai ressenti un peu de tout ça durant ma lecture et je ne le regrette absolument pas.
Il faut dire que je me délecte toujours de cette prose élégante du 19ème :)

" Si je ne vous écrivais pas, que ferais-je de mon temps, de moi-même? L'amour tient tant de place dans la vie ! C'est quand il n'est plus là que l'on sent le poids de ces longues minutes qui doivent s'écouler sans lui ; c'est quand nous l'avons perdu que nous voyons qu'il était le motif de toutes nos actions, le charme de toutes nos pensées, le foyer de tous nos sentiments ; c'est alors seulement que nous comprenons bien ses véritables délices, et que, privés de la plus chère moitié de nous-mêmes, nous errons dans le vide de notre âme, et ne jetons plus autour de nous que des regards tristes et désenchantés.
Voilà ce que j'éprouve. Vous ne m'aimez plus, tout est changé pour moi ; je ne suis plus même ce que j'étais avant de vous connaître. Je n'ai plus cette force, ce courage qui me distinguait, disait-on, des autres femmes.
J'ai perdu jusqu'à ce noble orgueil qui tant de fois a fait bouillonner mon sang à la seule pensée d'un affront souvent imaginaire. Vous m'abandonnez, et je pleure ; vous m'outragez, et je veux mourir.
Déchue des grandeurs de l'amour, je suis aussi déchue de moi-même ; je rentre dans la route commune de la vie, je ne suis plus qu'une femme ordinaire." p.95

En lisant ces lettres, j'ai repensé à "L'Enfer", terrible film de Claude Chabrol avec Emmanuelle Béart et François Cluzet et qui s'achevait sur l'air de "Et si tu n'existais pas" de Joe Dassin.




D'autres avis : Keisha - Pascale - Stephie - Emmyne - Lili Galipette - Clarabel - Liliba

14 octobre 2010

Bruxelles enzovoort

Le weekend dernier, j'ai eu la joie IMMENSE de rencontrer plusieurs blogueuses qui ont toutes accepté de faire le déplacement jusqu'à Bruxelles pour découvrir la ville bien sûr mais surtout pour faire la connaissance de ces plumes passionnées aux visages souvent inconnus.

Le vendredi, à 14h35 très précisément, j'attrapais d'abord Choco à la sortie de son train et comme les autres n'arrivaient que 4h plus tard, nous avons papoté "au hasard des rues" (oui parce qu'il faut savoir que bien qu'étant bruxelloise pure souche, je n'ai AUCUN sens de l'orientation) pour ensuite nous attabler en terrasse (le temps étant juste magnifique!).
Pas de photos de ce moment-là, à croire que nous étions bien trop occupées à nous empiffrer de gaufres choco/chantilly en zieverant...


Nous sommes ensuite allées réceptionner les filles à la Gare du Midi, ce qui fut un peu plus ardu que prévu...Si nous connaissions les visages de Liliba, CécileQD9, Restling et Emmyne, nous n'avions aucun indice ou presque quant à Ys, Lounima et Brize tout simplement parce qu'elles se planquent les coquines ^^ Je leur avais promis un accueil façon Odile Derey mais je m'y suis prise à la dernière minute et je n'avais pas vraiment le matos adhoc à la maison. Heureusement, leur instinct grégaire nous a facilité la tâche...


Le temps de filer à l'hôtel déposer les bagages et nous étions en route vers le Delirium Café, the place to be pour les amateurs de bières puisqu'il dispose d'une carte (de la taille d'un catalogue Ikea) de plus de 2000 bières ! Bières au chocolat, au nougat, à la noix de coco (Mongozo Coconut pour les intimes) ou Ice Tea avec une feuille de "marronnier" sur la boîte comme dirait ma mère-grand, il y en avait pour tous les goûts...ou presque car Cécile n'a pas trouvé de bière à la pistache. Après intense réflexion, je pense qu'ils n'ont pas non plus de bières à la meringue ou aux moules. Des brevets restent donc à prendre !


Ensuite direction le traditionnel fritkot, le Belgian Frit'n Toast, que je conseillerais pour ses frites, nettement moins pour le reste.
Et comme certaines voulaient savoir ce que contient la fameuse fricadelle, voici la réponse en vidéo ^^


Samedi matin, le rendez-vous était pris aux Galeries Saint-Hubert où nous avons rejoint Manu et Niki. Il était prévu que nous allions visiter l'exposition interactive Bruxelles en scène. Malheureusement, un incident technique nous a privées de l'expo. Bienvenue en Belgique :)
Nous avons donc avancé le programme de la journée pour débuter le rallye qui consistait, au détour de questions parfois pièges, à faire marcher dans tous les sens (du terme) les intrépides blogueuses dans la jungle bruxelloise pendant que Ys, Manu et moi (dit le comité festif) leur préparions quelques surprises.


Repos bien mérité en terrasse avant de flâner le long du boulevard Anspach qui regroupe plusieurs bouquinistes. Selon l'expérience de Pavlov, mettez plusieurs blogueuses dans un endroit dédié aux livres et ça bave dans tous les coins (et ça ne repart pas les mains vides bien entendu!), au point que je soupçonne les employés d'avoir du passer la serpillère derrière nous...

Le temps d'un passage à l'hôtel pour se sproutcher de sent-bon et nous nous retrouvions toutes au Restobières situé en plein quartier des Marolles.
Au menu : bloempanch, stoemp à la Chouffe, fondus au fromage de Herve, carbonnades à la flamande, glace au speculoos, sabayon à la Kriek, bref une cuisine typiquement belge servie par un serveur très sympa - et franchement pas moche de sa personne - sous des airs d'accordéon (un peu fort l'accordéon quand même, à déconseiller pour un premier rencard à moins que ce ne soit avec ledit serveur...).


Dimanche matin, visite du Musée Magritte pour les unes, loupage de train pour les autres (ahum...). Lunch et virée livresque chez Cook&Book avant de reprendre le train, l'âme en peine (non non, je n'exagère pas !).


Bon ben avec ça j'ai oublié plein d'épisodes : Cécile en Cendrillon sur la Grand-Place, le clan des fourrures sponsorisé par Liliba, les nombreux passages chez les marchands de gaufres et chocolatiers, le distributeur "Las Vegas" de l'ING, la tenue rap du Manneken Pis et sa petite dame qui d'après une guide flamande souffrirait de cystite (à vérifier...), les réveils de Choco Marmotte (j'ai trouvé mon double^^) et bien entendu le soleil et la bonne humeur qui nous ont accompagné tout le weekend !














Finalement, une rencontre entre blogueuses c'est un peu comme un saut en parachute. On a un peu peur de se sentir larguées mais une fois en l'air, les minutes s'écoulent à une vitesse folle et
on en redemande !
Voilà donc ce que j'ai prévu. Dès que j'aurai gagné à L'Euromillions, j'affrete le Blogo-jet et je vous invite toutes dans mon superbe château pour festoyer jusqu'à pas d'heure !
Bon ben, il ne me reste plus qu'à trouver la piaule en fait...

MERCI une fois encore à Ys et Manu de m'avoir proposé d'organiser ce weekend avec elles et MERCI à Choco, Restling, Liliba, Emmyne, CécileQD9, Brize, Niki et Lounima de nous avoir honorées de leur si sympathique présence !

Pour finir en beauté, le portrait de famille (il manque Cécile, j'ajouterai une autre photo de groupe dès que possible) !


Jamais sans musique.





12 octobre 2010

Opération Masse critique, oyez oyez !

Babelio a lancé la semaine dernière une opération Masse critique spécialement dédiée aux littératures de l'imaginaire.
De nombreux livres sont encore à distribuer. N'hésitez donc pas à rameuter vos parents, vos cousin(e)s, vos neveux/nièces, vos patrons (ou pas), vos oncles, vos tantes, vos meilleur(e)s ami(e)s, vos frères et vos soeurs ("oh oh ce serait le bonheur!") !

Vous trouverez toutes les infos nécessaires en cliquant sur le logo ci-dessous.

Un été en vêtements de deuil - Akira Yoshimura


"Un été en vêtements de deuil" est un récit rédigé par Akira Yoshimura en 1958 et traduit en français en 2010. Cet écrivain japonais est notamment l'auteur de "La Jeune Fille suppliciée sur une étagère", "Le Convoi de l'eau" ou encore de "Le grand tremblement de terre du Kanto" publié cette année.
Cet inédit est pour le moment offert dans les librairies à l'achat de deux Babel. Je l'ai pour ma part gagné au concours lancé par Choco.

Le petit Kiyoshi a perdu ses parents et vit dans la maison de sa grand-mère qui clame à qui veut qu'elle va mourir et ne lui témoigne pas la moindre affection.
Dans une ancienne chambre de bonne jouxtant la demeure vivent la nièce de sa grand-mère, son mari ainsi que leur fille Tokiko avec qui Kiyoshi passe tout son temps à jouer dans le jardin.
Tout ce petit monde attend impatiemment le décès de l'aïeule, guettant un héritage qui les sortirait de la pauvreté.
Une nuit, Kiyoshi entend un bruit suspect et découvre une trappe en fer abritant un secret de famille...

Amateurs de petits contes macabres, ce récit est fait pour vous ! Comme cela semble être souvent le cas dans la littérature japonaise, on retrouve ici les thèmes de la nature, du mystère entourant un sombre secret de famille et de la fascination fétichiste que peut exercer la mort sur certains individus.

" A cet endroit se trouvait son cimetière secret, et d'innombrables stèles faites de planchettes portant le nom d'insectes ou de petits animaux s'y dressaient serrées comme des champignons, alignées et penchant légèrement selon les ondulations de la terre boursouflée par les racines.
Il creusa un petit trou, y déposa le poussin, dressa la planchette. C'était son premier volatile et cette tombe supplémentaire le mettait de bonne humeur." p.12

Comme je l'avais déjà noté concernant Mishima, on ressent chez Yoshimura un goût prononcé pour l'esthétisme porté par une écriture ciselée et fluide. Mais cette beauté que l'auteur se plaît à saisir se veut toujours éphémère et brutalement détruite, soulignant la gravité du récit.
Un contraste déroutant qui crée un certain malaise chez le lecteur et commence étrangement à m'amuser, tant je me demande comment le prochain auteur japonais réussira à me déstabiliser.
Serais-je passée du côté obscur?

" La communauté des poussins ne se préoccupait pas de celui qui affalé sur le sable respirait avec difficulté. Pour ses congénères, celui qui était blessé ne paraissait qu'un simple objet, non une créature vivante de la même espèce pour laquelle il fallait avoir de la sympathie, et quand par hasard il leur arrivait de s'en approcher ils se contentaient de sauter avec vivacité par-dessus et parfois même lui donnaient un rapide coup de bec dans l'oeil, qui s'ouvrait puis se refermait." p.9

Un autre avis : Choco

6 octobre 2010

Signoret, une vie - Emmanuelle Guilcher


Sortie le 23 septembre, "Signoret, une vie" est une biographie signée Emmanuelle Guilcher, directrice adjointe à la programmation de France 2 et passionnée de cinéma.
Rééditée à l'occasion des 25 ans de sa disparition, cette biographie retrace toute la vie de l'actrice française Simone Signoret, de sa naissance à Wiesbaden en 1921 à son décès dans sa maison d'Autheuil en 1985.

Bizarrement, ce n'est que depuis que j'annonçais mon appréhension vis-à-vis des biographies que je m'en suis vue proposer^^
Cependant, force est de constater que je m'intéresse de plus en plus aux parcours de femmes, particulièrement lorsque ceux-ci prennent place dans l'Histoire.
Après George Sand, j'ai donc consacré plusieurs jours à la découverte de Simone Signoret dont je connaissais seulement le faciès aux yeux de biche et l'histoire d'amour avec Yves Montand.
Autant dire presque rien...

Née d'une mère française et d'un père juif polonais, la petite Simone Kraminker évolue dans un milieu privilégié, à l'abri dans ce Neuilly qu'elle partage avec sa bande d'amis du Sabot Bleu.
Elle fréquente assidûment le Café de Flore où elle croise de nombreuses personnalités telles que Jean-Paul Sartre (qui enseignait dans son lycée), Pablo Picasso ou encore Jacques Prévert.
A l'automne 1941, elle abandonne son patronyme pour adopter le nom de jeune fille de sa mère, Signoret, et joue sur une parenté fictive avec Gabriel Signoret, célèbre acteur français, pour obtenir ses premiers rôles de figuration.
La guerre offre par ailleurs un contexte propice au lancement de nouveaux acteurs car le milieu du cinéma, principalement investi par les juifs, se retrouve décimé par les départs (in)volontaires de nombreuses vedettes.

En 1944, elle fait la rencontre de celui qui deviendra son mari en 1948, Yves Allégret avec lequel elle aura sa fille Catherine et qui lui donnera ses premiers rôles, notamment dans "Dédée d'Anvers" et "Manèges".
En août 1949, elle fait la connaissance d'Yves Montand qui, à peine remis de sa rupture avec Edith Piaf, tombe sous le charme de l'actrice. Le coup de foudre est réciproque.
Si elle aime avant tout Saint-Germain-des-Prés et les intellos du Café de Flore, l'actrice n'en est pas moins attirée par ce chanteur prometteur dont elle envie le milieu du cabaret et du music-hall et pour lequel elle n'hésite pas à quitter son mari suite à un ultimatum posé par celui qu'elle appellera toujours "Montand".

L'année 1951 offre à l'actrice deux contrats de première importance pour la suite de sa vie : son mariage avec Yves Montand et le tournage de "Casque d'or" qui malgré un accueil peu favorable de la part des critiques et du public français, permet à l'actrice de se distinguer par sa beauté singulière et son incontestable présence scénique.


L'actrice se fait plutôt rare les années suivantes tant son amour pour son mari la conduit à le suivre partout lors de ses tournées. Constamment à ses côtés, elle forme avec lui un bloc indestructible que même la liaison de Montand avec Marilyn Monroe ne parviendra à ébranler, du moins en surface car on sait l'actrice dotée d'un certain orgueil et d'une discrétion assurée dans le domaine de sa vie privée.
Si le couple fut autant médiatisé ce n'est pas pour les frasques de Montand (que l'on savait pourtant coureur) mais pour les nombreux engagements politiques du couple dont les interventions restent gravées dans les mémoires.
Même lorsque leurs opinions divergeaient, Montand et Signoret faisaient front pour défendre les libertés et dénoncer les injustices, manifestant leur soutien à Solidarnosc, aux époux Rosenberg ou encore à l'appel des 121.
Les prises de position au nom d'un idéal communiste furent nombreuses et les erreurs de jugement sous le coup de la naïveté leur firent parfois défaut, constat que le couple reconnaîtra volontiers par la suite.

En 1960, Simone Signoret a conquis Hollywood qui lui décerne l'Oscar de la meilleure actrice pour son interprétation dans "Les Chemins de la haute ville" ("Room at the top"). Une consécration exceptionnelle pour une actrice française.

Les années 70-80 donnèrent l'occasion à l'actrice de tourner avec des acteurs de renom comme Jean Gabin, Alain Delon, Philippe Noiret et Jean Rochefort.
Cette époque correspond à une période de mise à nu pour l'actrice qui bien consciente du passage du temps n'hésite pas à forcer le trait en jouant les vieilles femmes comme dans "La Veuve Couderc" et "La vie devant soi" pour lequel elle obtient le César de la meilleure actrice.
La parution de ses mémoires intitulées "La Nostalgie n'est plus ce qu'elle était" lui vaudra une véritable reconnaissance en tant qu'écrivain, statut qui se verra confirmé en 1985 à la sortie de son roman "Volodia" quelques mois avant son décès le 30 septembre 1985.

Scindé en 4 parties (1921-1949 ; 1949-1956 ; 1957-1969 ; 1970-1985), l'ouvrage aurait pu être divisé selon 3 axes : l'épouse, l'actrice, la citoyenne.
Or Emmanuelle Guilcher a choisi avec justesse de dresser un portrait de la femme en 3 dimensions intimement liées, une femme qui fait figure de passionnée, aussi bien dans sa vie amoureuse que dans ses combats politiques et ses apparitions au cinéma (nettement moins dans sa vie de famille...).
Simone Signoret apparaît comme une femme à part qui se refusait à verser dans le jeunisme et le glamour mais laquelle, exigeante et pointilleuse, préférait se consacrer à ses prestations, son engagement politique et par-dessus tout à Yves Montand qu'elle aimait tant (je serais tentée de dire "trop").

Emmanuelle Guilcher a travaillé durant plusieurs années à recouper les témoignages, les interviews de parents et de proches, les entretiens avec Simone Signoret, Yves Montand, les extraits des mémoires et du roman de l'actrice ainsi que les films dont les résumés m'ont donné envie d'en découvrir certains.
Il en résulte un ouvrage dense mais clair, illustré en son centre par plusieurs photos retraçant les moments-clé de la vie de l'artiste, et qui loin de se cantonner à un portrait d'actrice inscrit également le parcours d'une femme dans son époque et ses troubles.

Pour résumer mon impression sur cette biographie, j'ai choisi de reprendre un passage de l'article de l'hebdomadaire Rouge consacré à "La Nostalgie n'est plus ce qu'elle était" :
" C'est un livre très beau, très sobre, empli de tendresse et de pudeur, c'est aussi un livre qui dit beaucoup de choses autobiographiques certes, mais autobiographie qui se croise sans cesse avec l'Histoire (...) il y aura deux sortes de gens, ceux qui liront ce livre pour y trouver les mille anecdotes d'une vie d'artiste célèbre, ceux qui ne le liront pas pour les mêmes raisons, les premiers seront déçus, les seconds auraient tort." p.279

" Elle s'appelait Simone Signoret "

France 5 diffusait la semaine dernière un documentaire consacré à Simone Signoret. Durant un peu moins d'une heure, plusieurs personnalités parmi lesquelles Guy Bedos, Fanny Cottençon et Anne Sinclair ainsi que la fille, Catherine Allégret, et le petit-fils, Benjamin Castaldi, de l'actrice ont croisé leurs regards sur la femme qu'elle était.
Ces interviews sont toutes reprises dans la biographie d'Emmanuelle Guilcher.
En marge de ces diverses interventions, on trouve dans ce documentaire de nombreuses photos prises à différentes époques, des extraits de films, de remises de prix et d'interviews données par l'actrice et par Yves Montand qui à travers l'image apparaît plus "macho" qu'il ne l'est dans le livre où ce constat demeurait plutôt inscrit entre les lignes.
Les multiples apparitions de Catherine Allégret m'ont fait réaliser à quel point celle-ci était absente de la biographie. Si elle bénéficie de plusieurs interventions, elle se veut quasiment éclipsée du récit. Rien de bien étonnant lorsqu'on apprend dans le documentaire qu'elle fut élevée par sa tante pendant que sa mère suivait Montand et défendait les libertés...
Catherine Allégret était par ailleurs l'invitée de l'émission "Thé ou Café" du 19 septembre consacrée à sa mère, émission que vous pouvez (re)voir ici.
J'ai trouvé fort dommage que le documentaire ne consacre que les 10 dernières minutes à l'engagement politique de Simone Signoret pour se focaliser surtout sur sa relation avec Montand. J'imagine que c'est là un aspect qui intéresse moins le grand public...
Ma réaction à la fin du documentaire fut immédiate : "Quoi c'est tout?"
Ce documentaire est consultable ici. Si il m'a permis de mettre certaines images sur des mots, je trouve qu'il ne constitue qu'une base sommaire pour qui s'intéresse à la femme plurielle.

" Les Diaboliques "

Comme il me semblait difficile de me représenter vraiment l'actrice sans n'avoir jamais vu l'un de ses 50 (!) films, j'ai choisi de regarder "Les Diaboliques" ( adapté d'un roman de Boileau-Narcejac) dont je me rappelais vaguement l'histoire en raison de son adaptation sortie en 1996, "Diabolique", qui réunissait à l'écran Sharon Stone et Isabelle Adjani.
Réalisé par Henri-Georges Clouzot en 1955, "Les Diaboliques" désignent deux femmes, Nicole et Christina, qui unies par leur amour pour le même homme décident de l'assassiner pour mettre un point final à sa cruauté.


Mais Christina - l'épouse - a le coeur fragile et c'est donc à Nicole - la maîtresse - que revient de faire tout le sale boulot.
Malheureusement, les choses ne se passent pas exactement comme prévu...
Je ne vous en dirai pas plus car comme le signale la mention en fin de film : " Ne soyez pas diaboliques ! Ne détruisez pas l'intérêt que pourraient prendre vos amis à ce film.
Ne leur racontez pas ce que vous avez vu. Merci pour eux".
Simone Signoret était connue pour camper des personnages sombres, des femmes fatales, des prostituées, des femmes brisées par la vie qui attirent peu la sympathie.
Le personnage insensible de Nicole Horner ne fait pas exception et il est difficile de ne pas se rendre compte de la magnifique prestation de Simone Signoret tant celle-ci crève l'écran !

Malgré le noir et blanc et l'absence totale de musique, j'ai été complètement happée par cette histoire diabolique comme son nom l'indique et je n'ai pour ainsi dire pas pu reprendre mon souffle une seconde, surtout dans les 10 dernières minutes où les portes ne cessent de grincer.
Bien sûr, j'ai aussi bien ri de certains aspects surannés du film (la morgue et toutes ses portes ou encore le même faux paysage qui défile durant les passages en voiture) et des réactions de certains personnages secondaires.
Le trailer vaut également son pesant de cacahuètes ^^





Ce qui est certain, c'est que je vous recommande vivement de vous pencher sur Simone Signoret, que ce soit au détour de ce film ou d'un autre ou encore de cette magnifique biographie !

D'autres avis : Pascale - Lili Galipette - Praline

Un grand MERCI aux éditions de m'avoir offert ce livre !


3 octobre 2010

Un coup d'aile - Vladimir Nabokov


"Un coup d'aile" regroupe deux nouvelles, "Un coup d'aile" (1923) et "La Vénitienne" (1924), issues du recueil " La Vénitienne et autres nouvelles" traduit en français en 1990 et signé de la plume de Vladimir Nabokov, écrivain américain d'origine russe célèbre pour son roman "Lolita".

Un coup d'aile nous emmène en Suisse, dans l'hôtel où séjourne Kern, un jeune homme venu trouver refuge au milieu de montagnes enneigées pour échapper à la tristesse que lui procure le suicide de son épouse survenu 6 mois plus tôt.
Au détour d'un couloir, il rencontre Isabelle qui occupe la chambre voisine à la sienne.
Un soir, alerté par un bruit anormal, il se rend dans la chambre de la jeune femme et la tire des griffes d'une étrange créature faite de plumes et d'ailes...

" Il était arrivé dans cet hôtel, dans cet endroit glacial et à la mode qu'est Zermatt pour allier les impressions d'un silence blanc avec l'agrément de connaissances faciles et chatoyantes, car la solitude complète est ce dont il avait le plus peur. Mais maintenant il avait compris que les visages des gens lui étaient également insupportables, que la neige lui provoquait des bourdonnements dans la tête, qu'il ne possédait pas cette alacrité inspirée et cette tendre obstination sans lesquelles la passion est impuissante.
Et pour Isabelle, la vie était probablement un merveilleux vol à skis, un rire impétueux, un parfum et un froid glacial." p.32

La Vénitienne rassemble dans un château anglais le colonel, propriétaire des lieux, son fils Frank venu avec son ami Simpson et le couple formé par Mr Magor - expert en peinture - et sa femme Maureen.
Au moment où le colonel lui présente sa dernière acquisition, Simpson tombe sous le charme de la toile qui présente une femme ressemblant trait pour trait à Maureen.
Troublé par le tableau, Simpson parvient à pénétrer à l'intérieur de celui-ci pour y rejoindre la Vénitienne...

" La contemplation de la beauté, qu'il s'agisse d'un coucher de soleil aux tonalités particulières, d'un visage lumineux ou d'une oeuvre d'art, nous force à nous retourner inconsciemment sur notre propre passé, à nous confronter, à confronter notre âme à la beauté parfaite et inaccessible qui nous est dévoilée." p.71

Une ambiance étrange règne sur ces deux nouvelles aux histoires complexes pimentées d'une touche fantastique et qu'on hésite à qualifier de songes ou de réalités.
Il se dégage de l'écriture de Nabokov un sens aigu de l'esthétique appuyé par un style très imagé ( nombreux adjectifs et évocations de couleurs) qui s'illustre au fil des descriptions de paysages magnifiquement envoûtants et totalement en contraste avec le mal-être et la confusion des personnages.
Comme c'est le cas dans "Lolita", les personnages se montrent violemment attirés par une femme, objet de désir inaccessible et d'autant plus fascinant qu'il menace de les faire courir à leur perte.
Si je n'ai pas totalement réussi à entrer dans l'univers de la première, je vous recommande vivement "La Vénitienne" qui démontre avec ingéniosité que les apparences peuvent parfois s'avérer trompeuses.