30 septembre 2011

Séquestrée - Chevy Stevens


"Séquestrée" est un thriller signé par l'américaine Chevy Stevens, publié chez France Loisirs en début d'année sous le titre "La cabane de l'enfer" et ré-édité ce mois-ci par les éditions l'Archipel.

La vie tranquille d'Annie O'Sullivan, agent immobilier, bascule lorsque celle-ci se fait kidnapper par un homme à l'issue d'une journée portes ouvertes.
Enfermée à double tour dans une cabane en rondins perdue en pleine forêt, Annie s'est vue forcée de se plier aux 4 volontés et de subir les sévices de celui qu'elle ne cessera de nommer le "Monstre".
Le calvaire prend fin au bout d'un an pour laisser place à un autre cauchemar : la réalité, autre, angoissante, marquée durablement par de lourdes séquelles dont Annie peine à se défaire.

J'avais normalement d'autres lectures prévues avant celle-ci mais les avis positifs postés ici et là m'ont convaincue de remonter ce thriller dans ma pile.
Et je dois dire que je ne regrette pas ce choix !
A travers une vingtaine de chapitres correspondant chacun à une séance de psychothérapie, Chevy Stevens nous plonge dans l'esprit torturé de son héroïne qui tout au long de son monologue, raconte les souvenirs de sa détention, mêlés aux flashs-backs de son enfance.
Annie apparaît de prime abord comme une femme qui n'a pas la langue dans sa poche.
C'est une femme en colère mais aussi une victime insécurisée, paranoïaque, traumatisée par les rituels et la cruauté mentale infligée quotidiennement par un détraqué.
La façon dont cette femme traverse certaines épreuves m'a parfois fait penser à une forme de renoncement.
N'ayant (heureusement !) jamais vécu ce genre de drame, il m'a parfois été difficile de concevoir que l'instinct de survie puisse prévaloir sur le maintien d'une certaine dignité.
Or Annie n'avait nul autre choix que l'abandon de soi, toute autre démarche aurait été suicidaire.

" J'ai fait pas mal de trucs dans cet endroit maudit. Des trucs que je n'avais pas envie de faire, des trucs que je ne me serais jamais crue capable de faire.
Mais cette fois-là, je crois que j'ai battu tous les records. Chaque fois que je me pose la question de savoir comment j'ai pu devenir le zombie que je suis aujourd'hui, je repense invariablement à ce moment.
A cet instant où j'ai ouvert au diable la porte de mon âme." p.58

Bien que j'aie parfois eu un peu de mal à accepter les réactions d'Annie envers son tortionnaire, je me suis sentie en totale empathie en regard des situations décrites, ayant l'impression de vivre par procuration le cauchemar éveillé de bon nombre de femmes.

Le style se veut fluide, pas exceptionnel mais finalement juste, étant donné le caractère spontané du rapport patient-psy qui se dispense de formulations complexes.
Les pages se tournaient toutes seules ! Il fallait que je connaisse l'issue de cette histoire, preuve que ce thriller fut bien efficace !
Un sentiment que je n'avais plus éprouvé depuis ma lecture de "Robe de marié" de Pierre Lemaître.
Contrairement à d'autres lectrices, je n'ai absolument pas deviné la fin. Peu m'importait d'ailleurs car ce qui m'intéressait surtout résidait dans "l'après".
Comment se reconstruit-t-on après avoir vécu de telles atrocités ?
En ce sens, j'ai trouvé très à propos la finesse avec laquelle l'auteure abordait la culpabilité et le repli sur soi rencontrés en situation de stress post-traumatique, la difficulté de ré-apprendre à vivre, au-delà de la simple survie.

Bref, un excellent thriller qui a dépassé mes espérances !

D'autres avis : Mango - Liliba - Canel - George


MERCI aux éditions de m'avoir offert ce livre !


20 septembre 2011

Les successions - Mikaël Hirsch


Après "OMICRoN" et "Le Réprouvé", "Les successions" est le troisième roman, sorti en librairie le 25 août dernier, de l'écrivain français Mikaël Hirsch.

Pascal Klein, co-fondateur de l'agence Artefax qui dédie son activité à la recherche d'artistes aux concepts novateurs, est tout à son métier, collectionnant volontiers les anecdotes insolites ayant trait aux artistes de tous bords.
Peu avant la mort de son père peintre, celui-ci lui montre une photo de sa chambre d'enfant sur laquelle Pascal identifie "L'Amazone", une toile du célèbre Chagall.
Chose étrange, cette oeuvre n'est pas répertoriée dans le catalogue officiel de l'artiste et est portée disparue depuis la seconde guerre mondiale.
Animé à la fois par sa curiosité de passionné d'art et sa ferme intention de rendre son précieux bien à son père, Pascal part à la recherche de la toile et aboutit au Japon.

" Pascal était rentré chez lui, investi de sa nouvelle mission. Tant que le tableau poursuivait sa trajectoire dans la clandestinité, son père n'était pas tout à fait mort.
Une part de lui continuait à vivre avec le cheval bleu.
La somme des émotions investies par son père dans cet objet avait produit un lien presque charnel. Cette relation survivait à la disparition de l'un des contractants.
Pascal en était maintenant le dépositaire, l'héritier en quelque sorte.
Il n'avait pas tout de suite compris à quel point le passé était une charge transmissible.
En guise de patrimoine, il avait reçu une responsabilité. Il avait beau se persuader que toute cette histoire était une vue de l'esprit, l'expression de ses propres remords, il ressentait l'appel de la toile.
Elle le voulait à son tour, lui, le fils. " p.204

Après Paris et les coulisses du monde de l'édition, Mikaël Hirsch nous offre une immersion dans le milieu tout aussi fermé - mais plus excentrique - de l'art, le tout dans un Japon qui le substitue volontiers à la technologie.
Le récit est jalonné de parcours d'artistes incompris qui dans un élan de désespoir s'immolent par le feu ou tirent à bout portant sur leurs oeuvres qu'ils croient voir s'animer.
Au cours de ses recherches, Pascal s'arrête sur le parcours d'Edouard de Sastres, un collectionneur un peu barré qui comptait dans son chateau une quantité impressionnante d'oeuvres illustres qu'il préférait entasser dans des caisses, pour laisser son imagination se les représenter librement.

" Son affection véritable pour Ferdinand, cette gémellité fictive, s'ancrait à présent dans la réalité.
Au fil du temps, il s'était inventé une vie où le tableau et Ferdinand étaient aussi proches de lui que Sylvie ou ses propres parents. Il était finalement le produit d'une lignée, mais aussi d'une parenté rêvée, d'un agglomérat de fictions successives.
Il avait désormais l'impression que cette famille étendue se révélait à lui progressivement, comme si des cousins éloignés, ou même disparus, refaisaient soudain surface." p.143

Une manie qui lui vaudra d'être la victime inconsciente d'une énorme supercherie, à l'heure où l'ERR - Einsatzstab Reichleiters Rosenberg - avait pour dessein de priver l'Europe de ses plus belles pièces.
Pascal Klein s'attache au parcours de cet homme avec lequel il partage un rapport au père conflictuel, mélange d'admiration et d'incompréhension.
La découverte du Chagall disparu représente son héritage, le moyen ultime de communier avec son père et de faire la paix avec lui-même, avant de devenir père à son tour.

J'ai une nouvelle fois été éblouie par l'écriture soignée de Mikaël Hirsch, par son aisance et son souci du détail quand il s'agit de plonger le lecteur dans une ville inconnue à travers le regard sensible de son héros.
A nouveau, le personnage principal fait l'effet d'un fils effacé par la réussite d'un père qui l'aime sans rien en montrer mais aussi d'un homme entier, totalement tourné vers sa passion et vers cette quête d'un tableau dont la valeur se veut avant tout sentimentale.

Parcours sans fautes pour ce roman, même si j'avoue avoir préféré "Le Réprouvé", pour la simple raison que je me sens plus d'affinités avec le milieu littéraire qu'avec celui des arts plastiques.
Un roman à ne pas manquer !


MERCI à de m'avoir offert ce livre !


D'autres avis : Daniel Fattore - Cogito Rebello - Aifelle - Yv

16 septembre 2011

Sympa, non ?


N'hésitez pas à découvrir "Sobibor" de Jean Molla !

15 septembre 2011

Ainsi rêvent les femmes - Katherine Kressmann Taylor


"Ainsi rêvent les femmes" est un recueil de 5 nouvelles publiées entre 1935 et 1963 par l'écrivaine américaine Katherine Kressmann Taylor et qui fait suite au recueil "Ainsi mentent les hommes".

Harriet se consume de jalousie pour un homme qui lui file entre les doigts. La jeune Anna se sent insignifiante sous le regard du cruel Derek. Madame abuse de la gentillesse d'une jeune femme pour lui vendre une poupée. Ellie Pearl quitte la ville pour rejoindre sa famille dans les montagnes et se demande où est vraiment sa place.
Le vieux Rupe Gittle redécouvre la vie en admirant comme pour la première fois la nature qui l'entoure.

Les 4 femmes présentes dans ce recueil aspirent toutes à un ailleurs qui les rendraient plus heureuses, ou du moins les soulageraient du fardeau que représente leur vie et dont elles se sentent responsables.
Harriet s'embourbe dans une relation vouée à l'échec, s'accrochant à un homme qui de toute évidence ne la mérite pas.
Anna guette le regard de celui qu'elle désire et qui l'entoure de mépris.
" Il était cruel. Mais elle le savait depuis le début. Elle était en partie responsable (a-t-on idée de fondre ainsi ?) et elle rougit de honte. Quand même, c'est lui qui était en demande, qui exigeait. Tandis que l'aigle s'éloignait dans un battement d'ailes, il ne restait plus à la créature innocente que la blessure laissée dans son flanc par le bec cruel. Elle l'aimerait à tout jamais. Elle porterait toute sa vie sa tristesse avec elle, sans que personne ne le sache jamais. Elle se rappela sa prémonition matinale : toute splendeur est éphémère." p.32

La jeune femme qui aide Madame à monter les escaliers s'en mord les doigts lorsqu'elle se rend compte qu'elle se fait manipuler. Elle n'a qu'une hâte, quitter cet appartement pour ne plus jamais y revenir.
Partagée entre deux mondes bien différents, Ellie Pearl aime son travail et l'effervescence de la ville mais regrette toutefois la simplicité de la campagne.

" Ellie Pearl s'inquiétait sans raison : elle était chez ses parents et rien ne perturbait sa vie. Parfois tout semblait simple, familier, et elle éprouvait un pur bonheur, comme en récurant les vieilles casseroles jusqu'à ce qu'elles étincellent ou en humant l'odeur du pain frais sortant du four. Mais à d'autres moments, surtout lorsqu'elle se promenait en montagne, foulant du pied le granit, pour arriver au point d'où l'on avait la vue qu'elle préférait depuis sa plus tendre enfance, elle s'asseyait sur la pierre, sur cette robe blanche veinée de stries granuleuses dorées et noires - la plus belle de toutes les roches -, elle admirait les lézards qui détalaient, le ciel qui n'était qu'une page de bleu ininterrompu, et toute sa joie s'évanouissait, perdue. Elle était alors traversée par une sensation de manque, sans savoir à quoi elle aspirait." p.63

Quant au vieux Rupe Gittle, il nous enseigne que le sens de la vie réside peut-être tout simplement dans la vie elle-même, dans toutes ces petites choses que nous côtoyons au quotidien sans nous en apercevoir.

J'ai aimé le style souvent coloré de l'auteure pour évoquer cet idéal que représentait la nature, en contraste total avec les états d'âme des personnages, et ainsi mieux souligner leur détresse.
Mais bien que j'ai lu ces nouvelles sans déplaisir, je confesse néanmoins une certaine déception en raison du manque de volonté des personnages que j'ai trouvé bien fades, mais surtout en regard de la puissance de "Inconnu à cette adresse" dont le souvenir de lecture, même deux ans plus tard, demeure encore intact.


12 septembre 2011

F3,5 - Philippe Briche


Publié fin août, "F3,5" est un recueil de 10 nouvelles écrites par le français Philippe Briche.

" Il voulait des images avec des histoires. Des images qui racontent des histoires. Des histoires volées. Dévoiler des bribes de vie inconnue. Donner l'intime au public pour qu'il rêve et achève le puzzle de la vie publique. Celle qui était connue mais avec des trous.
C'est ça, remplir les trous, paver de vérité." p.215

"F3,5" dévoile 10 portraits d'hommes et de femmes qui vivent une rencontre avec d'autres mondes ou des cultures jusque là inconnues et expérimentent des sensations nouvelles.
Le jeune Tim perd peu à peu la vue. Miki quitte Tokyo et s'envole pour Paris afin de reconquérir sa féminité ébranlée par le mauvais tour de son amant qui lui a préféré sa soeur.
Jeune illégale, Carmen rêve d'un homme qui lui fera oublier sa condition et l'emmènera vers d'autres horizons. En attendant, elle engloutit des tranches de pastèque dans un bar pour faire consommer les clients.
Lana aspire elle aussi à des jours meilleurs, loin de sa famille et de cette route le long de laquelle elle attend ses clients.
Actrice de passage sur la Croisette, Anna tombe sous le charme de Francesco, un paparazzi qui la suit dans tous ses déplacements.
Albane est sur le point d'atteindre la gloire. Ou du moins le croit-elle...
Toutes ces femmes ont en commun une soif de liberté, de reconnaissance, d'amour. Elles voudraient pouvoir vivre pleinement leur rêve ou trouver un homme qu'elles auraient choisi.
Mais la désillusion est souvent au rendez-vous chez Philippe Briche.

Je dois reconnaître avoir eu beaucoup de mal à rentrer dans ce recueil. L'écriture visuelle de l'auteur fait la part belle aux détails qui concourent à initier chez le lecteur un sentiment d'évasion mais peuvent aussi le perdre totalement, ce qui fut mon cas dans les 4 nouvelles dont je n'ai pas parlé.
Je me suis donc ennuyée dans un premier temps, agacée par des descriptions qui me faisaient perdre le fil de l'histoire et un style que j'ai parfois trouvé plat ou répétitif.

" Ses cheveux sombres s'emmêlaient à sa barbe sombre pour ne former, du visage rongé par le sombre, qu'une boule aux multiples épis sombres, percée de deux lasers blancs, aveuglants.
Nu et sombre sous la chasuble, il éructait tout un monde de croyances, de magie, de pouvoir." p.102

" Depuis dix jours il s'était fondu dans l'extérieur et en avait fait son intérieur." p.105

" Non, le cube avait été posé là parce que la route passait là, à côté du parking et sans rien autour.
Si ce n'est ce monde piment. Piquant et assoiffant. Piqué et assoiffé. Les roches étaient piment, les cactus, les roues, les verres et les bouches étaient piment parce que la poussière était piment." p.170

" Toujours il cherchait à perdre pied. Et donc le prendre." p.225

A l'instar d'un album photos qu'on feuillette, je me suis attardée sur certains clichés - les portraits de femmes de la seconde partie sont selon moi les plus réussis -, prenant le temps d'assimiler chaque image convoquée par l'auteur, tandis que d'autres défilaient pour me laisser dans une indifférence et une incompréhension totales.
Ce recueil m'a donc laissé une impression mitigée, principalement à cause d'une surabondance de détails et d'un style maladroit ici et là.


MERCI à et à de m'avoir offert ce livre !

7 septembre 2011

Numéro Six - Véronique Olmi


Publié en 2002, "Numéro Six" est le 8ème roman de la romancière française Véronique Olmi, également auteure de "Sa passion", "Bord de mer" ou encore de "Le premier amour".

Fanny est la petite dernière d'une famille de 6 enfants, la numéro six, l'enfant non désiré que ses parents, en fervents catholiques, ont gardé malgré tout.
Fanny a 50 ans. Sa mère est décédée, ses frères et soeurs se sont mariés, ont eu des enfants et se sont éloignés du domicile familial.
Seule Fanny est restée pour s'occuper de ce père centenaire dont elle espère enfin attirer l'attention.

"Je porte toujours ton nom. Tu me l'as beaucoup reproché. Je n'ai pas voulu quitter ce nom-là, emprunter celui d'un autre homme. Comment s'appelaient les autres hommes ?
Je m'en souviens à peine. L'homme de ma vie, c'est toi." p.37

Le roman s'ouvre sur le récit d'une après-midi passée à la plage. Tout le monde s'apprête à poser pour la photo de famille. Tout le monde, vraiment ? Non, la petite Fanny manque à l'appel.
Loin d'être un événement isolé, cet oubli n'est qu'un exemple parmi d'autres qui illustre l'absence d'amour de toute une vie, passée à guetter le moindre regard ou geste d'un père trop occupé à pratiquer la médecine, à veiller sur les aînés ou à multiplier les escapades amoureuses avec sa femme.
Fanny méprise la plupart de ses frères et soeurs et déteste sa mère qui lui a volé toute l'attention de son père.

" Que craignais-tu pour nous ? Nous étions ton petit peuple, ton public soumis, mais on vous a sûrement empêchés de vous aimer comme vous l'auriez voulu, maman et toi.
Trop de monde entre elle et toi, trop de témoins. Mais, en apparence, tout allait bien.
Nous étions l'exemple de la famille unie, heureuse et catholique." p.67

Le narrateur de ce court roman est Fanny, la mal aimée, qui à présent seule avec son père, tente d'établir ce dialogue avec lui qu'elle n'a jamais eu durant sa jeunesse.
Elle le sait dépendant d'elle, elle est son "bâton de vieillesse".
Mais pourtant, son père la regarde à peine et Fanny doit se contenter de ses lettres de guerre dont elle a hérité et de ses questions qui resteront sans réponse.
Elle rend hommage à ses qualités d'homme, d'ancien soldat, de médecin, de mari dévoué, le reste n'est que morceaux choisis mettant en évidence son absence en tant que père.

Le ton adopté est sec, les phrases sont nettes et précises, un peu trop fugitives à mon goût.
J'ai trouvé ce monologue d'une fille à son père bien trop court et je ne pense pas qu'il me marquera outre-mesure, malgré son sujet qui avait a priori tout pour me plaire.

Seconde rencontre manquée avec l'auteure, après "Sa passion", je me demande si je récidiverai...

D'autres avis : Clara - Aifelle - Liliba


5 septembre 2011

Livre voyageur : Trouble - Helene Uri


Cela fait un petit moment déjà que je n'ai pas fait voyager de livre.
Etant donné que plusieurs d'entre vous se sont montrées enthousiastes suite à mon billet sur "Trouble" d'Helene Uri, j'ai donc décidé de lui faire prendre le large (vers ceux et celles que je connais un minimum, cela va de soi).
Comme l'idée m'est venue de Liliba, le roman partira d'abord vers Lille avant de rejoindre l'un(e) ou l'autre d'entre vous si vous le souhaitez.

Les intéressé(e) peuvent donc s'inscrire dès maintenant en commentaire de ce billet :)

Concernant les modalités, vous connaissez le principe : écarter le livre de toutes les menaces possibles et imaginables ( tasse de café sur coin de table, enfants armés de feutres indélébiles, tempête tropicale et j'en passe).
Et puis les enveloppes à bulles c'est mieux :)



4 septembre 2011

Trouble - Helene Uri


Paru en juin dernier, "Trouble" est le premier roman traduit en français de la romancière norvégienne Helene Uri.

Tout avait commencé par une dispute de couple. Agacée par l'indifférence de son mari, Marianne avait confronté Karsten et réussi à lui faire avouer qu'il avait, durant leur mariage, connu 4 maîtresses dont Barbara, une femme de 10 ans sa cadette qu'il fréquentait depuis un an.
Marianne s'était sentie trahie et lui avait dès lors annoncé sa ferme intention de le quitter.
Karsten s'y était refusé, principalement par crainte de se voir séparé de leurs deux filles, Henriette et Elise.
Les choses s'étaient ensuite précipitées. Marianne avait commencé à douter du genre d'amour que son mari nourrissait à l'égard de leurs filles.
Elle était allée voir Edvard Frisbakke, procureur spécialisé dans les affaires d'abus sexuel de mineurs, qui l'avait convaincue de faire procéder à des examens des deux fillettes.
Le monde de Marianne s'effondra en découvrant les avis unanimes des experts.
Comment avait-elle pu aimer un homme qui en plus de la tromper à maintes reprises, s'en était aussi pris à leurs filles qu'il disait tant aimer ?
Vingt ans plus tard, à l'enterrement de Karsten Wiig, chacun examine ses sentiments pour le défunt à la lueur des événements passés...

Après avoir découvert le résumé de ce roman, je m'attendais à y trouver quelque secret de famille enfoui et, dans la mesure où l'on faisait mention d'un roman "dérangeant", je m'attendais à des révélations de taille.
"Trouble" est un roman terrible en regard de sa thématique de fond - l'inceste - mais également en raison de l'erreur judiciaire sur laquelle il lève le voile au fil du récit.
Le point fort de ce roman est qu'il ne délaisse aucun personnage.
Le procureur Edvard Frisbakke apparaît comme un homme droit dans ses bottes, toujours prompt à faire en sorte que justice soit faite et qui met un point d'honneur à faire condamner tous les hommes suspectés de pédophilie.
Pourquoi tant d'acharnement ? Sans doute parce qu'il porte en lui un lourd secret qui le pousse à se faire pardonner en faisant le bien autour de lui.
Marianne Wiig est une femme accablée par la trahison de son mari et une mère qui culpabilise de ne pas avoir su protéger ses filles d'un père "trop aimant".
Elise est sa fille cadette dont le témoignage sans équivoque a contribué à la condamnation de son père. Henriette, elle, a toujours douté de la culpabilité de son père dont elle ne garde que des souvenirs heureux.
Quant à Karsten Wiig, c'est un homme brisé qui souffre au jour le jour d'être relégué à un monstre et de ne plus pouvoir être un père pour ses filles. Il a toujours clamé son innocence et espère, après avoir purgé sa peine, pouvoir reprendre contact avec elles.

"Trouble" évoque les retombées d'une erreur judiciaire sur plusieurs êtres, tous persuadés de détenir la vérité et possédés par un lourd sentiment de culpabilité.
Le sort fait à Karsten Wiig fait l'effet d'un drame révoltant. Mais comment reprocher à sa femme de vouloir aller au bout des doutes qui l'envahissent ? Comment en vouloir à sa fille de tenir pour vrai des souvenirs fermement ancrés dans sa mémoire d'enfant ?
"La vérité sort de la bouche des enfants" dit-on. Mais comment leur accorder tout crédit sachant que la confusion, l'imagination ou l'interprétation peuvent parfois s'immiscer dans leurs déclarations ?
Difficile de ne pas penser à l'Affaire d'Outreau dont les enfants ne furent pas les seules victimes.
En cela, "Trouble" pointe du doigt un système judiciaire poussif capable de transformer un père tendre en pédophile, en construisant une culpabilité sur base d'éléments contestables.

"Trouble" est un roman percutant, dérangeant par les interrogations qu'il sous-tend, brillant pour la fine analyse psychologique de ses personnages.
Porté par un rythme lent, partagé entre doux souvenirs d'enfance et destins brisés, le récit laisse le temps au lecteur de se faire un avis sur chacun en toute objectivité car Helene Uri a choisi d'abandonner tout jugement moral à leur égard.
Un roman qui me marquera longtemps et que je recommande à tous ceux que le thème de fond ne rebute pas !

" Il se retourne presque complètement sur son siège et suit Elise des yeux jusqu'à ce qu'elle passe le coin, bras dessus, bras dessous avec sa meilleure copine, Elin.
Et voici Henriette. Douce, douce Henriette. Comme elle est jolie ! Elle remonte lentement la rue en compagnie d'un garçon, un garçon roux mesurant une demi-tête de moins qu'elle.
Rien qu'eux deux. Ils discutent gravement, et veillent sans cesse à ne pas trop s'approcher l'un de l'autre.
Les dix centimètres qui les séparent persuadent Karsten qu'ils sont "ensemble", et il se met en colère.
Ce n'est pas la jalousie classique des pères à l'égard des garçons qui font du gringue à leurs filles, non, c'est de la colère à l'adresse de Marianne.
Non, ce n'est pas ça non plus : il n'est pas en colère.
C'est un chagrin dont il ne se débarrassera jamais, le chagrin que lui, leur père, ressent parce qu'il ne peut pas voir ses filles grandir.
Ce n'est pas de colère qu'il donne des coups sur le siège passager, qu'il a envie de se taper la tête contre le volant." p.251


Un autre avis : Calypso

MERCI à et aux éditions de m'avoir offert ce livre !