29 novembre 2011

La cote 400 de Sophie Divry part en vadrouille !


Suite au commentaire laissé par Liliba, je vous propose de faire voyager ce livre jusqu'à vous.

Inscriptions en commentaires (pour ceux/celles que je connais) :)

28 novembre 2011

La cote 400 - Sophie Divry


Publié l'an passé, "La cote 400" est le premier roman de la française Sophie Divry.
Il est ici question de l'histoire ou plutôt du monologue enflammé d'une bibliothécaire de province, responsable du rayon géographie, qui se plaint de...à peu près tout et tout le monde. Collègues, hiérarchie, lecteurs. Et quand il s'agit d'évoquer la fantaisie ambiante ou la démocratisation de la culture, elle a plus que son mot à dire...

" Mais ce que je n'ai supporté, ce qui fut une énorme erreur, c'est d'avoir déplacé les langues de la classe 400 à la classe 800. Et qu'a-t-on mis à leur place ? Qu'a-t-on mis ? Rien.
Ce qui fait que la cote 400, en ce moment, est inoccupée, vide.
Vous êtes d'accord, c'est une ineptie. Moi, cela me donne le vertige, cette cote vacante.
Qu'est-ce qui viendra l'occuper ? Quel domaine de la culture et du savoir humain, que nous n'estimons pas à sa juste valeur, viendra plus tard en prendre possession ? Je préfère ne pas penser à cette cote creuse, ça me fait peur." p.16

Dès les premières lignes, je me suis demandée si j'arriverais à supporter cette femme aux airs supérieurs durant 65 pages. Celle-ci m'a d'emblée fait penser à ces gens/boulets qui vous harponnent pour ne plus vous lâcher avant d'avoir vidé leur sac, sans vous donner la possibilité de couper court.
Cette bibliothécaire s'adresse à un lecteur retenu prisonnier depuis la veille et découvert juste avant l'ouverture mais franchement, au vu de sa solitude avouée, je me suis demandée si elle ne s'adressait pas simplement à elle-même.
Psychorigide, aigrie et maniaque du classement, cette femme vit totalement repliée sur elle-même, se privant de loisirs, de vacances et de la présence d'un homme dans sa vie.

" De toute façon, qu'est-ce qu'un Américain sinon un Européen qui a raté le bateau du retour ? Moi, d'ailleurs, je ne voyage plus. Ah, ne parlons pas de bateau, j'ai des bouffées. L'avion ? Jamais ! Vous plaisantez ? Je ne voyage plus. Franchement, ça ne sert à rien.
On n'a jamais assez de temps pour comprendre ce qu'on visite et je ne supporte pas de connaître les choses à moitié. Visiter un musée en deux heures, c'est une imbécilité." p.25

Reste son métier, ingrat, qui consiste à ranger le désordre laissé par des lecteurs peu respectueux en ce qu'ils n'hésitent pas à arracher des pages, à surligner ou à annoter des passages de livres.
Ces lecteurs qui ne sont là que pour draguer, profiter du chauffage ou lire des navets.
Ses collègues et le conservateur de la bibliothèque ne sont guère mieux lotis. Confortés dans leurs métiers, ils ne semblent pas prêts à changer les choses, à orienter les lecteurs vers d'autres livres en prenant le risque de les détourner des classiques habituellement prescrits à l'aveuglette.
De toute façon, personne ne l'écoute !

" Excusez-moi si je m'énerve, mais c'est dur d'être minoritaire. Je me sens la ligne Maginot de la lecture publique. Je me sens si seule parfois. Je ne sais pas si vous comprenez. J'en doute." p.42

Et pourtant, au fil de sa tirade se dessine l'envie d'être remarquée, de signifier quelque chose pour quelqu'un, que ce soit pour ses lecteurs qui ne l'abordent jamais pour lui poser des questions ou pour Martin, ce jeune homme bien sous tous rapports (et à la nuque splendide) dont elle essaie en vain d'attirer l'attention dans ce sous-sol sinistre qu'est son lieu de travail.

"La cote 400" présente une vision amère du métier de bibliothécaire dont les tâches se résument à "classer, ranger, ne pas déranger".
Ne fréquentant plus les bibliothèques depuis plusieurs années, je ne saurais attester de l'universalité de ce sombre portrait. Néanmoins, je dois reconnaître que mes souvenirs de bibliothécaires ressemblent beaucoup au portrait dessiné ici.
Il me reste l'image d'une quinquagénaire avachie sur sa chaise, soupirant quand un lecteur lui demandait de l'aide pour repérer un livre et désignant de loin le rayon plutôt que de se déplacer, préférant continuer à rédiger ses fiches de rappels destinées aux retardataires.

Je reste néanmoins convaincue que tous les bibliothécaires ne sont pas à mettre dans le même sac et que l'auteure a volontairement choisi le mode de la caricature en plaçant dès le départ son personnage dans de mauvaises dispositions propices à la frustration.
Ayant échoué au CAPES, cette femme n'a pas envisagé le métier de bibliothécaire comme une vocation mais plutôt comme un second choix qui lui a permis de suivre un homme qui la quittera ensuite.
Elle se retrouve qui plus est dans une bibliothèque municipale si peu fréquentée qu'on pourrait entendre les mouches voler, et affectée au rayon géographie !
Dans mes jeunes années, je pense avoir fréquenté ce rayon une seule fois, pour consulter un atlas car j'avais oublié le mien dans mon casier...
L'aspect "conseil" du métier est donc ici totalement éludé faute de lecteurs à aiguiller.

" Et je fais ce métier depuis vingt-cinq ans, vingt-cinq ans sur le même principe immuable.
Même si on m'appelle en haut à la banque de prêt, ce n'est pas mieux.
Enregistrer les livres au départ ou au retour en faisant bip-bip avec les codes-barres, c'est créatif peut-être ? Bip-bip, "Pour le 26 septembre, au revoir"; bip-bip, "Pour le 14 mai, merci".
Etre bibliothécaire n'a rien de valorisant, je vous le dis : c'est proche de la condition d'ouvrier.
Moi, je suis une taylorisée de la culture." p.12


"La cote 400" est un petit roman qui se lit d'un seul souffle mais, comme le soulignait Reka, avec des pincettes (même si il y a malheureusement du vrai dans ses plaintes) car il s'agit ici, comme dans tous les livres qui traitent d'un métier en particulier, d'une et non pas de LA vision du métier de bibliothécaire.
Malgré que cette femme m'ait tapé sur le système dans les premières pages, je dois reconnaître avoir beaucoup aimé son humour cynique lorsqu'elle abordait le statut du livre au fil de l'Histoire.
A tenter avec un certain recul !

" Des fois j'ai des accès bizarres. Un jour, par exemple, dans les waters, j'ai lu un graffiti sur le mur : JEUNE HOMME CHERCHE JEUNE FEMME AIMANT CRITIQUE DE LA RAISON PURE POUR AVENTURE KANTIENNE;
Il y avait même un numéro de portable. Vous ne le direz pas au conservateur, mais en dessous, c'est moi qui ai gribouillé en réponse : FEMME MURE CHERCHE HOMME JEUNE APPRECIANT CRITIQUE DE LA RAISON DIALECTIQUE POUR ROMANCE SARTRIENNE;
Evidemment, ce n'est pas à la portée du premier venu. Personne ne m'a répondu. " p.53

D'autres avis : Reka - Alex - Clara - George - Soukee - DeL

27 novembre 2011

Globedia et son référencement forcé

Le 13 juillet dernier, j'ai reçu un email en provenance du site Globedia qui se proposait de référencer mes billets de blog.
A noter que ce courrier comportait déjà un login ainsi qu'un mot de passe à mon nom que je n'avais absolument pas demandés.
En pleine préparation de mon déménagement et n'étant pas intéressée par cette proposition, je n'ai pas donné suite.
Les mois ont passé et j'avais totalement oublié cet email et ce site jusqu'à ce que Cachou m'informe ce matin que Globedia se permettait de diffuser mes billets depuis le mois de juillet !
Et quelle mention peut-on voir à droite de chaque billet ? "Cet article est publié avec autorisation: Distribution gratuite".
Eh bien on dirait que certains n'ont vraiment pas froid aux yeux !!!

J'ai bien entendu demandé au propriétaire du site de retirer toute trace de mon blog et de mon compte et je vous invite à vérifier à votre tour si votre blog ne se trouve pas référencé à votre insu.
Cachou a déjà identifié et contacté une vingtaine de blogueurs inscrits...
Elle avait déjà évoqué Globedia dans un billet que vous pouvez retrouver ici
En réaction à son billet, le propriétaire du site avait prétexté "une erreur" et assuré que la version en ligne du site n'était qu'une demo vouée à disparaître.

On dirait bien que la demo est toujours là et que les erreurs s'accumulent...

Un challenge, un livre, ça vous dit ?

Pas plus tard qu'hier, je me suis demandée quel pouvait bien être l'ancêtre de ma PAL, ce livre qui, caché sous tous les autres, attend sagement son tour depuis des lustres.
Ce livre dont la découverte tarde à venir, sans cesse repoussée pour une raison quelconque.
Laquelle d'ailleurs ? Sujet trop difficile ? Pagination conséquente ? Cadeau empoisonné d'une belle-mère impossible à refourguer sur Ebay ?
De déménagements en déménagements, dépoussiéré puis rangé dans un nouveau carton mais jamais personne pour s'enquérir de ses pages.

Quel est donc ce livre constamment délaissé au profit d'un autre ?
A vrai dire, après de savants calculs, je suis tombée sur un ex-aequo.














Ces deux-là traînent dans ma bibliothèque depuis 2001 (!). Le premier n'est pourtant pas très long. Or il se trouve qu'après lui, d'autres livres ont rejoint ma bibliothèque, au point que j'avais pratiquement oublié son existence jusqu'à hier.
Prise d'un sérieux doute (est-il déjà dans ma bibliothèque ?), j'ai bien failli l'acheter une seconde fois.
Pour ce qui est de Simone, c'est une toute autre histoire. Ayant lu pas mal d'articles sur elle ainsi que des ouvrages y faisant régulièrement référence, j'avais en quelque sorte le sentiment de l'avoir déjà lu à travers d'autres.

Aussi était-il temps que je me décide à rendre justice à ces livres honteusement délaissés.

Comme je me suis dit que je n'étais certainement pas la seule dans le cas, je vous propose un mini-challenge qui consiste tout simplement à prendre le temps de lire ENFIN le fameux livre oublié.

Mais que serait un challenge sans un logo bricolé en 3 clics et un jeu de mots à 2 balles hein ?



Pour les curieux/ses, la demoiselle du logo est une peinture de Gottfried Schalchen intitulée tout simplement "Vieille femme avec le livre et les lunettes".

Ce challenge démarre dès aujourd'hui pour se terminer dans un an (soit le 27/11/2012).

Inscriptions et dépôt de liens toujours en commentaires :)

Bon dépoussiérage à tous/toutes !

PS : que ceux/celles qui ne souhaitent pas participer au challenge n'hésitent cependant pas à venir parler de ce livre en commentaires. Je serais curieuse de voir si un ou plusieurs titres se retrouvent dans plusieurs réponses :)

25 novembre 2011

Razzia de livres à la George :)

J'ai profité de mon jour de congé pour faire une "petite" descente chez le bouquiniste.
Contrairement à George, blogueuse éminemment célèbre pour ses excuses bidons (je passais dans le coin/ je soutiens les libraires indépendants/j'avais un chèque-cadeau/ le libraire les a subrepticement glissés dans mon sac,...) heu...variées (la dernière en date étant "Comme je n’avais pas de monnaie et qu’il me fallait utiliser ma CB mais à partir de 15€ "), j'assume complètement ma propension à prévoir des lectures pour les 20 prochaines années à venir...
Plusieurs trésors attendaient sagement que je dégaine ma carte magique.


- "Le polygame solitaire" de Brady Udall ( grâce à Miss Clara et Keisha)

- "L'année de la pensée magique" de Joan Didion (merci Mango)

- "L'homme qui valait 35 milliards" de Nicolas Ancion (parce que l'humour se fait rare en littérature et qu'il en a à revendre)

- "Insecte" de Claire Castillon (encore Clara ^^)

- "Des adhésifs dans le monde moderne" de Marina Lewycka (la faute à Choco, Sandrine et Lili Galipette)

- "Dernière adresse" d'Hélène Le Chatelier (je ne sais plus, que le/la coupable se dénonce !)

- "Portrait d'un mari avec les cendres de sa femme" de Pan Bouyoucas (noté chez Lily et Amanda)

- "Ethan Frome" d'Edith Wharton (arf, je ne sais plus chez qui je l'ai repéré)

- "La cote 400" de Sophie Divry (eh oui Reka, grâce à ton avis négatif ^^)

- "Cette main qui a pris la mienne" de Maggie O'Farrell ( Ys, Choco, Clara, Aifelle, Sandrine, c'est ce qu'on appelle un complot)

- "Une odeur de gingembre" d'Oswald Wynd (encensé par les terribles George, Manu et Sandrine)

- "Captive" de Margaret Atwood (parce que depuis mon coup de coeur pour "La servante écarlate" j'ai décidé de tout lire de cette auteure)

- "Sarah Bernhardt" de Françoise Sagan (juste parce que c'est Sarah et Françoise)

- "Solstice" de Joyce Carol Oates (parce que dès que j'aperçois un roman de cette auteure, je l'achète compulsivement sans même lire le résumé, pfiou)

- "Le journal secret d'Amy Wingate" de Willa Marsh (repéré chez Cunéipage)

- "Le goût des pépins de pomme" de Katharina Hagena (aperçu chez à peu près tout le monde)

On pourrait se dire que je suis parée pour un certain temps mais...je fêterai mes 29 printemps samedi prochain (29 livres en plus pour l'occasion ?). Affaire à suivre donc :)

21 novembre 2011

Sugar Baby - Philippe Bartherotte


Publié en mars dernier, "Sugar Baby" est le premier roman de l'écrivain français Philippe Bartherotte, également auteur de l'essai " La tentation d'une île, derrière les caméras de la téléréalité".

Les journées de David Ruskin, parisien trentenaire au chômage, se suivent et se ressemblent, partagées entre les dvd's loués au vidéoclub du coin, les nombreuses heures passées sur internet à se masturber devant des films (pédo)pornographiques et les 3 minutes de conversation téléphonique avec sa mère.
Pour tromper son ennui et sa solitude, il décide de s'inscrire à l'Association Nationale de Tir pour y obtenir sa licence. Son rêve ? Perpétrer un massacre aux Galeries Lafayette le premier jour des soldes.
Mettra-t-il ce fantasme à exécution ou se laissera-t-il rattraper par la réalité ?

" On les appelle les locked in, les "enfermés à l'intérieur", ceux qui ne peuvent rien faire d'autre que cligner des paupières pour vous parler. Je n'ai pas comme eux perdu la mobilité de mes jambes et de mes bras, ni l'usage de la parole, mais considérez-moi comme un locked in. Dans la ville, la multitude n'est là que pour définir et mettre en relief mon incapacité à nouer des contacts avec les autres.
Dans ma solitude, au milieu de la ville, devant mon ordinateur, j'ai parfois l'impression que l'effort que je fais pour raconter ma vie - compte tenu de mes facultés intellectuelles - est équivalent à celui que devrait produire un tétraplégique qui entreprendrait l'ascension de l'Everest. Mais cet effort est la seule chose qu'il me reste. La seule chose qui me permet d'affirmer mon identité et d'être un homme. " p.73

Antihéros par excellence, David Ruskin est un individu qui dès le départ ne suscite pas la moindre sympathie.
Eternel chômeur dénué d'ambition si ce n'est celle d'écrire un jour un roman, pervers à outrance, incapable de la moindre émotivité (si ce n'est peut-être vis-à-vis de sa tortue d'eau), on le perçoit à la fois comme insignifiant au regard d'une société homogène et marginal en ce qu'il en refuse les règles du jeu.
En décrochage social complet, David se nourrit presque exclusivement de fantasmes sexuels ou violents (voire sexuellement violents) qui le conduisent petit à petit à commettre des crimes.
Narrateur de sa propre histoire, il balade le lecteur dans une logique et une réalité qui lui sont propres, résultat de sa perception de l'actualité comme de comportements dictés avant tout par ses pulsions.
Réfléchi, il échafaude un plan bâti sur une série de rêves dans lesquels il endosse le rôle vedette de l'exterminateur ouvrant le feu avec sang froid sur toutes les personnes rencontrées sur son passage.
Je me suis présenté David Ruskin comme le personnage central d'un jeu video évoluant dans un monde où les autres n'existeraient qu'en tant que cibles potentielles.

Comme d'autres lecteurs avant moi, j'ai souvent pensé à Patrick Batman, personnage de "American Psycho" de Bret Easton Ellis ( que je n'ai pas encore lu mais dont j'ai vu l'adaptation ciné).
Il y a cette même violence tour à tour refoulée puis assumée, cette même amoralité et ce même goût pour la modernité et les citations de marques (qui ne me dérangent pas outre-mesure mais qui m'ont carrément énervée dans un passage "sponsorisé" du roman).
Les références à l'actualité sont légion dans la bouche du narrateur, abonné à des alertes infos SFR, qui se sert de faits divers pour appuyer son raisonnement.
Fidèle au genre transgressif, "Sugar Baby" apparaît comme un concentré de tous les dysfonctionnements propres à notre société. Un monde animé par une déshumanisation toujours plus flagrante et au sein duquel la violence côtoie une sexualité constamment assimilée à de la pornographie. Aussi attendez-vous à quelques scènes trash à la Despentes...

Malheureusement le récit souffre de quelques coquilles et fautes d'orthographe (certains s'en fichent éperdument mais moi ça m'agace). Le thème de la crise identitaire et du pétage de plombs des 30-40 ans sur fond de solitude urbaine commence doucement à s'émousser (Beigbeder, Rizman, Laurain et j'en oublie certainement...).
La fin retombe un peu à plat (tant qu'à faire, je m'attendais à ce que l'auteur pousse le sensationnalisme et assume les travers de son personnage jusqu'au bout).

Je peux néanmoins affirmer qu'au-delà des scènes violentes (peu plaisantes mais néanmoins nécessaires pour coller au récit et au profil du coco), d'autres m'ont franchement fait sourire comme celle où David demande un coffret des plus beaux viols de l'histoire du cinéma à une vendeuse de la FNAC (avec l'explication qui s'ensuit) ou quand il jauge les gens dans les administrations ou les endroits publics.

" Hier il faisait pas loin de 40 degrés. C'est la canicule, les vieux tombent comme des mouches et pourtant, il y a toujours autant de vieilles peaux aux cours d'aérobic.
Le fait de nager juste après qu'elles se sont largement ébrouées dans la piscine avec leurs vagins ménopausés a quelque chose de dégoûtant. J'ai fait une allusion plus ou moins fine au type qui surveille le bassin. " Ne vous inquiétez pas on met beaucoup de produits dans l'eau !" m'a-t-il répondu avec un large sourire très maître nageur bien dans sa peau. Cela ne m'a pas rassuré pour autant.
A chaque fois que je bois la tasse, je me demande si je n'ai pas en même temps avalé un bout de muqueuse." p.54

MERCI à Philippe Bartherotte de m'avoir proposé son roman !

D'autres avis : Alex - Mango - Alienandcult

19 novembre 2011

Les Femmes - T.C Boyle


Publié aux USA en 2009 et traduit en français l'année plus tard, "Les Femmes" est un roman de l'écrivain américain T.C Boyle, également auteur des romans "America" ou "Talk Talk" ou plus récemment de "L'enfant sauvage".

"Les Femmes" nous emmène à Taliesin, domaine situé dans le Wisconsin, lequel appartenait à l'architecte américain Frank Lloyd Wright, célèbre pour son approche organique de l'architecture comme pour ses frasques amoureuses.
Haut-lieu de la vie conjugale de Wright, Taliesin sera le théâtre de nombreux conflits opposant Frank aux femmes qui partagèrent sa vie et le rempart contre les multiples invasions de la presse qui juge d'un oeil sévère les moeurs de l'homme.
C'est dans cet endroit d'une beauté audacieuse que le jeune apprenti Tadashi Sato fera ses premières armes auprès de Wright.
Bien des années plus tard, il retrace le chemin de vie de cet homme ô combien déconcertant.


Bâti en 1911, Taliesin fut incendié à 2 reprises, en 1914 et en 1925, et sans cesse remanié par Wright qui y passa 48 ans de sa vie. Les fondations comme toutes les oeuvres habillant chaque pièce dénotaient un goût prononcé de l'architecte pour l'Extrême-Orient.
Source de l'image



En marge de l'immense passion vouée à son métier, Frank Lloyd Wright était également connu pour être un grand collectionneur de textiles, gravures, paravents, sculptures, poteries (autant de pièces qui lui servirent souvent de monnaie d'échange pour éponger ses dettes) mais aussi de femmes !
Après avoir quitté son épouse Kitty et leurs 6 enfants, il vivra quelques temps avec Mamah qui devait être la femme de sa vie mais qui trouva la mort dans le premier incendie de Taliesin.

" Personne ne devrait vivre dans une maison de poupée, personne. Or si une femme devient mère sans connaître le vertige de l'amour, elle ressent la maternité comme une dégradation; car ni enfant ni mariage ni amour ne lui suffit, seul le grand amour peut la satisfaire. Or, où était son grand amour ? Où se trouvait son âme soeur ? A Oak Park. Il l'attendait." p.535

L'année suivante signe sa rencontre avec Miriam, femme sanguine dont l'obstination lui donnera bien du fil à retordre au moment de la séparation.
Il faut dire qu'en l'absence de celle-ci, un enfant a été conçu avec une autre femme, Olgivanna, qui tout comme Mamah avant elle, devra accepter de passer pour une gouvernante afin de calmer les médias.

" Les draps pesaient sur Olgivanna comme une pierre tombale. Elle ne s'était jamais sentie aussi lasse. "C'est pourtant ta femme, Frank. Comment est-ce possible ? Comment as-tu pu l'aimer ?"
Il ne vint pas à elle, ne lui prit pas la main, ne lui passa pas le bras autour de la taille, ne lui caressa pas les cheveux pour les tirer en arrière afin qu'ils ne lui tombent plus sur le visage : non, il continua de faire les cent pas, et la question, la question de l'amour, ici et maintenant, resta en suspens. Tout à coup, la chambre parut rétrécir, rapetisser.
Olgivanna eut l'impression de se trouver dans une cellule de prison, mais qui était le geôlier? Lui. C'était Frank." p.144

Frank Wright passa une bonne partie de sa vie en exil ou cloitré à Taliesin en attendant des jours meilleurs, travaillant à longueur de journée dans son atelier tandis que sa compagne du moment et ses apprentis faisaient tourner le domaine du maître.

Frank Lloyd Wright entouré de ses apprentis.
Source de l'image






Sacré bonhomme que cet homme-là ! Avare, constamment endetté (et à juste titre surnommé "Frank l'Ardoise") mais toujours capable de ressources insoupçonnées quand il le fallait, Wright apparaît comme un homme soucieux du qu'en dira-t-on mais uniquement lorsque celui-ci tourne à son avantage.
Séducteur et chaleureux avec les femmes, il savait se faire aimer d'elles et les installer dans son domaine en maîtresses de maison corvéables à souhait.
Au diable les tensions puisqu'il pouvait toujours s'absenter inopinément pour un quelconque chantier...
Même chose pour ses apprentis qui, après s'être acquittés d'une somme conséquente, disposaient du droit de séjourner à Taliesin sous la férule du maître comme de celui d'éplucher ses patates...

Si Boyle dresse un regard chaleureux sur l'architecte et ses créations en totale communion avec la nature, l'ironie est certes bien présente dans la voix de ce jeune narrateur faussement naïf quand il s'agit d'évoquer l'homme et l'époux, particulièrement dans les notes de bas de pages qui m'ont décoché plus d'un sourire !

" Trois maîtresses, trois Taliesin. On ne peut qu'imaginer ce qu'Olgivanna dut ressentir face à cette lignée. Compte tenu de son éducation, elle devait certainement connaître la biographie d'Henri VIII d'Angleterre." p.105
" Il paraissait toujours entretenir une relation conflictuelle avec ses clients, devant lesquels il avait la sensation de devoir s'abaisser pour pouvoir pratiquer son art. Il les "blousait" donc avec des surcoûts et leur réclamait avances sur avances : qu'à cela ne tienne, il jugeait que ce n'était que son dû.
Inutile de préciser qu'il abandonnait ces gens et les projets avec eux, qu'il n'avait aucune intention de compléter hormis par procuration.
Comment dit-on, déjà ? Prends le fric et barre-toi ? " p.543

J'ai particulièrement aimé les descriptions vivantes du domaine de Taliesin, personnage à part entière abritant les humeurs de ses pensionnaires, un lieu qu'il me plairait de visiter un jour.
Si j'ai été émue par les portraits de Mamah et Olgivanna, deux femmes dociles et impressionnables acceptant sans cesse son autorité, j'ai vraiment été excédée par l'hystérie et le manque de dignité de Miriam dont les interventions se voulaient sans cesse reléguées par une presse voyeuriste et inquisitrice (merci l'époque) !
Tout chez elle m'horripilait, de sa façon de critiquer sans arrêt tout et tout le monde depuis le premier jour à son acharnement dans les multiples attaques portées à son mari pour violation du Mann Act, banqueroute volontaire, adultère, "aliénation d'affection" et j'en passe.
Il faut dire que Wright a le don de susciter l'admiration comme la rancoeur ! En tant que femme, génie ou pas, j'aurais débarrassé le plancher vite fait...

Malgré mon engouement pour ce roman, j'ai tout de même souffert de quelques longueurs s'agissant du mal de mer de Wright (on le saura!), des périodes d'exil avec ses femmes et des discussions y afférant, un peu comme si toutes ces situations s'avéraient interchangeables.
Mais n'était-ce pas finalement le seul mode de vie connu de Frank Wright ? Une existence faite de dettes, de tensions, de séparations, de secrets ?

Olgivanna, Miriam, Mamah, autant de femmes et de chapitres qui s'entrecroisent dans ce roman remarquable de précision pour dévoiler la face cachée, intime du génie.

"Les Femmes" était une lecture commune avec Manu et Zarline dont je file voir les billets !

17 novembre 2011

Aimez-vous Brahms - Françoise Sagan


Publié en 1959, "Aimez-vous Brahms" est le quatrième roman de l'écrivaine française Françoise Sagan, également auteure de "Bonjour Tristesse", "Un certain sourire", "Toxique", "Un peu de soleil dans l'eau froide", "Les merveilleux nuages" ou encore de "Des bleus à l'âme".

Paule, décoratrice d'intérieur, vit depuis 6 ans une relation sans éclat avec Roger, un homme qui brille par son manque d'engagement et son absence, trop absorbé par son travail comme par ses liaisons.
Un jour, alors qu'elle s'entretient avec Madame Van den Bersch de la future décoration de son salon, Paule fait la connaissance de son fils Simon.
Si le jeune homme tombe instantanément amoureux de Paule, elle de son côté ne se montre pas moins insensible à la fougue que lui inspire son jeune âge comme à cette promesse de tendresse que Roger lui accorde de moins en moins.

" De toute manière, elle avait des rangements à faire, de ces occupations typiques que lui avait toujours recommandées sa mère, ces mille petites choses de la vie d'une femme qui la dégoûtaient vaguement.
Comme si le temps eût été une bête molle qu'il fallait réduire. Mais elle en venait presque à regretter chez elle l'absence de ce goût.
Peut-être y avait-il effectivement un moment où on ne devait plus attaquer sa vie, mais s'en défendre, comme d'une vieille amie indiscrète.
Y était-elle déjà ? Et elle crut entendre derrière elle un immense soupir, un immense choeur de "déjà". " p.56

Fidèle à elle-même, Sagan use du triangle amoureux pour entrecroiser les portraits de l'amour éteint et de la passion naissante, de la solitude résignée et du désir retrouvé.
A la tête de ce trio, Paule, quarantenaire succombant à l'ennui auprès d'un homme qui la délaisse et lui préfère la compagnie de femmes plus jeunes.
On s'en doutera, ce n'est que lorsque Roger se sentira sérieusement menacé par Simon qu'il regrettera avec orgueil une femme trompée impunément.
Simon a pour lui la jeunesse insouciante, romanesque, exubérante, un manque d'assurance qui inspire à Paule des sentiments maternels.
Si leur différence d'âge est souvent remise sur le tapis par Paule, j'ai eu l'impression que celle-ci n'était qu'un prétexte pour elle à ne pas s'abandonner entièrement à Simon.
Il faut dire que cette femme se retrouve prise entre deux feux, comme souvent chez Sagan, capable d'élans passionnés comme de lassitude, une femme dont les décisions se veulent guidées par la peur de la solitude.
Quitter quelqu'un n'est jamais simple. A travers ses romans, Sagan semble toujours associer la séparation à la présence d'un tiers, élément nécessaire à l'impulsion du départ.
Mais un amant chasse-t-il donc forcément l'autre ? Pas forcément. C'est là ce que j'aime particulièrement chez Sagan, cette aisance à dire la complexité de l'amour dans toutes ses nuances.

" A présent, elle mettait six jours à lire un livre, ne retrouvait pas sa page, oubliait la musique.
Son attention ne s'exerçait plus que sur des échantillons de tissus et sur un homme qui n'était jamais là. Elle se perdait, elle perdait sa propre trace, elle ne s'y retrouverait jamais.
"Aimez-vous Brahms ?" Elle passa un instant devant la fenêtre ouverte, reçut le soleil dans les yeux et en resta éblouie. Et cette petite phrase : "Aimez-vous Brahms ?" lui parut soudain révéler tout un immense oubli : tout ce qu'elle avait oublié, toutes les questions qu'elle avait délibérément évité de se poser.
"Aimez-vous Brahms ?" Aimait-elle encore autre chose qu'elle-même et sa propre existence ? Bien sûr, elle disait qu'elle aimait Stendhal, elle savait qu'elle l'aimait. C'était le mot : elle le savait.
Peut-être même savait-elle simplement qu'elle aimait Roger. Bonnes choses acquises. Bons repères. Elle eut envie de parler à quelqu'un, comme elle en avait envie à vingt ans." p.64

D'autres avis : George - Delphine

11 novembre 2011

Tag du portrait chinois


Je me disais justement que cela faisait un petit moment que je ne voyais plus de tags me tomber dessus et puis voilà que Manu et Clara ont pensé à moi ^^

1) Un écrivain

Si j'étais un écrivain, je réfléchirais à la trame de mon roman à venir, un truc bien larmoyant, si possible emprunté à l'Histoire pour rafler un prix Nobel et voir mon nom affiché en Arial taille pour aveugles juste en dessous de ma photo retouchée.
Sans rire, je n'en sais fichtrement rien. Ce n'est pas parce que j'aime certains écrivains que j'aurais envie d'être à leur place. Toxico et flambeuse comme Sagan, suicidaire comme Zweig ou perturbée comme Oates (vu les thèmes récurrents présents dans ces romans, je me demande bien quelle est son histoire de vie).

2) Un aliment

Du nougat, tendre et dur à la fois :)

3) Un supplice

La parole peut être une vraie torture lorsqu'elle se voit ininterrompue. A ce jeu-là, je suis très forte :)

4) Un animal

Une évidence (à une exception près, la grâce : je suis plutôt du genre gros sabots) : le chat. Affectueux, nocturne, indépendant, joueur, curieux, solitaire à ses heures mais gare à celui qui trouble sa tranquillité !

5) Une couleur

Le rouge. Depuis fort longtemps et sans doute pour toute la vie. Les négociations avec l'homme quant à la future couleur des murs de notre nouveau chez nous débuteront bientôt. Je suis dans les starting-blocks ^^

6) Une pièce (château, maison, immeuble,...)

N'étant pas très grande et affectionnant les vieux objets, je m'imagine bien en grenier (la poussière en moins).

7) Une profession

Critique ciné-litté-gastronomique pour pouvoir dévorer toutes sortes de nourritures.

8) Un objet

Un sablier cassé. Ah si seulement les journées faisaient plus de 24h !

9) Une chanson

Pour l'instant, mon cerveau fonctionne comme ça :



10) Un défaut

Quand quelque chose ne fonctionne pas comme prévu, je peux râler, râler, RALER (Qui a dit psycho-rigide ?) !

11) Un plat


Un gratin dauphinois (Pourquoi ? Aucune idée, je sais seulement que j'adore ça)

12) Un mot inavouable en public

Dans l'absolu j'aurais bien répondu "morpion" mais puisqu'il s'agit de moi et d'un mot inavouable en public, la logique me pousse à ne pas vous le révéler :)

13) Un proverbe

Plutôt une phrase tirée du film "The Killer inside me" : " Je crois que la vie c'est comme une auberge espagnole. On y trouve ce qu'on y apporte, rien d'autre."

14) Un espoir

Un anti-douleur tous usages.

15) Un pays

Le pays imaginaire. Pas de factures ni d'heures supp, juste quelques pirates à défier !

16) Pénible !

Je serais un bébé hurlant à la mort (ben oui quand même) ou un gsm-radio à plein volume dans un bus bondé (qu'on les brûle tous ! Les gsm hein, pas les bébés)

17) Une odeur

Un mélange chaud de pommes-cannelle embaumant toute la maison.

18) Un des 7 pêchés capitaux

La gourmandise assurément !

19) Une lectrice pas raisonnable

Chaque soir, je me dis qu'il faudrait que j'aille dormir plus tôt pour être en forme le lendemain et puis patatras le livre l'emporte sur mes bonnes résolutions (sauf quand c'est une daube) !
J'ai beau me dire qu'il me reste encore plus de 300 livres à lire dans ma bibliothèque, rien à faire, je continue d'en acheter d'autres comme si le livre était sur le point de disparaître de la surface de la Terre...

J'ignore à qui je peux passer le relais car j'ai l'impression que tout le monde s'est déjà fait tagger 3 fois. Je le passe donc à qui veut :)

7 novembre 2011

Ce que je sais de Vera Candida - Véronique Ovaldé


Publié en 2009, "Ce que je sais de Vera Candida" est le 7ème roman de l'écrivaine française Véronique Ovaldé, notamment auteure de "Les hommes en général me plaisent beaucoup", "Et mon coeur transparent" ou plus récemment de "Des vies d'oiseaux".

Vera Candida n'était encore qu'une adolescente le jour où, n'arrivant plus à dissimuler sa grossesse honteuse à sa grand-mère Rose, elle quitte l'île de Vatapuna, terre de ses ancêtres, pour rejoindre le continent et repartir à zéro.
Hébergée au "Palais des Morues", une pension dédiée aux jeunes mères, elle trouve un emploi dans une usine de paniers repas et un homme disposé à les aimer durablement elle et sa fille Monica.
Alors que son existence semble s'affranchir des tourments endurés par sa mère et sa grand-mère, l'arrivée d'une terrible nouvelle signera le retour de Vera Candida à Vatapuna 24 ans plus tard, là où tout a commencé.
" Les vies se transforment en trajectoires. Les oscillations, les hésitations, les choix contrariés, les déterminations familiales, le libre arbitre réduit comme peau de chagrin, les deux pas en avant trois pas en arrière sont tous gommés finalement pour ne laisser apparaître que le tracé d'une comète." p.227

Rose, Violette, Vera Candida, Monica, 4 destins scellés par la violence et l'abandon d'un homme. La grand-mère de Vera Candida, Rose Bustamente, chassée de chez elle pour avoir perdu sa virginité à 14 ans, pensait avoir tout connu des hommes en mettant fin à sa carrière de prostituée.
Cédant aux charmes de Jeronimo, joueur de poker tout occupé à la construction de son immense villa, elle pensait mener la belle vie, croulant sous les présents et les attentions de l'homme.
Mais ce qui débutait tel un conte des mille et une nuits vire petit à petit au cauchemar. Jeronimo multiplie les aventures, adopte un comportement de plus en plus étrange mais surtout, ne semble pas prêt à assumer la grossesse inopinée de Rose.
Rose élèvera seule Violette, avec les maigres moyens qui sont les siens, mais ne parviendra pas à maîtriser la nature volage de sa fille qui à son tour mettra au monde une fille, Vera Candida, dont Rose aura finalement la charge.

" De toute façon, elle décréta qu'il ne lui plaisait pas : il était trop grand et n'était pas un assez vieil homme pour lui faire le moindre effet - sa grand-mère Rose Bustamente disait toujours qu'il fallait se choisir un homme beaucoup plus âgé que soi "parce qu'ils en ont fini avec leurs problèmes et peuvent ainsi s'occuper des tiens", elle ne disait jamais ce que les femmes de Vatapuna répétaient sans cesse, qu'elles attendaient d'un homme qu'il soit travailleur, qu'il les aime et les respecte, parce que, quand elle entendait ça, Rose Bustamente levait les yeux au ciel, haussait les épaules et s'exclamait, Autant espérer une pluie d'or du cul d'un âne." p.112

"Ce que je sais de Vera Candida" est une histoire de jeunes filles précipitées dans la vie adulte par la veulerie des hommes, mettant au monde des filles qui deviendront de jeunes mères à leur tour.
Un cycle sans fin pourrait-on croire sauf que Vera Candida, par son départ de Vatapuna, source de tous les maux, brisera la malédiction qui pèse sur sa lignée.
Personnage central du roman, Vera Candida est une femme qui, à l'image de sa grand-mère, force l'admiration de par le courage qu'elle déploie sans cesse pour assurer une vie décente à sa fille. Alors qu'elle nourrissait au départ de nombreux doutes sur sa capacité à être mère, elle entretient avec sa fille une relation mêlant amour et secret, lui prodiguant la protection et la fierté qui lui manquaient chez sa propre mère tout en refusant de lui dévoiler l'identité de son père.

J'ai beaucoup aimé ces portraits de femmes pour qui la maternité ne sonne jamais comme une évidence, ces histoires faites de non-dits et de transmission malgré soi et la façon dont l'auteure les entrecroise sans pour autant verser dans l'homogénéité.
Véronique Ovaldé possède ce don de suggérer des événements terribles tout en prenant soin de ne pas charger son récit, privilégiant à leur description leur incidence sur l'intimité de plusieurs vies.
J'ai tout de même eu un peu de mal avec le style de l'auteure qui ne semble pas connaître l'existence des guillemets, préférant insérer une majuscule à la suite d'une virgule au beau milieu d'une phrase.
Mais en y repensant, je trouve que cette particularité confère une certaine oralité au récit, un peu comme si l'auteure me murmurait son histoire, comme le ferait une mère à sa fille en lui disant "Prends garde mais n'en oublie pas de vivre".

"Ce que je sais de Vera Candida" était une lecture commune avec Reka dont je file voir le billet !


D'autres avis : Zarline - Theoma - Alex - Liliba - Canel - Sandrine - Lili Galipette

1 novembre 2011

1Q84, livre 1 - Haruki Murakami


Publié au Japon en 2009 et paru en français le 25 août dernier, "1Q84 - tome 1" est le premier tome de la trilogie signée par le japonais Haruki Murakami, notamment auteur de "Les Amants du Spoutnik", "Kafka sur le rivage" ou encore de "La ballade de l'Impossible".

Tokyo, avril 1984. Tengo, 29 ans, enseigne les maths et s'essaie au roman à ses heures perdues.
Chargé de sélectionner des manuscrits en vue du prix des Nouveaux Auteurs, il tombe sous le charme de "La Chrysalide de l'air", roman fantastique écrit par une jeune fille de 17 ans.
Son éditeur, séduit par l'histoire mais nettement moins par sa mise en forme, charge Tengo de ré-écrire le manuscrit.
Le jeune homme rencontre alors Fukaéri, l'auteure dudit roman qui provoque en lui un curieux trouble.
Aomamé donne des cours d'arts martiaux dans un centre sportif et exerce à l'occasion la profession de tueuse à gages.
Engagée par une riche vieille dame avide de justice, celle-ci a pour mission d'éliminer des hommes qui se sont rendus responsables de violences conjugales.

"1Q84" a signé mon entrée dans l'univers de Murakami et je dois dire que pour une première découverte, mon enthousiasme ne s'avère pas des plus débordants...
Quel pavé (pour pas grand chose...) ! Il est vrai qu'un premier tome sert principalement à présenter les personnages comme à asseoir le décor dans lequel ceux-ci évoluent.
A ce titre, l'auteur prend son temps pour brosser ses personnages avec force détails (répétitifs), ménageant une large place aux sensations et variations physiques, au Moi intérieur, à l'intelligence intuitive, aux pressentiments, à la sexualité ( Tengo les aime plus âgées et mariées, Aomamé confesse un goût prononcé pour la calvitie naissante...).
A la nourriture aussi...Remarquez comme la notion de frugalité peut s'avérer toute relative...

" - Je prépare mon dîner.
- C'est quoi...
- Je suis seul, alors, rien de bien compliqué. Je fais griller du brochet de mer séché, je râpe du gros radis blanc. Et puis de la soupe de miso avec des poireaux et des palourdes. Du tofu, des légumes marinés, des concombres et des algues wakame. Et du riz avec du chou chinois en saumure. C'est tout." p.137

A forteriori, il ne se passe pas grand chose...si ce n'est que l'existence d'une secte - les Précurseurs - dont l'histoire nous est retracée plus d'une fois, tissera le lien entre les deux héros, présentés alternativement au gré des chapitres.
Tengo et Aomamé apparaissent solitaires, affranchis de toute attache et de toute convention, présentant un passé familial trouble marqué par une forte autorité parentale.
Tengo m'a souvent fait penser à Murakami lui-même, intermédiaire entre le monde de Fukaéri et le monde réel.

" Mais il est difficile de déterminer où finit la réalité et où commence ce qui relève du fantastique. On peut lire aussi ce texte comme une sorte de mythe ou encore comme une ingénieuse allégorie." p.264

Si le lien avec le roman d'Orwell ne se dessine pas (encore ?) vraiment (si ce n'est par les allusions avouées de l'auteur et la TRES rapide perspicacité avec laquelle Aomamé songe à l'existence d'une réalité parallèle), l'univers décrit par Murakami est celui de la toute puissance des hommes et des largesses dont ceux-ci bénéficient malgré leur violence avérée.
Clé de voûte de ce sombre tableau, la jeune Fukaéri (qui par certains côtés m'a fait penser à Lisbeth Salander de la saga "Millenium") intrigue et fascine par sa beauté insaisissable et ses propos énigmatiques.
C'est d'ailleurs ce personnage qui à mon sens fait tout le sel de ce premier tome et donne malgré tout l'envie d'en savoir davantage.

MERCI à Price Minister de m'avoir offert ce livre !



D'autres avis : Choco - Clara - Manu - Noukette - Kathel - Keisha