16 février 2012

Mots pour Maux - Collectif


Publié en 2008, "Mots pour Maux" est un recueil de 18 nouvelles préfacé par Philippe Grimbert et composé des textes de Georges-Olivier Châteaureynaud, Marie-Ange Guillaume, François Vallejo, Mathieu Terence, Delphine de Vigan, Martin Wrinckler, Diane Meur, Boualem Sansal, Dominique Sylvain, Grégoire Polet, Michèle Fitoussi, Martin Page, Léonora Miano, Franz Bartelt, Anne Bragance, Vincent Delacroix, Sylvie Germain et Philippe Claudel.

Chacun de ces auteurs a choisi de prendre la plume pour évoquer le corps en souffrance comme résultat d'un trop plein d'émotions, d'une hantise ou d'une colère, d'une peine que l'on pensait guérie et qui s'extériorise.
Le corps malade serait ainsi doté d'un langage propre et apparaîtrait finalement comme la somatisation de l'esprit, manifestation d'un dysfonctionnement destinée à tirer la sonnette d'alarme.

Le corps exprime les vérités passées sous silence par l'esprit et révèle ainsi le sens caché de douleurs enfouies consciemment ou non.
Chaque texte a pour titre une métaphore corporelle utilisée dans le langage courant telle que "Les bras m'en tombent", "Blanche a vu rouge", "La tête comme une pastèque",...et chacune de ces histoires tourne alors autour de l'expression choisie.
Le jeune Aloïs Hoffle perd la face après qu'il ait refusé de se soumettre à un duel au sabre exigé par sa corporation.
Un homme épris de son aide-soignante met tout en oeuvre pour prolonger son séjour à l'hôpital et développe un urticaire plutôt tenace.
" Je passe sur deux autres périodes sombres; un remplacement un peu longuet en gériatrie, puis une affectation en cancérologie. Je ne me sentais pas le courage de vieillir prématurément, ni de m'exposer à une maladie incurable. Je me suis rongé au point de me déclencher, sans l'avoir cherché, je le jure, une éruption de rougeurs sur tout le corps, et, certains jours, un oedème sur le visage. Je ne cherchais même pas à me soigner. Je savais que Léna Mauser était inaccessible.
J'ai suivi ses mutations discrètement. Et le miracle le plus inattendu s'est produit : un poste de chef en dermatologie. Je n'avais pas à mentir ni à me forcer à être malade, je l'étais déjà." p.48

Une femme fomente une vengeance implacable contre son amant qu'elle sait être avec une autre.
Dans "Mes jambes coupées", Delphine de Vigan annonçait déjà le thème du suicide de sa mère évoqué dans son dernier roman "Rien ne s'oppose à la nuit".
" A plusieurs reprises déjà Lucille s'était ainsi soustraite au réel, l'avait repeint de ses mains, dans des couleurs de nuit; il fallait du temps et des médicaments pour la ramener sur terre.
J'ai pensé qu'être adulte ne prémunissait pas de la peine vers laquelle j'avançais, que ce n'était pas plus facile qu'avant, quand nous étions enfants, qu'on avait beau grandir et faire son chemin et construire sa vie et sa propre famille, il n'y avait rien à faire, on venait de là, de cette femme; sa douleur ne nous serait jamais étrangère." p.79

Il est aussi question d'un homme qui, plongé dans les yeux de sa maîtresse, pénètre son âme et y apprend la vérité sur son compte, d'un "1984" revisité par Boualem Sansal, d'une conspiration des casse-couilles chargée de pourrir la vie d'un écrivain ou encore d'un médecin à ce point impliqué dans la vie de ses patients qu'il finit par absorber leurs maux.
Pendant ce temps-là, un barman revient doucement à la vie, une romancière part à Rhodes pour décider du sort de son personnage qui lui procure d'incessantes migraines, une femme affirme son envie de changer de sexe lors d'un entretien d'embauche, une petite fille tire les leçons de la "bonne attitude" inculquée par sa grand-mère.
Parmi mes textes préférés figurent assurément "Prise de tête ou l'ange de l'oubli" d'Anne Bragrance - qui suit les traces d'un homme né avec un bec de lièvre et lequel compte bien réclamer son dû à l'ange qui l'a délaissé le jour de sa naissance - et "Les bras m'en tombent" de Vincent Delacroix ou le monologue d'un ancien gardien de musée reconverti en agent de la circulation qui disserte sur la lassitude éprouvée par la Vénus de Milo au point que celle-ci en ait perdu les bras.

L'avantage de ce recueil est qu'il se veut très hétéroclite. Il m'a non seulement permis de côtoyer bon nombre d'écritures fort différentes mais m'a également semblé faire montre d'une très grande originalité dans le traitement de ce thème pas forcément folichon de prime abord.
Alors que je m'attendais à découvrir des variations autour de maladies bien connues, j'ai bien souvent été surprise par le côté saugrenu, absurde, fantastique même parfois, de ces textes qui m'ont décoché plus d'un sourire.


L'avis de Clara

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