25 décembre 2012

Une affaire de charme - Edith Wharton






"Une affaire de charme" regroupe 7 nouvelles - rédigées entre 1891 et 1934 - de l'écrivaine américaine Edith Wharton, notamment auteure des recueils "Les lettres" et "Le miroir" mais aussi de "Xingu", d'"Ethan Frome" ou encore des célèbres romans "Le Temps de l'Innocence" et "Chez les Heureux du Monde".

"La vue de Mrs Manstey" ou le quotidien d'une veuve esseulée, femme d'habitude qui se raccroche depuis 17 ans à la vue sur les cours voisines que lui offre sa fenêtre. Un petit monde sur le point de lui être enlevé.
Dans "La plénitude de la vie", il est question d'une femme qui, le jour de sa mort, rencontre l'Esprit de vie mais surtout son âme soeur, cet homme qu'elle n'attendait plus et qui surpasse en tous points son piètre mari. Mais alors que cet homme parfait lui propose de s'établir ensemble au Paradis, voilà qu'elle hésite...

" Mais j'ai souvent pensé que la nature d'une femme est semblable à une grande maison avec de nombreuses pièces : il y a le vestibule, que tout le monde traverse pour entrer et pour sortir; le grand salon, où l'on reçoit les visites formelles; le petit salon, où les membres de la famille vont et viennent à leur guise; mais au-delà, bien au-delà, il y a d'autres pièces dont on ne tourne pas peut-être jamais les poignées de porte; personne ne sait y aller, personne ne sait où elles mènent; et dans la chambre la plus reculée, le saint des saints, l'âme se trouve seule dans l'attente d'un bruit de pas qui n'arrive jamais." p.25
Dévasté par la mort de son épouse, Mr Grançy se réfugie dans le travail et s'enfuit à l'étranger durant 5 ans. De retour dans sa maison de campagne, il fait appeler son ami peintre Claydon et lui demande de retoucher le portrait qu'il avait fait de sa femme des années plus tôt, afin que celle-ci vieillisse en même temps que lui...Claydon a bien du mal à transformer son chef d'oeuvre en "Tableau mouvant".
"Je m'aperçus que, comme la plupart d'entre nous dans les moments d'extrême tension morale, il prenait une attitude, il se comportait comme il pensait qu'on devait le faire en face d'un désastre.
La posture instinctive du chagrin est un compromis instable entre l'incrédulité et la prostration; et l'orgueil incite à affronter plus dignement un pareil ennemi." p.38

Margaret Ransome, femme droite et dévouée à son brillant mari, s'étonne de cette nouvelle jeunesse et des élans fougueux que lui inspire...un autre homme, plus jeune et plus romantique.
Trouvera-t-elle en lui "Le prétexte" à quitter son mari ?
" D'abord, ses journées furent fiévreuses et ses nuits, de longues veilles figées. Ses pensées ne furent plus avilies et défigurées par une idée de "culpabilité". Elle avait maintenant honte d'avoir honte. Ce qui s'était produit était aussi éloigné de la sphère de son mariage qu'une transaction dans les étoiles.
Cela lui avait simplement fourni une vie secrète aux joies incommunicables, comme si toutes les sources perdues de sa jeunesse avaient formé un étang caché où elle pouvait désormais revenir, et se baigner." p.72

"Le diagnostic", implacable, laissé par mégarde par son médecin fait prendre conscience à Paul Dorrance que la mort est peut-être un peu plus douce lorsqu'un proche vous tient la main.
Il épouse donc en dernier recours sa maîtresse qu'il fréquente depuis 15 ans. Mais la médecine est loin d'être une science exacte...

" Elle lui obéit à la lettre; elle veilla à son confort, lui épargna les fatigues et les agitations inutiles, lui présenta soigneusement, sur le plateau brillant de sa vigilance, les fleurs du voyage débarrassées de leurs épines.
Les qualités qui avaient fait d'elle une maîtresse parfaite - l'effacement de soi, le sens de l'opportunité, l'art de n'être présente et visible que lorsqu'il le lui demandait - faisaient d'elle (il devait le reconnaître) une épouse idéale pour un homme exclusivement rivé à la contemplation de sa propre fin." p.95
Nalda Craig ne prendra pas la fuite avec son amant avant d'être passée chez le coiffeur pour "La permanente" du mercredi. A son arrivée au salon de coiffure, voilà qu'un doute l'assaille : ne serait-on pas jeudi ? Le bateau de son amant serait-il donc parti sans elle ?

" Il est toujours périlleux de retourner un sentiment dans tous les sens; surtout quand ce sentiment est le bonheur. Le bonheur doit rester semblable à une brise printanière caressant la fenêtre, venant on ne sait d'où, portant le parfum de fleurs invisibles. On ne peut pas le détailler, ni le résumer, comme une opération d'arithmétique..." p.121
La question de l'avenir des membres de la famille Kouradjine pourrait bien être résumée à "Une affaire de charme". C'est du moins ce que pense James Targatt, époux de Nadeja Kouradjine qui fatigué d'héberger et d'entretenir toute la famille de son épouse, se met en tête de les marier chacun à d'illustres personnalités.

A cheval sur deux siècles, ces nouvelles illustrent pourtant en condensé ce thème cher à Wharton qu'est l'institution hypocrite et ennuyeuse du mariage, particulièrement dans les cercles huppés de la société new-yorkaise. Lorsqu'elles n'apparaissent pas fièrement en public au bras de leurs maris, ces femmes mariées se dévoilent au lecteur sous leur vrai jour. Frustrées, esseulées, instrumentalisées, cupides, indécises, certaines se résignent à leur sort sans broncher, d'autres rêvent à un autre, à un ailleurs, sans pour autant se donner les moyens d'en changer...
Car aussi cynique que soit l'auteure, le mot de la fin se veut bien souvent impitoyablement désabusé.

J'ai particulièrement apprécié "La vue de Mrs Manstey", mise en scène terrible d'une fin de vie solitaire, "Le tableau mouvant", ré-interprétation réussie du Portrait de Dorian Gray, "Le diagnostic" et "Une affaire de charme" pour leur touche humoristique et faussement légère. Des romans miniature dont la brièveté ne m'a pas empêchée de piocher de jolies citations ici et là et qui ne font que renforcer mon envie de découvrir les romans d'Edith Wharton.


D'autres avis : Mango - Lili Galipette

        
                                                                                                                                                                                                                   

19 décembre 2012

Le jeu des ombres - Louise Erdrich


En librairie depuis le 3 septembre, "Le jeu des ombres" est un roman de l'écrivaine américaine Louise Erdrich, notamment auteure de "La Chorale des maîtres bouchers", "La Malédiction des colombes" ou encore du recueil de nouvelles "La décapotable rouge", également paru en français cette année.

A la naissance de leur premier enfant, Gil avait offert à sa femme Irène un carnet rouge qu'elle continue d'alimenter depuis 15 ans. Mais au cours d'un repas de famille, un détail a priori insignifiant attire l'attention d'Irène. Pas de doute possible, en son absence, Gil lit son journal en cachette.
D'un naturel possessif et jaloux, son peintre de mari dont elle est la muse depuis des années, est en effet persuadé que sa femme le trompe.
Irène décide alors de rentrer dans son jeu en poursuivant la rédaction de son carnet rouge tout en entamant en parallèle un second carnet, adressé directement à Gil, qu'elle consigne dans un coffre à la banque.
" Il est possible de capturer une âme grâce à une ombre. C'était inscrit dans la langue ojibwé. Waabaamoojichaagwaan - le mot pour dire miroir peut également désigner l'ombre et l'âme : votre ombre est visible et peut-être vue.
Gil avait posé le pied sur l'ombre d'Irène, quand il la peignait. Et elle avait beau chercher à s'écarter, il lui était impossible de dégager cet écheveau d'obscurité de sous son pied." p.45

Première rencontre pour moi avec Louise Erdrich et pas des moindres puisqu'il m'a fallu deux jours et deux nuits avant de commencer à songer à formuler mon ressenti par écrit.
J'ai vraiment été déroutée par cette lecture qui d'entrée de jeu nous annonce la couleur. Le couple formé par Gil et Irène bat sérieusement de l'aile, principalement à cause de l'exclusivité réclamée par Gil qui va jusqu'à jalouser ses propres enfants qui l'ont selon lui détourné de sa femme.
Imprévisible et colérique, il s'en prend à eux pour se faire pardonner l'instant d'après.
Gil a toujours placé Irène sur un piedestal, la choisissant pour modèle de toutes ses toiles, une égérie peinte sous toutes ses coutures et à tous les âges mais dont une partie demeurée insaisissable nourrit l'obsession du peintre.
Irène étouffe et, lorsqu'elle découvre que Gil lit son journal, plutôt que de le confronter, décide de le manipuler en se servant de sa jalousie contre lui. Car elle le connaît bien et si elle sait à tout moment comment l'amadouer et canaliser ses humeurs, elle sait également appuyer là où ça fait mal en remuant d'anciens souvenirs et en semant le doute en lui.
Bien que Gil ignore qu'Irène soit au courant de ses agissements, il sent bien que sa femme s'éloigne davantage de lui et fait tout ce qu'il peut pour la reconquérir, là où Irène savoure l'instant en attendant le bon moment pour le quitter.

" Gil avait un point de vue sentimental alors que celui d'Irène était tragique. L'association du tragique et du sentimental engendre le kitsch. Irène avait le sentiment que dès qu'elle ouvrait la bouche en public pour juger de son mariage, elle donnait voix au kitsch.
(...) Le kitsch est pire que le mauvais goût, Gil, c'est de l'hypocrisie. Je suis sérieuse, là.
C'est représenter quelque chose et lui donner une apparence solide, charmante et lisse alors qu'elle est fracturée, douloureuse et malsaine. Comme nous." p.96

"Le jeu des ombres" ou la dérive extrême du manque de communication au sein d'un couple animé par l'énergie du désespoir.
Voilà un homme et une femme qui s'enlisent dans une relation destructrice et malsaine qui n'a plus rien de naturel tant chaque geste se veut pesé, calculé d'avance pour atteindre l'autre.
Seul l'alcool, dont tous deux s'imprègnent allègrement au quotidien, leur fait baisser la garde. Mais pour un temps seulement.
Autant dire que l'ambiance, amplifiée par l'écriture sèche de l'auteure, se veut des plus tendues. La psychologie des personnages est tellement bien rendue que j'ai vraiment eu l'impression de vivre leur histoire de l'intérieur, de les connaître intimement sans toutefois pouvoir présager de leur comportement.
Suspendue à ce roman de la première à la dernière page, je me suis demandée jusqu'au bout comment tout cela allait finir.
Pour ma part je me serais bien arrêtée à l'issue réservée à Gil et Irène plutôt qu'aux réflexions finales du narrateur. Mais pour une fois je ne bouderai pas mon plaisir vis-à-vis de cette lecture qui fut pour moi un coup de coeur !

D'autres avis : Clara - Aifelle - Jules - Keisha

11 décembre 2012

Ida - Irène Némirovsky




"Ida" est un recueil composé de deux nouvelles - "Ida" et "La comédie bourgeoise" - écrites en français par la romancière russe d'origine ukrainienne Irène Némirovsky, décédée à Auschwitz en 1942.
Ces deux nouvelles sont tirées du recueil "Films parlés" publié en 1934.

"Ida" Sconin a derrière elle une belle carrière de meneuse de revue à laquelle elle ne compte pas renoncer si facilement. Bien qu'elle ait conscience de ne plus être de prime jeunesse, Ida sait aussi qu'elle reste une figure enviée des autres danseuses, plus jeunes, plus sveltes, qui guettent le moindre de ses faux pas avec l'espoir de pouvoir l'évincer.
Mais force lui est de constater que, malgré les rituels qu'elle s'impose quotidiennement, certaines signes de vieillesse ne trompent personne. Repousser les effets du temps qui passe s'avère de plus en plus pénible, surtout lorsque certains souvenirs du passé se rappellent subitement à elle...

"Depuis quinze ans seulement, elle récolte le fruit d'une longue patience. Certes, elle ne se fait pas d'illusions. Ce n'est pas grand chose, cette rumeur, cet éclat, pour aboutir à quoi ?...
A une femme nue, qui descend les marches d'un escalier d'or...
Mais si elle a eu d'autres rêves, elles sait, depuis longtemps, qu'il faut se contenter, au terme d'une vie humaine, de ce demi-échec qui s'appelle réussite, espoirs comblés, couronnement d'une carrière." p.18

"La comédie bourgeoise" balaie en quelques pages toute une vie d'abnégation. Elevée au sein d'une famille bourgeoise, la jeune Madeleine se résout à accepter le mariage arrangé par ses parents avec celui qu'ils estiment être un bon parti. Si son mari se révèle rapidement être un coureur de jupons, Madeleine se laisse entendre par sa mère que c'est là le sort de la plupart des femmes mariées.
Seule à la maison toute la journée, Madeleine rompt avec sa solitude à la naissance de ses enfants. Mais pour combien de temps ? C'est que les enfants grandissent et oublient si vite qui les a bercés, nourris, choyés...

Deux parcours de femmes à la détresse silencieuse, lasses d'une vie sans amour et surtout d'une jeunesse passée trop vite. Une éternelle célibataire, battante, qui ne se nourrit que de gloire et une épouse réservée et en manque de reconnaissance, toutes deux débarrassées très tôt de leurs illusions, esseulées mais toujours dignes face à un entourage, à un public qui leur témoigne une indifférence cruelle.
Irène Némirovsky brosse en peu de mots deux vies en accéléré présentées au travers de moments-clé : tandis que certains souvenirs de jeunesse reviennent par flash-backs à Ida, nous découvrons le parcours de Madeleine au fil de quelques bonds dans le temps.
Loin d'être incomplets, ces deux portraits de femmes possèdent une force de concision et une puissance évocatrice remarquables !
J'ai savouré ces deux textes mais avec parcimonie, tant le fatalisme qui s'en dégageait m'a laissé un goût amer...

L'avis de Cécile QD9

 


6 décembre 2012

Serum saison 1 épisodes 3 et 4 (et fin pour moi) - H.Loevenbruck et F.Mazza














Respectivement en librairie depuis les 27 juin et 26 septembre derniers, "Serum - épisode 3 et 4 saison 1" sont les troisième et quatrième volets d'une série co-écrite par les français Henri Loevenbruck et Fabrice Mazza. Six épisodes composeront la saison 1 et il en sera de même pour les saisons 2 et 3.
Le cinquième épisode est disponible depuis le 24 octobre et le sixième depuis le 28 novembre.

Mes avis sur les tomes 1 et 2

 !!! A ne pas lire si vous n'avez pas encore découvert les épisodes précédents !!! 

La fin de l'épisode 2 abandonnait le lecteur sur la mystérieuse disparition de Cathy et John Singer, fondateurs du site lanceur d'alertes Exodus2016.
Quelques jours après le kidnapping, une video apparaît sur Youtube montrant John Singer dont le mouvement des paupières interpelle le detective Detroit. Est-il possible que John Singer tente de transmettre un message ?
Alors que Lola Gallagher se rend chez le docteur Draken pour montrer à Emily une photo de l'un des ravisseurs, celle-ci la retrouve en piteux état... Quant à Ian Draken il semblerait qu'il ait bel et bien disparu, non sans laisser quelques preuves accablantes derrière lui...
Elle découvre également que Ben Mitchell, l'inventeur du serum, a pris à sa charge les frais d'internement de Paul Clay, qui n'est autre que l'un des anciens patients du Docteur Draken.

Mon billet sera court car, comme vous l'aurez compris en lisant le titre, je ne compte pas poursuivre ma découverte de la série.
C'est qu'au bout de 4 tomes (soit à peu près 800 pages), je n'ai pas l'impression d'avoir beaucoup progressé dans cette histoire qui tire volontairement en longueur.
Je suis lasse de ces épisodes calibrés à 200 pages et qui s'achèvent systématiquement sur un cliffhanger poussant le lecteur à acheter le tome suivant.
Toute cette série pue le marketing à plein nez, la littérature façon junk food qui, rédigée dans un style on ne peut plus familier, se bouffe d'une traite mais ne rassasie pas.
Qui plus est, je suis d'avis que la série partira véritablement en sucette dès la saison 2 car je ne suis pas persuadée que les auteurs parviennent à maintenir les lecteurs en haleine sans faire partir l'histoire dans tous les sens, accumulant les coups de théâtre et retournements de situation (ah le gros complot mondial orchestré de concert par le gouvernement, la CIA, le FBI, Coca-Cola, Facebook. Disney et Kellog's tant qu'on y est...).
Seules les séances d'hypnose d'Emily avec le Docteur Draken (avec toute la symbolique qui l'accompagne) me manqueront mais est-ce suffisant que pour débourser une centaine d'euros et se farcir au total près de 4000 pages ? Non, pas pour moi en tout cas...