31 décembre 2013

Pour une nuit d'amour - Emile Zola


"Pour une nuit d'amour" rassemble deux nouvelles extraites du recueil "Le Capitaine Burle"(1882) de l'écrivain français Emile Zola.

Le jeune et timide Julien Michon ferait n'importe quoi "Pour une nuit d'amour" avec Thérèse de Marsanne, sa belle voisine à qui il joue de la flûte tous les soirs.
Mais lorsque celle-ci consent à lui accorder ses faveurs, ce n'est pas sans conditions...
Louis Roubien avait tout pour être heureux : des terres fertiles acquises à force de travail acharné, une ferme florissante, une famille soudée. "L'Inondation" qui intervient lorsque déborde la Garonne va lui faire perdre tout ce à quoi il tient...

Réjouissez-vous de votre bonheur tant qu'il en est encore temps car la vie peut aussi se montrer cruelle ! C'est ce que semble nous dire Zola à travers ces deux nouvelles qui commencent toutes deux tels des contes de fées pour se terminer en cauchemars.
Il évoque un genre humain qui peut se montrer vil et manipulateur dans "Pour une nuit d'amour" là où il met en cause les caprices de la nature dans "L'Inondation".
Zola, à force de mille détails enchanteurs, possède le talent de faire en sorte que le lecteur ne voie rien venir.

" Depuis six mois seulement, il se risquait à jouer, les croisées ouvertes.
Il ne savait que des airs anciens, lents et simples, des romances du siècle dernier, qui prenaient une tendresse infinie, lorsqu'il les bégayait avec la maladresse d'un élève plein d'émotion.
Dans les soirées tièdes, quand le quartier dormait, et que ce chant léger sortait de la grande pièce éclairée d'une bougie, on aurait dit une voix d'amour, tremblante et basse, qui confiait à la solitude et à la nuit ce qu'elle n'aurait jamais dit au plein jour." p.18

Et les retournements de situation n'en sont que plus puissants ! Les images et décors idylliques, se referment sur les personnages, pris en traîtres.

En quelques lignes, Zola détruit tout ce qu'il a mis plusieurs pages à bâtir, laissant le lecteur impuissant, à l'image de ses héros surpris dans leur insouciance et dont l'issue tragique semble inévitable.
Dans "L'Inondation", j'ai vraiment cru assister en direct à la lente et terrible progression d'un tsunami déferlant sur un petit village, emportant tout sur son passage, et sentir la terreur de ses pauvres gens pris au piège par une montée des eaux discontinue.

" L'eau, alors, commença l'assaut. Jusque là, le courant avait suivi la rue; mais les décombres qui la barraient à présent, le faisaient refluer. Ce fut une attaque en règle.
Dès qu'une épave, une poutre, passait à la portée du courant, il la prenait, la balançait, puis la précipitait contre la maison comme un bélier. Et il ne la lâchait plus, il la retirait en arrière, pour la lancer de nouveau, en battait les murs à coups redoublés, régulièrement. Bientôt, dix, douze poutres nous attaquèrent ainsi à la fois, de tous les côtés. L'eau rugissait.
Des crachements d'écume mouillaient nos pieds. Nous entendions le gémissement sourd de la maison pleine d'eau, sonore, avec ses cloisons qui craquaient déjà.
Par moments, à certaines attaques plus rudes, lorsque les poutres tapaient d'aplomb, nous pensions que c'était fini, que les murailles s'ouvraient et nous livraient à la rivière, par leurs brèches béantes." p.91

Avant de commencer la lecture de ce recueil, j'avais encore en tête "Germinal", lecture scolaire forcée d'il y a 15 ans dont j'avais conservé le souvenir d'un style rigoureux mais surtout très lourd.
Ici, il n'en est rien et je ressors même de cette lecture avec l'envie de découvrir "Nana" et "Thérèse Raquin" encore dans ma PAL :)


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29 décembre 2013

Saint-Gengoul - Frédéric Dard


Publié en 1945, "Saint-Gengoul" est un roman épistolaire signé Frédéric Dard, romancier français célèbre pour la série des "San Antonio".

Parmi les décombres d'un accident ferroviaire, deux cheminots trouvent la dépouille d'un homme à l'expression étrangement sereine et qui tient dans ses mains un journal destiné à son épouse.
Achille se livre à Armande, cette femme qu'il a passé sa vie à essayer de conquérir, en vain.
A croire qu'elle a détourné les yeux de lui dès le jour de leur mariage pour lui préférer Maurice, voisin et ami de longue date dont il s'est toujours demandé si ils avaient eu une liaison.
Armande s'est toujours montrée d'une cruelle indifférence vis-à-vis de tout ce qui exaltait Achille.
Au lieu de resserrer les liens entre eux, la naissance de leur fils les éloigne encore davantage et Armande n'a d'yeux que pour lui.
Achille est bien décidé à régler ses comptes.

" Le jour meurt sous la pluie, un jour triste comme tous ceux que nous vivons ensemble.
Je sens ta présence dans la maison, elle pèse sur mes épaules, elle me poigne.
Et Joël n'est pas encore rentré.
Je te parlerai également de lui, plus loin. Car tu es tout de même mère. C'est une faiblesse à exploiter. Oh, je ne t'épargnerai rien.
Tu as peut-être cru que ma mort serait une amnistie ? Eh bien tu t'es trompée.
C'est une déclaration de guerre. Et je t'écraserai comme une vipère, à coups de talon, à coups de dégoût, à coups de vérités, à coups d'amour perdu." p.35

"Saint-Gengoul" est la confession amère d'un homme délaissé par sa femme et qui, à l'heure de revenir sur leurs 25 années de rendez-vous manqués, oscille entre amour et haine, sur un ton tantôt intime tantôt détaché. L'écriture est étonnamment poétique au vu du sujet au point qu'Achille donne l'impression de détester sa femme aussi intensément qu'il l'a aimée.
Autant dire que Frédéric Dard expose une vision très pessimiste du couple, dominée par la souffrance et la jalousie.

" Cette vengeance que je vais te préparer, lentement, jour à jour; que je vais penser, que je vais travailler, c'est la suprême joie de mon existence.
Une énergie nouvelle coule en moi, je vais vivre pour elle désormais comme pour une oeuvre.
Je m'apprête à la nourrir de mon corps, à lui consacrer mon temps et mon intelligence.
Quelles preuves d'amour plus grandes puis-je te donner ? " p.23

Animé par un sentiment de vengeance, Achille veut rendre à Armande la monnaie de sa pièce, la frapper là où ça fait mal, pour enfin réussir à la toucher, à lui faire ressentir quelque chose, même si au fond il n'y gagnera pas grand chose.
Et pour ce faire, il jubile et prend son temps pour lui tendre en plein visage le miroir de leurs années de couple. Mais connait-il vraiment sa femme ?
"Saint-Gengoul" apparaît comme le monologue de l'amour à sens unique, d'abord idéalisé puis déçu.
J'ai adoré ce livre jusque dans les dernières pages qui m'ont vraiment déconcertée car je ne m'attendais pas à ce genre de revirement superficiel, ce désaveu, qui rend le final d'autant plus cruel.
L'amour et la jalousie peuvent-ils rendre à ce point aveugle ?
Je n'y ai tout simplement pas cru au vu de tout le reste.
J'ajouterais aussi que je n'ai pas saisi le pourquoi de la date mentionnée à la toute dernière page.
Si vous avez lu ce livre, n'hésitez pas à me faire signe ici :)

Du reste, "Saint-Gengoul" mérite d'être lu et il est une bonne occasion de découvrir la plume de Frédéric Dard dans un tout autre registre que celui des San Antonio.

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26 décembre 2013

Corps volé - Cécile Zec


En librairie depuis le mois de septembre, "Corps volé" est un témoignage de la française Cécile Zec.

Il y a dix ans, Cécile Zec recevait un coup de téléphone de la police nationale lui demandant si elle connaissait un masseur plébiscité par les célébrités.
A partir de ce moment-là, la jeune actrice réalise qu'il se pourrait qu'elle ait été violée par cet homme sept mois plus tôt.
Ses souvenirs sont flous : une douche, l'absorption d'un médicament censé la détendre et d'une tisane au goût étrange, l'évanouissement, l'hypothermie et l'engourdissement plusieurs heures durant.
Elle porte plainte contre celui qu'elle continue d'appeler "l'Autre", sans se douter que son cauchemar ne fait que commencer.
Insomnies, perte d'appétit, angoisses. Un procès sans cesse repoussé car le nombre de victimes déclarées augmente de jour en jour.

Peut-être avez-vous entendu parler de l'affaire Thierry Chichportich, surnommé "le masseur des stars" ? Ce violeur en série avait été condamné une première fois en 2006 à 18 ans puis en 2009 à 12 ans de réclusion pour les viols d'une quinzaine de femmes.
Une affaire qui n'est pas sans rappeler la plus récente affaire Pierre Pallardy, "l'ostéopathe des stars" également condamné pour attouchements et viols sur près de 20 patientes.
Deux affaires qui font froid dans le dos (mon dieu je viens de me rendre compte du jeu de mot pourri).

"Lors du procès, je vais vivre le traumatisme de mon viol autant de fois qu'il y a de victimes.
C'est le paradoxe dans lequel je tombe dès ce premier jour : je suis prise entre le besoin d'être reconnue victime, et le dégoût d'en être une." p.175

"Corps volé" semble se découper en deux parties : l'avant et l'après.
Cécile Zec a tout plaqué pour réaliser son rêve de devenir actrice. Arrivée à Paris, la jeune québecoise trime tous les soirs comme serveuse afin de financer ses cours de théâtre.
Débrouillarde, elle travaille énormément et bénéficie d'une bonne étoile.
Elle rencontre des gens influents, enchaîne les castings et décroche des rôles de plus en plus importants.
Tout se goupille parfaitement. Une période de vive exaltation jusqu'au moment où tout bascule.
C'est la coupure nette. La jeune femme énergique, toujours positive et enjouée, sombre dans la dépression. Désormais incapable de retenir un texte et d'entrer dans ce jeu de séduction nécessaire aux acteurs, elle se replie sur elle-même et abandonne les planches.
Sa mémoire ne revient pas, l'interroge sans cesse et l'attente du procès semble interminable.
Sous le choc et en colère, Cécile Zec ne survit que pour voir son violeur enfin condamné et peut-être obtenir certaines réponses aux questions qui la taraudent. En attendant le long processus de reconstruction.


Deux choses m'ont dérangée dans la première partie du récit. A commencer par la vision très lisse et gentillette du monde du showbiz, pourtant habituellement présenté comme un milieu de requins où tout le monde se tire dans les pattes et au sujet duquel on entend souvent qu'une femme doit coucher pour réussir.
Rien de tout cela ici. Tout le monde est prêt à lui tendre la main, toujours pile au bon moment. Soit Cécile Zec a volontairement embelli cette période de sa vie pour souligner le contraste avec ce que fut sa vie après, soit elle a vraiment eu beaucoup de bol à l'époque...
Même impression à la toute fin du livre lorsqu'elle croise le même homme que celui aperçu dans ses rêves...
J'ai également été ennuyée par certains aspects anecdotiques/pipole comme le récit de sa rencontre avec Matt Damon ou son rendez-vous manqué avec Robert Hossein. Je n'ai pas vraiment compris ce que ça ajoutait au récit, si ce n'est comme dit plus haut, pour montrer à quel point sa vie était parfaite avant.

La seconde partie retrace l'attente du procès, la déposition et la confrontation imprévue avec son violeur, les séances chez le psy et les premières étapes de la reconstruction.
Deux choses terribles m'ont frappée dans ce récit. Le procès sans cesse repoussé car l'enquête n'est pas bouclée tant que de nouvelles victimes voient le jour (et elles furent nombreuses!). Cécile Zec a ainsi du attendre 3 ans (!) avant que son violeur ne soit reconnu coupable.
Et au bout du compte, elle a du accepter de vivre avec ses questions demeurées sans réponse à l'issue du procès. Je n'ose même pas imaginer comment il est possible de vivre avec ça, ou plutôt de l'outrepasser. Et en même temps, je me demande si connaître certains détails, avoir des images de son corps malmené à son insu, auraient forcément aidé. Parfois, ne vaut-il pas mieux ne pas savoir ?
Impossible de se prononcer mais dans les deux cas, la douleur doit être terrible.

Au delà de l'évidente gravité des faits, je n'ai pas été bouleversée par cette lecture comme j'aurais dû l'être en regard du sujet.
Je me rends compte que "Viol, une histoire d'amour" - qui est pourtant une fiction - m'a davantage remuée que ce témoignage, peut-être à cause du poids des mots utilisés par Joyce Carol Oates, sa faculté à immerger son lecteur dans une histoire ou parce qu'elle envisage le viol sous plusieurs points de vue différents là où "Corps volé" s'affiche clairement comme un témoignage de victime.

Je remercie néanmoins l'agence LP Conseils et  les éditions l'Archipel de m'avoir envoyé ce livre.

challenge album



24 décembre 2013

Ondine - Benjamin Lacombe


Publié en 2012, "Ondine" est un conte d'origine germanique illustré par le français Benjamin Lacombe à qui l'on doit notamment "La mélodie des tuyaux", "L'Herbier des fées" , "Les Amants papillons" et tout récemment "Madame Butterfly".

Dans une chaumière située à la lisière de la Forêt Noire, la jeune Ondine mène une vie paisible auprès de ses parents adoptifs jusqu'à l'arrivée du chevalier Herr Hans de Ringstetten qui fait chavirer son coeur.
Tous deux se rapprochent l'un de l'autre mais avant qu'ils n'échangent leurs voeux, Ondine révèle à son fiancé sa véritable identité : génie des eaux, elle est "née sans conscience et sans remords" et seul l'amour d'un homme lui permet d'acquérir une âme humaine.
Ce que Hans ignore, c'est qu'une loi du peuple des ondins prévoit que si il se montre infidèle, il le paiera de sa vie...

L'histoire d'"Ondine" est bien plus complexe que le laisse paraître mon résumé mais je ne voudrais pas vous gâcher votre plaisir :)
Une histoire d'amour condamné à la fois merveilleuse et tragique comme on les aime, singulière même si on pense volontiers à Roméo et Juliette, à la Petite Sirène ou à la Belle et la Bête.
Benjamin Lacombe aime s'emparer d'histoires cruelles ponctuées d'instants joyeux et d'éléments fantastiques. Je dois dire que de toutes celles qu'il a choisi d'illustrer, celle-ci est de loin ma préférée pour ce qui est du texte.


Comme il l'avait indiqué sur son blog, son "Ondine" est librement inspirée du conte du même nom attribué à l'écrivain romantique allemand Friedrich de la Motte Fouqué. Malheureusement, aucune mention "librement inspiré/adapté de" ne figure dans l'album, ce qui donne du coup l'impression que l'histoire est entièrement de son cru. Je trouve que cela aurait quand même pu être indiqué par simple souci d'honnêteté intellectuelle...Cela avait d'ailleurs été fait pour "Blanche Neige".
Du reste, même si je préfère les personnages flamboyants des "Amants Papillons" ou de "La mélodie des tuyaux", les illustrations sont comme toujours magnifiques ! Avec des dominantes de bleu et de gris figurant l'ambiance aquatique du récit.















L'une d'entre elles m'a quand même fait tiquer...Alors qu'il est clairement question d'une relation d' amitié entre Ondine, Hans et Ursule qui vivent ensemble, Lacombe représente ces trois personnages nus et serrés l'un contre l'autre.


A moins d'avoir loupé un sous-entendu entre les lignes, je n'ai pas retrouvé d'allusion à la polygamie ou à un plan à 3 dans le texte :P Etant donné qu'il n'y a pas d'indication quant à l'âge minimum requis, je vous conseillerais quand même de feuilleter cet album avant de l'offrir à un enfant.


La mise en page est plutôt originale puisqu'elle arbore plusieurs jeux de calques qui renforcent la profondeur des images. Benjamin Lacombe avait déjà utilisé un procédé similaire dans "L'Herbier des fées", à la différence qu'il s'agissait de morceaux d'images qui superposés formaient une image plus détaillée alors qu'ici il joue plus sur la transparence.

Un album à (s')offrir ou à se faire offrir, d'autant que cette édition comprend un tirage d'art exclusif. Le mien en l'occurrence m'a été offert par Miss Choco - mon fournisseur officiel de Lacombe ^^ - que je remercie encore pour ce cadeau !

Je profite de ce billet pour vous souhaiter à tous et toutes un JOYEUX NOËL et un excellent réveillon :)

10 décembre 2013

Petits bavardages sans importance - Elizabeth Bowen



"Petits bavardages sans importance" est un recueil de 9 nouvelles - publiées entre 1923 et 1944 - de l'auteure irlandaise Elizabeth Bowen.

Pénélope avoue à son mari Maurice être au courant de sa relation extra-conjugale avec Veronica, dont elle est par ailleurs "La confidente". Décontenancé par le comportement de sa femme qui l'encourage à vivre pleinement cette liaison, Maurice n'est pas au bout de ses surprises...
Mrs Barrows souhaite offrir un vitrail à la paroisse de son village à l'occasion de la "Toussaint". Elle expose son projet au curé du village, médusé face à sa conception assez libre de la sainteté...
"Ann Lee" est une modiste reconnue mais qui cultive aussi une vie bien mystérieuse...
" La Contessina", venue tout droit d'Italie avec son oncle et sa tante attise bien des curiosités à son arrivée, notamment celle de M. Barlow, marié à une femme ennuyeuse et désagréable.
Le jeune Terry n'a jamais réussi à faire les choses dans les formes, y compris commettre un meurtre.
Lorsqu'il se présente chez son père pour lui avouer le meurtre, il ne prononcera pas plus de mots que "J'ai quelque chose à vous dire".
En l'absence des Rimlade, les Dosely accueillent leur nièce "Maria" chez eux. Au grand dam de la jeune fille, toute la famille semble immunisée contre son mauvais caractère, à l'exception du vicaire Hammond qu'elle ne va pas tarder à harceler.
A Londres, un groupe d'amis se retrouvent le temps de quelques "Babillages".
Une femme pense distinguer un fantôme au milieu de ses "Roses aubépines".

Des histoires d'ego blessé, de vengeance, de trahison, de comportements indignes d'une jeune fille, d'un jeune homme ou d'une dame, des apparitions fantomatiques, des commérages.
Les femmes y occupent l'avant-scène sans pour autant avoir le beau rôle.
L'auteure se joue volontiers des conventions et semble prendre un malin plaisir à les détruire les unes après les autres, égratignant au passage la religion, l'institution du mariage, la superficialité de la bonne société et de ses gens qui passent pour creux et futiles.
Comme le souligne la quatrième de couverture, on songe volontiers à Austen, qu'il s'agisse de l'attention portée à la psychologie des personnages ou de cette écriture ciselée et faussement légère.
Mon avis est néanmoins mitigé car - comme c'est souvent le cas avec les recueils de nouvelles - si j'ai vraiment apprécié certaines nouvelles, d'autres m'ont carrément laissée indifférente.

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26 novembre 2013

Les lois de la gravité - Jean Teulé


Publié en 2003, "Les lois de la gravité" est un roman de l'écrivain français Jean Teulé, notamment auteur du "Magasin des suicides", de "Montespan", "Charly 9", "Darling" ou plus récemment de "Fleurs de Tonnerre".

Le lieutenant Pontoise est sur le point de finir sa journée lorsqu'une femme débarque dans son commissariat pour s'accuser du meurtre de son mari, commis dix ans plus tôt.
Enfin presque 10 ans puisqu'il ne reste que quelques heures avant que le délai de prescription ne soit atteint.
Pourquoi cette femme, longtemps malmenée par un mari dépressif, alcoolique et violent, se décide-t-elle enfin à avouer que ce dernier ne s'est pas jeté par la fenêtre mais a bien été poussé par sa femme ?

"Les lois de la gravité" est un roman tout en contresens, absurde puisque non seulement une meurtrière insiste pour se constituer prisonnière alors qu'aucune preuve ne la désignait coupable mais en plus, elle se retrouve face à un flic décontenancé qui loin de la placer aux arrêts, tente de la dissuader de se livrer.
Mue par un sentiment de culpabilité qui va jusqu'à la paralyser physiquement, cette femme se confie au lieutenant Pontoise, lui expose sa passion pour les tableaux de sable, son métier de factrice, sa vie de couple chaotique et la cruauté de ses enfants depuis "l'accident".
Partagé entre la pitié qu'il éprouve pour cette femme et l'agacement qu'il éprouve à l'idée de devoir l'écouter parler toute la nuit, le lieutenant fait vraiment tout ce qu'il peut pour la décourager.
Mais ces deux-là sont aussi tenaces l'un que l'autre et l'on se demande qui finira par obtenir gain de cause.

Sans savoir que ce roman avait été adapté sur les planches (et au cinéma), j'ai trouvé son écriture très théâtrale, non seulement parce qu'il est principalement constitué de dialogues mais également en raison des "humeurs" très expressives des deux protagonistes joutant pour convaincre l'autre.
Bien sûr, comme il est signé Jean Teulé, on n'échappe pas à au moins une allusion au sexe crade.

Un roman sympathique mais pas transcendant non plus hein.


D'autres avis : Lili Galipette - Géraldine - George

21 novembre 2013

Viviane Elisabeth Fauville - Julia Deck






Publié en 2012, "Viviane Elisabeth Fauville" est le premier roman de l'écrivaine française Julia Deck.

Viviane Elisabeth Fauville avait un mari qui au bout de deux ans, l'a quittée pour une autre alors que Viviane venait à peine d'accoucher de leur fille.
En congé de maternité, Viviane s'occupe comme elle peut et continue de se rendre chez le psychanalyste qu'elle consulte depuis 3 ans. Du moins jusqu'au soir du 16 novembre où, sur un coup de tête, elle le poignarde avec l'un des couteaux de cuisine reçu en cadeau de mariage.
Qui est au juste Viviane Elisabeth Fauville ?

Difficile de vraiment cerner le personnage de Viviane Elisabeth Fauville tant elle semble à côté de ses pompes.
Qu'apprend-t-on sur elle ? Pas grand chose si ce n'est qu'elle a vécu avec sa mère pour seul parent (le père les ayant abandonnées pour on ne sait quelle raison) - une mère dont elle n'a jamais réussi à faire le deuil et dont elle conserve l'appartement encore bien des années après son décès - , que cette quadragénaire occupe un poste bien rémunéré dans une société dédiée au béton et qu'elle a mis entre parenthèses le temps de son congé de maternité.
Epouse et mère sur le tard, elle s'est rapidement fait plaquer par son mari pour une femme plus jeune. Une situation que Viviane encaisse impassiblement, tant elle semble habituée à se voir traitée en bonne poire, généralement invisible par le commun des mortels.
A cet effet, l'auteure use d'un ton détaché, froid, comme une réponse à l'indifférence générale dont Viviane a semble-t-il fait l'objet toute sa vie et qui d'une certaine manière l'a rendue imperméable à certaines émotions.

L'assassinat de son psychanalyste sonne comme un geste libérateur mais si Viviane ne nie pas cette réalité, j'ai eu la sensation qu'elle n'arrivait pas à y faire face, à l'image du décès de sa mère ou de son propre rôle vis-à-vis de sa fille dont il lui arrive de s'étonner.
Au départ, on a d'ailleurs du mal à saisir pourquoi elle se compromet en prenant en filature les proches de son psychanalyste.

La particularité de ce récit est qu'il présente un mode narratif fluctuant. Alors que le roman débute par un vous "durassien", il se poursuit ensuite au nous, au tu, au vous, au je.
Un procédé qui peut sembler déroutant de prime abord mais qui entretient la confusion qui règne dans l'esprit de Viviane et sa difficulté à s'accaparer la réalité.
Imprévisible, impulsive, irresponsable, Viviane Elisabeth Fauville est un personnage difficile à suivre et si j'ai été surprise de prime abord par la fin de ce roman, je dois reconnaître qu'elle correspond assez bien au profil de cette femme.

Pas un coup de coeur mais un bon moment de lecture et une plume que je serais curieuse de relire.

D'autres avis : Sandrine - Clara - Kathel

17 novembre 2013

La lettre à Helga - Bergsveinn Birgisson






Paru en Islande en 2010 et traduit en français cette année, "La lettre à Helga" est un roman épistolaire de l'écrivain islandais Bergsveinn Birgisson.

A la mort de sa femme Unnur, le vieux Bjarni décide de prendre la plume pour écrire à Helga, la femme qu'il aimait autrefois et n'a jamais cessé d'aimer bien qu'il ait fait le choix de ne pas vivre leur histoire.
Unis par ce même sentiment de solitude dans leurs mariages respectifs - elle, du fait d'un mari toujours absent, lui d'une épouse qui devenue stérile ne lui témoigne plus aucune tendresse - tous deux entameront une brève liaison qui prendra fin lorsque Bjarni refusera de tout quitter pour partir s'installer en ville avec Helga.
Bjarni détaille à Helga ses longues années de solitude, passées à contempler de loin une vie qu'il aurait pu mener et à laquelle il a renoncé pour conserver ses terres et sa passion des bêtes.


" Je te le dis du fond du coeur, ma Belle, je ne suis plus qu'une vieille bûche vermoulue et pourrie gisant sur le rivage du temps, d'où le ressac m'emportera bientôt. Et nul ne pleurera ma disparition.
C'est bien vrai ce que disaient les anciens : on devient lâche en vieillissant." p.111


Autant dire que ce n'était pas tant par amour pour sa femme (dont il fait assez peu de cas finalement) que pour son métier que Bjarni a fait le choix de renoncer à Helga.
Un choix qu'il ne regrette pas mais dont il a beaucoup souffert toute sa vie.
Peut-on parler d'une histoire d'amour manquée ? Je ne suis pas de cet avis car à part jouer à saute-moutons dans une grange, qu'ont-ils partagé si ce n'est un désir qu'on pourrait qualifier de bestial ?
Durant 130 pages, la nostalgie de Bjarni ne se décline qu'en une série de souvenirs et de fantasmes liés aux courbes d'Helga vis-à-vis desquelles il a nourri une véritable obsession (souvent assez schato d'ailleurs, ah la scène de la golden shower page 37...).

" Mais moi, je dépendais de toi. Je l'ai compris, là, à te voir dressée dans la lumière de la lucarne, blanche comme la femelle du saumon tout juste arrivée sur les hauts-fonds, embaumant l'urine et les feuilles de tabac." p.42

Dans un premier temps, j'ai beaucoup ri des propos crus de Bjarni compensés par une certaine poésie. "Expert palpeur" chargé d'évaluer la santé des brebis en vue de la reproduction, Bjarni dresse de nombreux parallèles entre son métier et ses galipettes avec Helga.
Ce qui donne lieu à des descriptions assez cocasses même si parfois répétitives.


" Quand nous avons fait l'amour, tes seins ballottaient contre le râtelier. Comme des cygnes sur la vague." p.66



"Je me suis engouffré dans la bergerie pour m'effondrer sur une botte de foin, à l'endroit où nous avions joui l'un de l'autre si peu de temps auparavant, à ce qu'il me semblait, là même où j'avais
regardé tes seins onduler contre la mangeoire comme des cygnes sur la vague." p.77


J'étais donc tour à tour amusée et un peu blasée jusqu'au moment d'arriver à une scène qui laisse transparaître toute la "contre-nature" de cet homme.
Un homme qui à partir de là ne m'apparaissait plus comme un être à la lubricité bon enfant mais comme un cinglé...
Une scène qui pour moi a complètement remis en cause toute la crédibilité des valeurs qu'il défendait et continue de défendre après coup (!) Je ne suis pas une petite nature mais tout de même, certains mots et images peuvent me donner la nausée et ce fut le cas ici.
En ouvrant "La lettre à Helga", je pensais découvrir une lettre d'amour - certes un peu crue - et non la confession d'un pervers égoïste en fin de vie.
Certains trouveront peut-être que j'exagère et que Bjarni ne saurait être résumé à cela mais que voulez-vous, certaines choses me dérangent parfois tellement que j'en oublie tout le reste...

D'autres avis : Leiloona - Stephie - Marilyne

challenge album


16 novembre 2013

Mon cher petit coeur - Agnès de Lestrade


En librairie depuis le 3 octobre dernier, "Mon cher petit coeur" est un album jeunesse écrit par Agnès Lestrade et illustré par Peggy Nille.

Née prématurément, Brune a toujours eu le coeur fragile. "Le grand docteur de l'hôpital blanc" lui annonce qu'elle va devoir subir une greffe.
Dans ce journal adressé à son "cher petit coeur", elle confie ses appréhensions vis-à-vis de ce nouveau coeur qu'elle va devoir apprivoiser. Battra-t-il pour Léopold, son amoureux ?

"Mon cher petit coeur,
Dans la vie, il y a des jours pâquerette et des jours hérisson. Aujourd'hui, c'est un jour hérisson, un jour qui pique qui gratte et qui coule sur les joues." p.7

Je ne lis que très rarement des albums jeunesse (principalement des Benjamin Lacombe en fait...) mais comme j'avais beaucoup aimé "La grande fabrique de mots" d'Agnès de Lestrade, j'ai eu envie de découvrir cet album-ci.
Triste à l'idée de se séparer de ce coeur hérité de ses parents, cette petite fille se pose des questions sur ce nouveau coeur dont elle sait qu'il lui viendra d'une personne décédée.

" Maman m'a expliqué qu'on allait me greffer un autre coeur. Un coeur plus fort. Le coeur de quelqu'un qui sera mort juste avant. Comment le coeur d'un mort peut-il être plus fort que toi qui es vivant ? " p.10 

"Mon cher petit coeur" est un récit tout doux qui mêle joliment poésie et sensibilité enfantine.
Destiné aux très jeunes lecteurs, il est aussi je pense un excellent support pour les parents qui veulent aborder ce sujet délicat qu'est le don d'organes ou toute autre opération.
Si j'ai été touchée par le texte, je n'ai pas vraiment été éblouie par les illustrations, pas franchement originales et qui pour moi n'ont rien apporté de plus au texte si ce n'est une contradiction (l'héroïne est décrite comme ayant les cheveux frisés. Heu...).

A lire plus qu'à voir donc :)

Je remercie Babelio de m'avoir envoyé cet album !



challenge album









14 novembre 2013

Histoires terribles - Edgar Allan Poe/Danielle Martinigol


En librairie depuis le 28 août dernier, "Histoires terribles" est une anthologie des oeuvres d'Edgar Allan Poe réalisée par l'écrivaine française Danielle Martinigol.

L'ouvrage est subdivisé en cinq parties, chacune consacrée aux influences qu'a pu exercer Poe sur les genres : policier (les enquêtes du détective Auguste Dupin), fantastique ("Metzengerstein", "Le chat noir", "William Wilson", "Le coeur révélateur", "Bérénice", "Ligeia", "Le corbeau", "La chute de la maison Usher"), SF ("Les aventures de Hans Pfaall"), satirique ("La semaine des trois dimanches", "Le mille et deuxième conte de Shéhérazade") et sur les récits d'aventures ("Les aventures d'Arthur Gordon Pym de Nantucket" ayant influencé Jules Verne et Lovecraft).
Les différents extraits d'oeuvres sont ainsi classés selon un ordre thématique.

Grosse méprise au moment où j'ai accepté ce livre des éditions Flammarion puisque je n'avais tout simplement pas compris qu'il s'agissait d'une anthologie et non d'un recueil d'oeuvres intégrales d'Edgar Allan Poe.
Pour ma défense, sur la couverture il est indiqué "Textes présentés par Danielle Martinigol" et non "Extraits présentés par Danielle Martinigol".
Et à l'arrière "Dix-sept des plus grands textes d'Edgar Allan Poe nous entraînent au coeur des ombres".
Enfin bref, j'ai tourné la première page dudit ouvrage, ai commencé à lire et devant les extraits, spoilers et autres, je me suis dit qu'il valait sans doute mieux commencer par lire en entier les textes complets.
Ce qui explique mes récents billets sur "Le chat noir et autres nouvelles" et "Double assassinat dans la rue Morgue suivi de la Lettre volée".

Que dire de cet ouvrage ? Déjà je pense qu'il se destine vraiment aux enfants et que sa brièveté ne contentera sans doute pas un adulte.
L'auteure survole certains extraits significatifs d'oeuvres de Poe pour souligner quelques thèmes, constantes, apports de son oeuvre dans plusieurs genres.
Tout cela est vraiment loin d'être inintéressant mais les analyses sont quand même très succintes.
Une bonne introduction à l'oeuvre de Poe pour les jeunes lecteurs (mais je conseillerais quand même de lire une première fois les textes en question avant de se lancer dans cet ouvrage-ci).

Je remercie Brigitte et les éditions Flammarion de m'avoir envoyé ce livre.

challenge album



12 novembre 2013

Esprit d'hiver - Laura Kasischke


En librairie depuis le 22 août dernier, "Esprit d'hiver" est un roman de l'écrivaine américaine Laura Kasischke, notamment auteure de "Les Revenants", "Un oiseau blanc dans le blizzard" ou encore de "En un monde parfait".

Le matin de Noël, Holly se réveille avec cet étrange pressentiment : "Quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux".
13 ans plus tôt, son mari Eric et elle étaient partis en Sibérie et y avaient adopté leur fille Tatiana.
Alors qu'une violente tempête de neige bloque les accès routiers, les invités du dîner de Noël annulent les uns après les autres et Holly se retrouve face à face avec sa fille au comportement inhabituel...

J'avais vraiment beaucoup aimé "Les Revenants" découvert l'an passé, aussi avais-je hâte de découvrir ce roman-ci. J'ai malheureusement vite changé d'avis.
Dès les premières pages, j'ai non seulement été agacée par le contexte facile dans lequel prend place ce récit (il neige très fort, les gens sont bloqués chez eux, les lignes téléphoniques sont mauvaises - mon dieu, on dirait un mauvais film d'horreur) mais surtout par cette phrase incantatoire "Quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux" qui intrigue au début puis finit par énerver au bout de 15 fois.
" Poussière, épuisement, c'était dans l'air : 
Quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux.
Répète cette phrase, pensa Holly. C'est un refrain. Comme dans un poème. Ecris-la. Ecris de quelle manière un visage fantôme a finalement pointé son nez en ce matin de Noël (ils avaient dormi si tard) et s'est dévoilé.
Quelque chose qui avait été là depuis le début. A l'intérieur de la maison. A l'intérieur d'eux-mêmes. Cette chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux." p.17

Holly se retrouve donc en tête à tête avec sa fille dont elle ne cesse d'admirer les grands yeux et les cheveux noirs de jais (parfumés au shampooing L'Occitane Verveine, ça aussi à force on a compris hein Laura) à longueur de pages.
Une fille superbe mais qui a aussi le don d'agacer Holly au plus haut point, surtout en cette journée de Noël où Tatiana a décidé de ne pas en toucher une.
Donc si je devais résumer 200 pages sur les 275 pages de ce roman, ça donnerait ceci : Relation d'amour-haine entre une mère et sa fille adolescente. Engueulade. La fille retourne dans sa chambre. Sa mère l'appelle. La fille a changé de fringues. Engueulade. la fille retourne dans sa chambre, change de fringues, redescend, etc etc.
Holly est du genre langue de vipère qui critique tout le monde, souffre d'un grooooos problème de déni (à commencer par la météo : le blizzard dites-vous ?) pas très crédible, se plaint de ne pas avoir une minute pour écrire mais psychote pendant deux heures devant son rôti.
En tant que mère, elle se la joue très permissive tout en se montrant en même temps très horripilante. Face aux humeurs de son ado, au lieu de la laisser tranquille, elle passe son temps à l'appeler dans sa chambre pour un oui ou pour un non (Raipooooooonce si tu m'entends !)
Tatiana ne fait rien pour arrondir les angles mais semble au contraire chercher à alimenter une relation malsaine avec sa mère. Un peu borderline ces deux-là en fait.

Au bout de 100 pages, on a déjà compris de quoi il en retourne sauf qu'un dénouement surprenant donne un sens nouveau à l'histoire dans les dernières pages.
J'ai apprécié la pirouette finale mais mais mais...des tas de choses demeurent inexpliquées : tous les phénomènes étranges mentionnés au début (enfin PRESQUE tous parce que bon Laura, du papier peint dans une salle de bains (quelle idée !), c'est normal qu'il finisse par se décoller hein), les appels inconnus sur l'Iphone, la brûlure, la bosse sur la main. Ou bien c'est moi qui ai loupé un truc ?

Pour l'aspect thriller : néant (la seule fois où j'ai frissonné c'est quand je me suis levée pour aller ouvrir la fenêtre). Des personnages à achever à coups de pelle. Des échanges aussi plats que les talons de mes Converse. Beaucoup de répétitions. Une fin pas mal mais qui pour moi n'explique pas tout.
Autant dire que j'avais hâte que ça se termine.


"Esprit d'hiver" était une lecture commune avec Géraldine, Tiphanie et Hélène dont je file lire les billets.
D'autres avis : Canel - Clara - Cunéipage

Je remercie PriceMinister-Rakuten de m'avoir envoyé ce roman dans le cadre de ses matchs de la rentrée littéraire.

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10 novembre 2013

Double assassinat dans la rue Morgue suivi de La lettre volée - Edgar Allan Poe


Publiées entre 1841 et 1845, "Double assassinat dans la rue Morgue suivi de La lettre volée" sont deux nouvelles écrites par l'écrivain américain Edgar Allan Poe, également auteur des textes "Le chat noir et autres nouvelles".

Le détective Dupin et son ami enquêtent sur le "Double assassinat dans la rue Morgue". Une jeune fille et sa mère ont été sauvagement assassinées mais aucun de leurs biens ne semble avoir été dérobé.
Des témoins affirment avoir entendu une voix à l'accent étranger. La police piétine mais Dupin a quant à lui son idée sur l'identité du coupable.
Dupin et son acolyte reçoivent la visite imprévue du préfet de police de Paris qui sollicite l'avis de Dupin concernant l'affaire de "La lettre volée".
Un document de haute importance a été subtilisé dans les appartements royaux par un ministre  dont la police connaît l'identité. Le problème est ailleurs. Après avoir fouillé partout, aucun agent n'est parvenu à mettre la main sur la précieuse lettre.
Avec son flair légendaire, Dupin réussira-t-il là où la police a échoué ?

" Dans des investigations du genre de celle qui nous occupe, il ne faut pas tant se demander comment les choses se sont passées, qu'étudier en quoi elles se distinguent de tout ce qui est arrivé jusqu'à présent.
Bref, la facilité avec laquelle j'arriverai , - ou suis déjà arrivé,- à la solution du mystère, est en raison directe de son insolubilité apparente aux yeux de la police." p.43
"Double assassinat dans la rue Morgue" est le premier volet des aventures du détective Dupin. "La lettre volée" est quant à lui le troisième et dernier opus de ce triptyque.
Pourquoi le Livre de Poche n'a-t-il pas ajouté "Le Mystère de Marie Roget" afin que le recueil soit complet ? Le mystère reste entier...
Ces deux nouvelles ont toutes deux pour narrateur l'ami de Dupin. Un ami qui s'avère absolument inutile aux enquêtes de Dupin, mais lequel se trouve être un fervent admirateur et reporter de ses brillantes capacités d'analyse.
Tout comme l'ami en question, le lecteur attendra patiemment (ou pas) que Dupin arrête de se faire mousser et veuille bien lui faire part de ses déductions pour finalement cracher le morceau.
Autant dire que dans ces deux nouvelles, Poe - considéré comme le précurseur du genre policier - ne ménage aucune place à l'enquête.
Le lecteur, témoin passif de l'arrogance de Dupin, ne se voit absolument pas offrir l'occasion de débusquer le coupable. Rien ne lui permet de participer en s'essayant aux devinettes car aucun indice suffisant ne suggère une piste.

Contrairement au "Chat noir et autres nouvelles", je n'ai pas du tout apprécié ce recueil-ci, qui n'a provoqué en moi qu'agacement et ennui.
Et sachant qu'Arthur Conan Doyle s'est inspiré de Poe pour écrire les aventures de Sherlock Holmes, je ne suis plus très sûre du coup de vouloir découvrir ce dernier...

http://www.milleetunefrasques.fr/challenge-classiques-la-page/

8 novembre 2013

Instinct primaire - Pia Petersen


En librairie depuis le 3 octobre dernier, "Instinct primaire" est une lettre rédigée par l'écrivaine danoise d'expression francophone Pia Petersen, notamment auteure de "Un écrivain, un vrai" ou "Une livre de chair".

" Je leur dis que non, je n'allais pas le regretter puisque j'avais suivi mes exigences et que le paquet enfant/mari ne figurait pas en haut sur ma liste, toujours pas.
Si elles voulaient me voir en tant que mégère manquant d'amour parce que je n'avais pas eu d'enfant alors elles devraient attendre puisque je ne manquais de rien et je leur dis que j'étais une femme, soit, mais que je me définissais en tant qu'être humain et non pas en femme/reproductrice et qu'il était grand temps que la femme arrive au stade l'être humain, au lieu d'être toujours coincée dans ses instincts primaires." p.58

Dans cette lettre adressée à l'homme dont elle fut la maîtresse (et qu'elle aime encore), une femme (que l'on suppose être l'auteure elle-même) entreprend de lui expliquer son choix de lui avoir fait faux bond devant l'autel un an plus tôt.
Tous deux entretenaient une relation clandestine, choisie, libre de toute contrainte, et qui lui convenait en tant que telle puisqu'elle lui permettait d'exister en parallèle en tant que femme et écrivain.
Malheureusement, il semblerait que tous deux se soient mal compris. Malgré qu'elle lui ait explicitement indiqué ses réticences par rapport au mariage et à la maternité, il divorce de sa femme, la demande en mariage et voit en elle la future mère de leurs enfants. Prise de panique face à une situation inconciliable, elle s'enfuit.

Difficile de prendre parti dans cette histoire (ce n'est d'ailleurs pas le but), d'autant que le lecteur n'en connaîtra qu'un seul son de cloche.
Sans m'être jamais trouvée dans ce genre de situation, je me permets tout de même d'émettre une opinion quant à la question de l'adultère, à mon avis "mieux vécu" par quelqu'un qui n'est pas engagé de son côté que par celui/celle forcé(e) de mentir, d'affronter le regard de son conjoint et sa propre culpabilité jour après jour.
De ce point de vue, on peut comprendre que le bonhomme ait eu envie de couper court aux faux-semblants de son mariage, mettant ainsi fin à sa culpabilité (et qui sait peut-être aussi par égard pour sa femme).
Mais comme l'auteure le souligne elle-même, cela ne regardait que lui et sa femme. Elle n'a jamais rien exigé, non par résignation, mais parce qu'elle chérissait leurs précieux moments volés.
Nul besoin d'officialiser leur amour ou de le partager avec un enfant, elle espérait qu'ils pourraient se suffire l'un à l'autre.
Lui pensait sans doute qu'au fond d'elle-même, elle aspirait à devenir épouse et mère.
N'est-ce pas le rêve de toutes les femmes après tout ? Ne peuvent-elles s'épanouir pleinement qu'au travers d'un homme, d'un enfant plutôt que de chercher d'abord en elles-mêmes ?

En marge des propos destinés à cet homme qu'elle continue d'aimer, l'auteure s'adresse également à toutes ces femmes ayant émis des critiques par rapport à ses choix de vie, la reléguant à une espèce de monstre égoïste, sans coeur, voué à la solitude et presque indigne d'être femme.
"Instinct primaire" est donc aussi un sacré pied de nez à cette congrégation d'utérus sur pattes qui prétendent détenir la vérité universelle en leur sein (je sais, elle était facile celle-là).
Fustigeant l'hypocrisie et les contradictions du féminisme d'aujourd'hui, elle revendique son droit d'exister, non en fonction de l'homme, pas comme un simple appareil reproducteur mais en tant qu'être humain à part entière.
Quitte à passer pour une marginale, elle assume absolument ses choix et évoque un métier d'écrivain qui la comble pleinement.
Un livre court mais dense, qui sonne comme un appel à la liberté ! Cette lecture m'a fait beaucoup de bien dans la mesure où je me pose de plus en plus de questions à moi-même par rapport à la maternité.
Un sujet qui pour moi devrait toujours sonner comme un vrai choix individuel plutôt que comme une évidence commune.



"Instinct primaire" était une lecture commune avec Leiloona, Noukette et George dont je suis très curieuse de lire les avis !
D'autres avis : Stephie - In Cold Blog

MERCI à Babelio de m'avoir envoyé ce livre !

tous les livres sur Babelio.com


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5 novembre 2013

Long week-end - Joyce Maynard


Publié aux USA en 2009 et traduit en français l'année suivante, "Long week-end" est un roman de l'écrivaine américaine Joyce Maynard, notamment auteure de "Et devant moi, le monde" ou de "Les Filles de l'ouragan".

Depuis le départ de son père, Henry vit seul avec sa mère Adèle, ancienne danseuse qui ne sort désormais plus beaucoup de la maison.
Quelques jours avant le long week-end du Labor Day, alors qu'ils se rendent au supermarché pour les achats de la rentrée des classes, Henry et sa mère croisent la route de Frank qui leur demande de l'héberger le temps qu'il se remette de ses mystérieuses blessures.
Adèle tombe sous le charme de cet homme attentionné. Henry apprécie la compagnie de ce père de substitution, même si il craint quelque peu que Frank ne lui vole sa mère et sa place d'homme de la maison.
Une seule chose empêche ces trois-là de former une nouvelle famille : Frank est recherché par la police pour s'être évadé de prison...

"Long week-end". Un titre de circonstance pour un roman qui a très agréablement occupé ce premier week-end de novembre.
L'histoire nous est racontée par le jeune Henry dont le comportement oscille entre réflexes enfantins, découvertes adolescentes et maturité naissante.
Conscient que sa mère mérite d'être heureuse avec un homme qui l'aime vraiment mais effrayé à l'idée d'être abandonné, il réagit avec toute l'inconscience d'un adolescent de son âge, sans se douter des conséquences.
On ne peut guère lui en vouloir tant ce gamin a bon coeur. Aucun personnage d'ailleurs, aussi maladroits soient-ils (à l'exception de cette peste de...) n'est à blâmer pour ce malheureux concours de circonstances, inévitable et tragique.
Comme ce fut déjà le cas dans mes précédentes lectures de l'auteure, j'ai ressenti une énorme tendresse de l'auteure pour ses personnages et une envie de leur accorder une vraie chance dans la vie.
J'ai retrouvé certaines caractéristiques communes par rapport aux "Filles de l'ouragan" : les années 60, la mère artiste, un homme attaché à la terre, la question de la famille au centre du récit et surtout l'écriture de Joyce Maynard, toujours aussi à fleur de peau.
Un roman teinté d'une certaine amertume mais aussi rempli de belles émotions (sans être gnangnan) !

A noter que l'adaptation cinématographique de "Long week-end", "Labor Day" sortira sur nos écrans en janvier 2014.



 "Long week-end" était une lecture commune avec Clara et Theoma dans le cadre du Challenge anniversaires organisé par Sandrine - qui a également lu ce titre-ci. Joyce Maynard fête aujourd'hui ses 60 ans.





30 octobre 2013

Le chat noir et autres nouvelles - Edgar Allan Poe



"Le chat noir et autres nouvelles" rassemble 8 nouvelles écrites par l'écrivain américain Edgar Allan Poe.

"Le chat noir" ou la confession d'un homme dont la vie a basculé le jour où il a adopté Pluton.
Alors qu'il s'est établi dans un château décoré de nombreuses toiles, un homme croise "Le portrait ovale", un tableau qui recèle une terrible histoire...
En visite chez un ami ayant sombré dans la folie, un homme fera une étrange rencontre et assistera à "La chute de la maison Usher".
Fuyant un fléau qui sévit dans tout le pays, le prince Prospero se retire avec ses gens dans une abbaye fortifiée et y donne un grand bal. Un étrange convive y fait une troublante apparition, affublé du "Masque de la Mort Rouge".
Dans "Le coeur révélateur", un homme décide de supprimer un vieil homme dont l'oeil le terrorise. La police le soupçonnera-t-il ?
Les familles hongroises Metzengerstein et Berlifitzing se détestent depuis des siècles. La prophétie annonçant le triomphe de "Metzengerstein" n'arrange rien à l'affaire...
"Le puits et le pendule" : confession d'un condamné à mort rudement mis à l'épreuve...
En voyage dans le sud de la France, un homme est pris de l'envie subite de visiter un asile d'aliénés aux méthodes peu ordinaires. Il découvre ainsi "Le système du docteur Goudron et du professeur Plume".

" Il y avait des figures vraiment arabesques, absurdement équipées, incongrûment bâties; des fantaisies monstrueuses comme la folie; il y avait du beau, du licencieux, du bizarre en quantité, tant soit peu terrible, et du dégoûtant à foison.
Bref, c'était comme une multitude de rêves qui se pavanaient ça et là dans les sept salons.
Et ces rêves se contorsionnaient en tous sens, prenant la couleur des chambres; et l'on eût dit qu'ils exécutaient la musique avec leurs pieds, et que les airs étranges de l'orchestre étaient l'écho de leurs pas.
Et, de temps en temps, on entend sonner l'horloge d'ébène de la salle de velours. Et alors, pour un moment, tout s'arrête, tout se tait, excepté la voix de l'horloge. Les rêves sont glacés, paralysés dans leurs postures.
Mais les échos de la sonnerie s'évanouissent, - ils n'ont duré qu'un instant,- et à peine ont-ils fui, qu'une hilarité légère et mal contenue circule partout.
Et la musique s'enfle de nouveau, et les rêves revivent, et ils se tordent ça et là plus joyeusement que jamais, reflétant la couleur des fenêtres à travers lesquelles ruisselle le rayonnement des trépieds.
Mais, dans la chambre qui est là-bas tout à l'ouest, aucun masque n'ose maintenant s'aventurer; car la nuit avance, et une lumière plus rouge afflue à travers les carreaux couleur de sang et la noirceur des draperies funèbres est effrayante; et à l'étourdi qui met le pied sur le tapis funèbre l'horloge d'ébène envoie un carillon plus lourd, plus solennellement énergique que celui qui frappe les oreilles des masques tourbillonnant dans l'insouciance lointaine des autres salles." p.73
L'automne (et l'hiver aussi en fait) est une saison qui se prête fort bien à la (re)lecture de récits aux ambiances brumeuses et carrément flippantes.
C'est donc tout naturellement que je me suis tournée vers ce recueil d' Edgar Allan Poe, considéré comme le précurseur du genre fantastique mais pas que (je vous en reparle dans mon prochain billet).
Les 8 nouvelles dont il est question ici présentent de nombreux thèmes communs : au-delà,  perversité, résurrection et apparitions surnaturelles, diabolisation de l'art et des animaux, enfermement volontaire ou non, matériel ou mental.
Les décors et les lieux choisis par Poe (cave, manoir, asile, prison, château isolé ou maison à l'abandon) et le parti de situer ses histoires principalement la nuit participent au caractère sombre de chacune.
Sans compter que l'auteur excelle dans l'art de ces menus détails qu'on n'oublie pas de sitôt...
La narration à la première personne sous forme de confession ou par un témoin saisi d'effroi implique d'autant plus le lecteur dans ces récits de l'étrange qui le laisseront un peu paranoïaque (dans mon cas du moins).
Un régal que ce recueil, contrairement à ses nouvelles policières que je n'ai pas trop appréciées et dont je vous parlerai dans mon prochain billet.

Notez que la collection Folio Junior destine ce recueil à un jeune public dès 11 ans. N'ayant pas d'enfants, je ne suis pas très bien placée pour déterminer des limites d'âge en matière de lecture.
Mais il me semble que 11 ans est un âge un peu jeune pour découvrir certaines de ces nouvelles.

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18 octobre 2013

La petite poule rouge vide son coeur - Margaret Atwood


Publié en 1993 et traduit en français en 1996, "La petite poule rouge vide son coeur" rassemble une vingtaine de nouvelles de la romancière canadienne Margaret Atwood, notamment auteure des romans "La Servante écarlate", "Le dernier homme" ou "Le Temps du déluge".

" Ce que nous voulons, bien sûr, revient toujours à la même vieille histoire. Les arbres qui font pousser leurs feuilles, les agitent, les font tomber, l'eau qui tourbillonne dans les océans, les trilles des oiseaux, les limaces qui se déplient, les vers qui siphonnent la terre.
Les zinnias et la lente exploration de leur parfum poivré. Nous voulons que tout continue et continue, de la même manière chaque année, monotone et étonnant, comme si nous-mêmes vivions toujours sous la tente, faisant paître des moutons, les égorgeant au nom de Dieu et refusant d'inventer le plastique.
L'incrédulité et les salles de bains ont un prix qu'il nous faut payer. Si la pomme avait été le seul appât du Mal, nous pourrions encore dire que nos âmes nous appartiennent, mais l'aiguillon du désir nous a donné le tout-à-l'égoût en prime et depuis nous sommes condamnés." p.133
27 textes qui interpellent et interrogent, jouant avec les consciences et croyances populaires. Margaret Atwood s'essaie au conte ("La petite poule rouge vide son coeur", "Il était une fois..."), rend hommage aux sottes ("Rendons grâce aux sottes"), aux "sorcières" laissées pour compte ("Les vilaines") et aborde les représentations du "Corps féminin".

" Il fait vendre des voitures, de la bière, des crèmes à raser, des cigarettes, des alcools; il fait vendre aussi des régimes amaigrissants et des diamants, ainsi que du désir en minuscules bouteilles de cristal. Est-ce bien ce visage qui a servi à la promotion d'un millier de produits ? Tu parles ! Mais ne t'illusionne pas, ma chérie, ton sourire ne vaut pas cher.
Il ne fait pas que vendre, il est vendu. L'argent rentre à pleines brassées dans ce pays ou dans cet autre, il y atterrit, il s'y infiltre pratiquement à pleines valises, attiré par toutes ces jambes lisses de pré-adolescentes.
Ecoute-moi, tu veux réduire la dette nationale, n'est-ce pas ? Tu aimes ton pays ? Voilà qui est bien. T'es une brave fille.
Elle est une ressource naturelle, une ressource renouvelable, heureusement. Ces choses-là s'usent si rapidement. On ne les fait plus comme avant. Marchandises de pacotille." p.38

Elle nous explique comment "Fabriquer un homme" ou pratiquer "La chasse aux souches".
L'auteur examine les notions de bien, de mal et de paradis ("Théologie") et crée de nouvelles mythologies ("La troisième main", "L'ange", "La Danse des lépreux", "Ma vie comme chauve-souris").
Elle évoque la mort à travers certaines coutumes ("Scènes de mort", "Quatre petits paragraphes", "De bons os"), la guerre entre les hommes ("Les épaulettes", "Les coquelicots : 3 variations") et leur peur de l'inconnu ("En territoire étranger").
Ecologiste dans l'âme, elle attire notre attention sur le comportement irresponsable de l'homme vis à vis de son environnement ("Boule dure", "De sang froid", "Terre natale", "Insatiables").

" Qu'y a-t-il d'autre à manger ? Eh bien, il n'y a plus de hamburgers. Les vaches prennent trop de place. On élève encore, ici et là, quelques poulets et quelques lapins qui se multiplient vite et qui sont de petite taille. Il y a aussi, bien sûr, aux étages inférieurs, des rats, mais il vous faut les attraper.
Imaginez-vous la terre sous la forme d'un navire du XVIIIème siècle, rempli de passagers clandestins, mais sans aucune destination.
Et puis, inutile de le préciser, il n'y a plus de poissons. Impossible d'en trouver un seul dans cette eau sale qui clapote en bordure des océans et au travers des ruines de ce qui fut New-York.
Si vous disposez de beaucoup d'argent, vous pouvez y faire de la pêche sous-marine pendant vos vacances. Emprunter le sas. Plonger dans le romantisme d'un âge révolu.
Mais c'est un mauvais vent qui ne fait de bien à personne. Il n'y a plus de crimes dans les rues.
C'est un progrès, voyez-le comme ça." p.88


Il m'est assez difficile de résumer les 27 textes qui composent ce recueil. Non seulement parce que la plupart ne sont pas des "histoires" à proprement parler mais aussi parce que quelques-uns d'entre eux sont tout simplement restés des énigmes pour moi.
J'ai beau avoir déjà lu 3 romans de cette auteure et connaître ses thèmes de prédilection (féminisme, "pessimisme" écologiste et politique), j'ai parfois été déroutée durant ma lecture.
Heureusement, la plupart de ces textes m'ont plu de par leur humour et leur ton sarcastique voire même désabusé.
Sans se montrer moralisatrice, Margaret Atwood pose un regard très critique sur notre époque, livrant ici un patchwork de constats alarmants visant à nous conscientiser sur des problématiques actuelles.
Je ne sors jamais complètement indemne une fois un livre refermé de cette auteure et malgré une déception par rapport à certains textes, je ne regrette pas cette lecture.
A recommander à ceux qui apprécient l'univers et l'impertinence de la dame.

15 octobre 2013

36 heures de la vie d'une femme - Agnès Bihl


En librairie dès le 17 octobre prochain, "36 heures de la vie d'une femme" est le premier recueil de nouvelles de l'auteur interprète française Agnès Bihl.

"36 heures de la vie d'une femme" qui a donné son titre au recueil aborde la difficulté d'être une femme plurielle à notre époque et de pouvoir mener de front tous les rôles que lui impose la société (ou qu'elle s'impose à elle-même ?).
"Pleure pas, Casanova" ou l'étrange attirance des femmes envers les bad boys.
Difficile pour un couple de trouver du temps à soi, surtout avec une ado à la maison. Les moments pour "La sieste crapuleuse" sont plutôt rares.
"Bon dieu, mon vieux" ou le lynchage d'un vieil homme à son propre enterrement.
"Les imbéciles", discussion hautement alcoolisée de deux hommes au sujet de leurs épouses.
Un psychanalyste dévoile une méthode radicale et infaillible pour soulager ses patients dans "Toubib or not toubib".
"Le baiser de la concierge" ou l'histoire vraie de 3 enfants enfermés durant plusieurs mois pendant la seconde guerre mondiale.
Dur de faire face à "La déprime". Une jeune femme se confie à un psy. A moins que...?
Et si les nouveaux nés pouvaient parler, que diraient-ils ? Peut-être "La plus belle, c'est ma mère".
Une membre des bénévoles du Bienheureux Calvaire des Foetus Anonymes écrit à Jésus pour lui parler de "La manif" qui se prépare.
"Gueule de bois 2 : le retour" : tout est dans le titre ou presque...
Blandine est infidèle, ragoteuse, égocentrique, menteuse, langue de vipère, vénale. Bref elle a décidément "Tout pour plaire".
"Ciné-club" et les rêves de gloire d'une figurante de pub.
Victimes d'"Insomnie", une mère veille son enfant, un homme lève la main sur sa femme, une adolescente songe au suicide. Ca ira mieux demain (ou pas).
Dans "Faites l'amour, pas la vaisselle", une femme annonce à ses enfants qu'elle est amoureuse et qu'elle quitte leur père pour commencer enfin sa vie de femme.

"36 heures de la vie d'une femme" signe pour moi une double rencontre avec Agnès Bihl puisque la lecture de ce recueil m'aura non seulement permis de la découvrir en tant qu'auteure mais aussi en tant que chanteuse.




Une artiste que je placerais dans le même registre que Juliette, Anaïs ou Rose, des chanteuses dont j'apprécie généralement les textes.
S'agissant de ce recueil, autant le dire tout de suite, ce fut globalement un coup de coeur !
Par globalement, j'entends que si tous les textes m'ont plu, certains se sont davantage détachés du lot comme "Bon dieu, mon vieux", "Insomnie", "Tout pour plaire" et "Faites l'amour, pas la vaisselle".
Le moins qu'on puisse dire est qu'Agnès Bihl n'a pas la plume dans sa poche, s'amusant avec les mots (chaque texte commence d'ailleurs par la définition d'un mot en rapport avec la suite) et rehaussant des scènes de la vie quotidienne (pour la plupart) d'un humour très second (voire troisième) degré.

"Je, soussignée Vénus Dersch, saine de corps et d'esprit, déclare vouloir mettre un terme à mes jours dès cette nuit.
Cher papa, chère maman, surtout ne culpabilisez pas de m'avoir enfoncée toujours plus profondément dans l'angoisse et la dépression, ce n'est pas votre faute.
Il ne faut pas pleurer, je meurs en bonne santé et je suis à présent en paix avec le monde.
Je ne vous dis pas adieu, je vous dis au revoir car vous n'êtes plus tout jeunes et plutôt gros fumeurs,
Votre fille qui vous aime plus que sa propre vie." p.111

Ma nouvelle préférée fut sans conteste "Bon dieu, mon vieux", un petit bijou d'humour noir.

" Ma femme...enfin, ce qu'il en reste. Avec ses colliers de mentons qu'elle porte autour du cou, son regard en trou de pine et ses bajoues bouffies, c'est vrai qu'elle a morflé. Dire qu'elle aime la nature...elle n'est pas rancunière. Moi si. Quand je pense aux années qu'on a perdues ensemble, oh mon amour, allez ! Laisse-moi te regarder. On s'amuse comme on peut.
Ton charme est faisandé depuis pas mal de temps mais c'est vrai qu'à vingt ans, ton rire était une vague, une cascade, un torrent...et moi comme un grand con, je me noyais dedans.
C'est drôle. Maintenant, ta bouche en cul-de-poule n'est plus qu'une flaque d'eau tiède. Ton rouhe à lèvres est rose comme du papier cul, c'est moche mais ça te va bien.
Dire qu'on tue les baleines pour maquiller des thons.
J'aime assez l'ironie, décidément la veuve est l'avenir de l'homme." p.39

A travers ces nouvelles (rédigées au départ des chansons que l'auteure avait écrites pour le cd du même nom), Agnès Bihl aborde de nombreux thématiques actuelles comme la peur de l'engagement, l'homosexualité, la maternité, la solitude, le Mouvement Pro Vie, la violence, l'adolescence, le syndrôme de la "super woman", souvent sous la forme d'un monologue, confession ou cri du coeur.

Un recueil à découvrir de toute urgence !

Merci à l'agence LP Conseils et aux éditions Don Quichotte de m'avoir envoyé ce recueil !


challenge album


12 octobre 2013

Le gang des mégères inapprivoisées - Tom Sharpe


Publié en Angleterre en 2009 et traduit en français l'année suivante, "Le gang des mégères inapprivoisées" est un roman de l'écrivain britannique Tom Sharpe, particulièrement connu pour sa série "Wilt".

Au sein de la famille Grope, de nombreuses générations de femmes se sont succédées, relayant la coutume familiale qui consiste à kidnapper un homme pour ensuite le séquestrer, l'épouser et se faire engrosser. Autant dire que si le malheureux tient à la vie, il a plutôt intérêt à être fertile et à produire des filles.
Si Belinda Grope n'a pas du avoir recours à la tradition pour se faire passer la bague au doigt, elle a du renoncer à l'espoir de tomber enceinte de son mari Albert.
Lorsque sa belle-soeur Vera leur envoie son fils Esmond en pension, Belinda y voit là une occasion en or de pouvoir enfin réaliser son rêve...

Pourquoi cette couverture me fait-elle rire à chaque fois ?
La première partie dresse un portrait de la famille Grope sur plusieurs générations, l'occasion de faire connaissance avec ces Amazones d'un genre particulier et de comprendre le milieu matriarcal dans lequel Belinda a grandi.
J'ai vraiment trouvé cette première partie cruellement drôle tant les ruses déployées par ces femmes au fil des siècles ne manquaient pas d'inventivité inattendue.
La seconde partie est consacrée à la famille Burnes, composée de Vera, mère poule au foyer éprise de romans à l'eau de rose, de son mari Horace - employé de banque timide et pas très malin - et de leur fils Esmond, copie conforme de son père au point de lui donner des envies de meurtre.
Lorsque Esmond part s'installer chez sa tante et son oncle, les comportements des uns et des autres changent au point que chacun pètera un câble à sa manière, laissant ainsi parler un instinct trop longtemps enfoui.
Chacun passe ainsi pour un "dingo", l'occasion pour l'auteur d'égratigner au passage les flics et les psys assimilés ici à des crétins finis.
Les péripéties ne manquent pas dans ce roman et pourtant, j'ai fini par m'en lasser, les trouvant trop grosses et pas forcément drôles.
Je n'ai pas non plus adhéré à la fin de l'histoire tant j'ai eu l'impression que l'auteur laissait ses personnages en berne.
Une déception donc ! Dommage car la première partie n'était pas sans me rappeler cet humour anglais savoureux façon "Willa Marsh".

"Le gang des mégères inapprivoisées" était une lecture commune avec Liliba dont je file voir le billet !
 

10 octobre 2013

Au bal de la chance - Edith Piaf


En librairie depuis le 18 septembre, "Au bal de la chance" est une réédition réalisée à l'occasion des 50 ans de la mort d'Edith Piaf, ce 11 octobre.
Parue pour la première fois en 1958, l'édition s'est vue augmentée d'une préface signée par Jean Cocteau, d'une postface, de plusieurs témoignages de proches de la chanteuse, ainsi que de deux cd's contenant les enregistrements de ses chansons à l'Olympia entre 1955 et 1963.

Edith Piaf revient sur ses débuts, dans la rue, en 1935, avant que Louis Leplée, directeur du Gerny's, ne la remarque et l'engage dans son cabaret où elle devient alors "La môme Piaf".
En lisant "Au bal de la chance", on se rend compte à quel point la vie de Piaf fut marquée par une série de rencontres dont elle se souvient, non sans émotion.
Ainsi en va-t-il de Marguerite Monnot - meilleure amie et parolière -, Raymond Asso - qui lui offre "Mon légionnaire" et lui décroche son premier contrat de music-hall -, Michel Emer - auteur de "L'accordéonniste", Yves Montand - qu'elle contribuera à faire connaître -, Les Compagnons de la chanson - avec lesquels elle interprétera notamment "Les Trois Cloches"-, Marlene Dietrich - précieuse amie-, Jacques Pills - son premier mari-, Jean Cocteau - qui lui écrira la pièce "Le Bel Indifférent", mais aussi Charlie Chaplin, la princesse Elizabeth d'Angleterre, le général Eisenhower ou encore Sacha Guitry.
Elle retrace également sa conquête de l'Amérique ainsi que du public grec qui la surnommait "la chanteuse de poche".

C'est la deuxième fois que je lis un ouvrage consacré à Edith Piaf et la deuxième fois que je m'en mords les doigts.
"Mon amour bleu", qui exposait sa correspondance désespérée avec le cycliste Louis Gérardin, m'avait plutôt agacée et mise mal à l'aise de par son contenu "trop intime" et je m'étais jurée de ne plus rien lire d'aussi personnel la concernant.
"Au bal de la chance" n'évoque quasiment pas les hommes qui ont traversé sa vie (c'est à peine si Marcel Cerdan est cité), ce qui m'a franchement étonnée compte tenu de l'importance de l'amour dans la vie de Piaf mais aussi soulagée pour la raison évoquée plus haut.
Je préfère généralement les autobiographies aux biographies (bien souvent subjectives de par les interprétations de leur auteur). Lorsque j'ai eu vent de la réédition de "Au bal de la chance", j'ignorais alors qu'il s'agissait plutôt d'une compilation d'entretiens avec un journaliste, certes validée par Edith Piaf de son vivant mais pas écrite de sa main comme le laisse penser la narration à la première personne.
Première déception donc.
Ma deuxième déception est allée aux notes de bas de page et à la postface qui semblent prendre plaisir à reprendre "l'auteure" dans sa narration en relevant ses petits mensonges, incohérences et contradictions.
Rien de bien scandaleux mais pourtant de petites révélations qui ont suffi à entacher la sincérité que je prêtais par défaut à Edith Piaf. Comment dès lors dissocier le vrai des petits arrangements mis au service du mythe et corroborés par la principale intéressée ? Qu'apprendra-t-on dans 50 ans ? Que Piaf chantait en play-back ?!?
Ce qui m'a donc amenée à m'interroger quant au but de cet ouvrage censé lui rendre hommage à l'occasion de l'anniversaire des 50 ans de sa mort.
Curieux hommage tout de même...
En écoutant les deux magnifiques cd's présents dans cette édition (charme des grésillements, impression d'assister à un concert d'époque), je me suis dit qu'il valait mieux à l'avenir me contenter des airs de la chanteuse et laisser la vie de la femme de côté. 

Je remercie l'agence LP Conseils et les éditions de m'avoir envoyé ce livre.

challenge album