22 avril 2013

Gatsby le Magnifique - Francis Scott Fitzgerald


Publié aux USA en 1925 et traduit en français en 1996, "Gatsby le Magnifique" est un roman de l'écrivain américain Francis Scott Fitzgerald, notamment auteur de "L'Envers du paradis", "Beaux et Damnés", "Tendre est la nuit" ou encore des nouvelles "L'étrange histoire de Benjamin Button" et "Un diamant gros comme le Ritz".

1922. Fraîchement débarqué de son Midwest natal, le jeune Nick Carraway rejoint la côte est avec pour ambition de devenir agent de change.
Il emménage dans une modeste demeure située entre deux luxueuses villas dont l'une d'elles appartient à Jay Gatsby, riche et énigmatique propriétaire réputé pour les fastueuses fêtes qu'il organise tout l'été.
Nick retrouve Daisy, sa cousine germaine désormais mariée à Tom Buchanan, un homme fortuné, suffisant, raciste et infidèle. Il fait également connaissance avec Mrs Jordan Baker, amie de Daisy qui fréquente assidûment les terrains de golf.
Un jour, Nick est convié par Gatsby lui-même à l'une de ses fêtes. Il réalise que la majorité des convives ne connaissent absolument pas leur hôte et s'en moquent, tant que le champagne coule à flots et que l'orchestre continue de jouer...
Petit à petit, Nick se liera d'amitié avec Gatsby, devenant son confident et même son complice lorsque celui-ci tentera de reconquérir celle qu'il a aimée autrefois et apprenant enfin d'où Gatsby tire sa mystérieuse fortune...

Nick Carraway, qui se trouve être le narrateur du roman, ne connaît pas grand monde sur la côte est. Aussi passe-t-il du temps en compagnie de Tom, Daisy et Jordan, malgré qu'il ne les apprécie pas plus que cela.
Nick est un personnage légèrement en retrait, observateur critique d'un monde auquel il n'appartient pas, qu'il méprise mais dont on sent qu'il aimerait tout de même bien faire partie.
Arrivée à la moitié de ce roman, je restais interdite devant la vacuité de cette histoire à peine composée de quelques menu-événements.
Loin de continuer à vouloir faire connaissance avec ces personnages superficiels et insipides que sont Daisy, Tom et Jordan, si j'ai persévéré dans ma lecture, ce n'était que pour pouvoir enfin percer le mystère entourant Gatsby, personnage que j'ai trouvé arrogant et m'as-tu vu dans les débuts puis extrêmement naïf ensuite.
Un self made man qui a vécu et bâti toute sa fortune autour d'une illusion qui s'effondrera avec lui. Je n'ai ressenti de peine pour lui que dans les dernières pages.
Si l'argent peut fasciner et tenir en respect, on le sait, il n'achète pas le bonheur.
Au cas où vous en doutiez encore, la fin de "Gatsby le Magnifique" vous le confirmera.

"Gatsby le Magnifique" dresse un tableau franchement amer de la bourgeoisie américaine de l'entre-deux-guerres, à l'heure de la prohibition : alcool, corruption, fascination pour l'argent, amoralité, irresponsabilité, hypocrisie.
Malheureusement, j'ai trouvé que Fitzgerald n'avait pas réellement l'air d'assumer ce qu'il écrivait et qu'il délaissait malheureusement l'analyse pour se cantonner à la description.
Ses personnages sont caractérisés à travers leurs actions mais semblent débarrassés de tout état d'âme.
Et au lecteur de se contenter de ses portraits de façade, sans conscience aucune.
Mais peut-être était-ce justement le but précis poursuivi par l'auteur...

Une lecture que je ne regrette pas mais dont j'attendais plus.
Je voulais découvrir ce roman avant la sortie en salle le mois prochain de son adaptation cinématographique.
A présent que j'ai lu le roman et découvert le trailer, je me tâte à aller voir le film...
Je ne doute pas que l'excentricité de Baz Luhrmann colle parfaitement à cette période extravagante, folle et bling bling dont se nourrit le roman. En revanche, en apercevant les quelques images du film, je crains que le réalisateur n'ait quelque peu dénaturé le scénario initial en ré-interprétant la relation unissant Gatsby à Daisy (c'est pas vraiment du Roméo et Juliette)...









18 avril 2013

Au commencement était la vie - Joyce Carol Oates


Publié aux USA en 1991 et traduit en français 3 ans plus tard, "Au commencement était la vie" est un roman de l'écrivaine américaine Joyce Carol Oates, notamment auteure des romans "Délicieuses pourritures", "Viol, une histoire d'amour", "Premier amour" , "Reflets en eau trouble" , "Un amour noir" ou plus récemment de "Le Mystérieux Mr Kidder".

A l'âge de 11 ans, Kathleen Hennessy est hospitalisée, présentant une commotion cérébrale, des côtes cassées et de multiples contusions sur tout le corps.
Le responsable n'est autre que son père qui, dans un accès de rage et sous l'effet de l'alcool, après que sa femme l'ait quitté, s'en est pris à ses petites filles.
Kathleen s'en est mieux sortie que Nola, sa petite soeur de 6 ans qui n'a pas survécu à la violence paternelle.
Alors que son père est reconnu coupable et emprisonné pour meurtre, la jeune Kathleen quitte l'hôpital, fait un bref séjour à l'Assistance publique avant d'être ballottée d'un foyer d'accueil à un autre.
Devenue une jeune femme, elle obtient son diplôme et travaille comme aide-soignante à l'hôpital de Detroit où elle est réputée pour son professionnalisme.

Kathleen Hennessy est une jeune femme qui a tour à tour vécu et fait de terribles choses. Comme beaucoup d'enfants battus et victimes d'abandon, elle porte en elle une violence qui l'a fait grandir plus vite que les autres enfants de son âge.
La petite fille puis la jeune femme qu'elle est devenue se sont toutes deux promis de ne jamais revenir sur le passé, ce qui a radicalement bien fonctionné puisque Kathleen semble avoir complètement occulté certains souvenirs de son passé ainsi que les personnes qui y sont liées.
Néanmoins, son comportement tend à indiquer que la jeune femme a bel et bien des choses à se faire pardonner. Sans compter qu'elle se doit de se montrer digne de ce Dieu auquel elle croit à sa manière.
Petite fille silencieuse, complexée, docile voire même amorphe, toujours prête à rendre service, elle passe pour une sainte aux yeux de ses mères adoptives et des enseignantes qui l'aideront à prendre davantage confiance en elle, répondant avec affection à son constant besoin d'approbation et de reconnaissance.
Arrivée à l'âge adulte, elle se révèle une aide-soignante très consciencieuse, mettant toute son énergie et son coeur au service de ses patients.
Oates attire particulièrement l'attention du lecteur sur le zèle de Kathleen, en détaillant les procédures médicales que la jeune femme s'applique à suivre à la lettre.
Une qualité qui ne manque pas d'être reconnue parmi ses pairs mais laquelle, si elle est remise en cause, suffit à faire vaciller la jeune femme.
Et s'agissant de son succès inattendu auprès des hommes, ses collègues s'étonnent de ce que son physique peu flatteur puisse plaire à la gente masculine.
Objet de jalousies et de moqueries de la part du personnel hospitalier, Kathleen ne laisse rien paraître de son mal-être mais vit pourtant très mal la chose...

"Au commencement était la vie" apparaît plus comme une longue nouvelle destinée à dresser le portrait de Kathleen sur quelques années que comme un roman.
Kathleen est assurément une jeune femme impulsive et fragile psychologiquement. Elle n'a pas conscience de sa folie (contrairement au lecteur qui en est rapidement alerté au travers d'une scène assez choquante) - sauf peut-être à la toute fin du roman - et n'en laisse rien paraître autour d'elle.
Tout au plus la juge-t-on passive voire un peu étrange, mais comme elle se montre toujours particulièrement accommodante, ça fait l'affaire de tout le monde.
Comme dans "Viol, une histoire d'amour" ou "Un amour noir", Oates plonge son personnage central dans un isolement psychologique complet, le présentant comme une brebis impuissante au milieu d'une foule de loups vulgaires, profiteurs, hypocrites, mesquins et sans compassion aucune.
Un entourage malsain qui détermine et explique en partie le comportement de Kathleen sans pour autant l'excuser.
On dirait que Oates passe son temps à vouloir prouver à ses lecteurs combien le genre humain peut être vil et la vie cruelle.
A travers le personnage de Kathleen, elle nous montre le visage du déni, de la marque inconsciente mais pourtant indélébile laissée par le passé, de ce qu'il reste de la violence après la violence.
Le tout sans jugement aucun, ce qui m'a vraiment troublée et empêchée de décider d'avoir pitié ou au contraire de condamner Kathleen.
Si ce roman ne se distingue pas par la densité ou l'éclat de son écriture, j'ai trouvé qu'il parvenait toutefois à saisir suffisamment toute la complexité de son personnage.
Un petit roman assez désarmant que je ne recommanderais toutefois pas à tout le monde, tant l'une des premières scènes et la dernière me font encore froid dans le dos...




L'avis de George

15 avril 2013

L'Art difficile de rester assise sur une balançoire - Emmanuelle Urien


Disponible en librairie depuis le mois de mars, "L'Art difficile de rester assise sur une balançoire" est un roman de l'écrivaine française Emmanuelle Urien, notamment auteure de "Toute Humanité mise à part", "Tu devrais voir quelqu'un", "Court, noir, sans sucre" ou encore de "Tous nos petits morceaux".

Le couple formé par Pauline et Yann tendait à l'équilibre parfait jusqu'à ce que Yann saute précipitamment de la balançoire en marche, laissant sa femme sur le cul, pour rejoindre la salle de jeux de Mélanie, la meilleure amie de Pauline.
Manque de bol pour Yann mais belle revanche pour son ex-femme, Mélanie est retrouvée assassinée dans son appartement.
Loin de se laisser aller au chagrin lié au décès de son ex-meilleure amie (qui n'a apparemment eu que ce qu'elle méritait), Pauline pleure sur son sort, entretient cette "doulhaine" née de sa colère d'avoir été doublement trahie.
Et on peut dire qu'elle ne mâche pas ses mots, chose qu'on lui pardonne bien volontiers parce que l'expression de la colère, ça reste quand même plus sain que le déni ou la fuite en avant et parce qu'elle se traduit ici en de savoureuses touches de cet "humour du désespoir" qui me plaît tant.

" Il m'a demandée en divorce dans la buanderie. La machine à laver venait de passer en mode essorage.
Un instant plus tôt, j'étais une femme épanouie, heureuse. J'étais dotée d'un beau mari, le plus aimant du monde. Le meilleur père qui soit. Autrement dit, un homme idéal, parfaitement assorti à sa parfaite épouse.
A croire que je vivais recluse sous la couverture rose d'un roman de gare.
La seconde d'après, assise sur la machine à laver vrombissante, il n'y avait plus qu'un volatile grotesque.
Les yeux exorbités, le cou tendu, le bec ouvert et les ailes mortes, attendant encore qu'on le farcisse des fadaises dont il s'était inconsciemment nourri jusqu'alors.
Le dindon de la farce, plumé à souhait, prêt à rôtir. Une pintade, plutôt.
Et en face se tenait un mâle qui venait d'abattre son double-jeu; un beau mâle, assez costaud pour satisfaire deux femelles à la fois, assez malin pour berner celle qui se croyait l'Elue, assez sûr de lui pour penser qu'il pouvait tout faire basculer, en sa faveur bien entendu, et balancer sa vieille poule pour la nouvelle.
Qui, soit dit en passant, a presque un an de plus que moi. Avait.
La première partie de son plan a fonctionné à merveille : le coq quitte la basse-cour, abandonnant la poule n°1.
Pour la seconde partie, le coq s'est fait pigeonner : on a tordu le cou de la poule n°2 avant qu'il ait pu l'emmener pondre ailleurs. Mélanie s'est fait occire.
Pauvre coq. Le voilà seul, maintenant.
Privé de poules, autant dire châtré. Avec les poussins à mi-temps." p.40
Sauf qu'au bout de 50 pages, on apprend brusquement que 8 mois se sont déjà écoulés depuis l'affaire.
Et là j'ai quand même tiqué...Parce que je n'ai tout simplement pas ressenti le passage du temps en 50 pages et que j'ai du coup réalisé à quel point Pauline n'avait absolument pas évolué d'un pouce depuis le début.
Evidemment, certaines personnes mettent plus de temps à se relever d'une chute que d'autres...
Tout son quotidien tourne autour de sa "doulhaine" qui l'absorbe complètement au point qu'elle en délaisse ses 3 enfants dont elle a la garde partagée avec son ex-mari. Un ex-mari avec lequel elle n'entretient plus aucun contact, préférant passer par une nounou (dénommée le "Sas") pour récupérer ses enfants.
Sur les conseils de sa mère psychiatre qui la traite plus comme une patiente que comme une enfant à consoler et semble prendre les choses avec une certaine dérision (évitant de dramatiser davantage la situation, chose que sa fille fait très bien toute seule), elle choisit de se considérer veuve.
Mais comment faire le deuil de sa colère ?
Du fait de son statut de femme au foyer, Pauline n'est pas tenue de se lever tous les matins pour se rendre au boulot et faire bonne figure. Elle dispose donc de tout son temps pour ruminer et psychoter entre 4 murs.
Pour cette seule raison-là, je pense qu'elle risque d'exaspérer plus d'une lectrice.
S'ajoute à cela le fait que sa "doulhaine" devient obsessionnelle et la rend complètement égocentrique.
A aucun moment Pauline ne se remet en question, n'essaie de comprendre comment son couple s'est cassé la gueule, n'interroge son ex-mari sur ce qui s'est passé.
On ne saura d'ailleurs rien de lui, si ce n'est qu'il est le méchant de l'histoire, ni de sa meilleure amie.
Cette absence de contextualisation et de développement des personnages secondaires m'ont dérangée.

Pauline m'est apparue de moins en moins sympathique, malgré ses efforts pour se reconstruire.
Alors qu'au départ je me sentais unie à elle par une franche solidarité féminine, j'ai fini par ne plus voir en elle qu'une petite fille trop gâtée qui faisait un gros caprice et à me désolidariser de sa cause.
Pour ce qui est de la fin, hum...je ne l'ai pas vue venir et je dois dire qu'elle m'a franchement déçue.
Je ne regrette pas cette lecture pour autant, parce qu'il y a de bonnes idées (l'image de la balançoire, le recours au théorème de Schrodinger), que j'ai adoré le personnage de la mère psy maladroite et parce que quand j'arrivais à faire abstraction de l'égocentrisme de Pauline, j'ai pu apprécier de nombreux passages cyniques et drôles à souhait.
Néanmoins, j'en attendais malheureusement plus de ce roman.


D'autres avis : Clara - Liliba - Leiloona 

Je remercie Emmanuelle Urien de m'avoir envoyé son roman.

13 avril 2013

La mort d'Ivan Ilitch - Léon Tolstoï


Publiée en 1886, "La mort d'Ivan Ilitch" est une nouvelle née sous la plume de l'écrivain russe Léon Tolstoï, notamment célèbre pour ses romans "Anna Karénine" et "Guerre et Paix".

" Plus la vie avançait, plus elle devenait mortelle." p.104

Ivan Ilitch, conseiller à la Cour d'Appel, est mort à l'âge de 45 ans des suites d'une maladie incurable. L'occasion de retracer les grandes lignes d'une existence "très simple, très ordinaire, et très effrayante".
Avant de tomber malade, Ivan Ilitch pouvait se targuer d'un parcours de vie sans embûches mais sans éclat particulier. Ayant épousé sans plus de conviction Prascovia Fiodorvna, il était avant tout marié à son travail, chose bien commode lorsqu'il s'agissait d'échapper aux disputes lancées par sa femme.
L'arrivée de la maladie et surtout l'éventualité de la mort qui l'accompagne le font complètement reconsidérer tout ce qu'il a autour de lui.
C'est que plein d'insouciance et avec l'assurance de toujours faire les choses comme il faut, il n'avait jamais songé à la mort comme un phénomène susceptible de le concerner un jour.
Au delà de la douleur physique, l'homme souffre surtout de la solitude, constatant que son épouse le tient pour responsable de son état, que ses enfants ne semblent pas en être affectés et que ceux qu'ils pensaient être ses amis l'apprécient plus par intérêt que pour le seul plaisir de sa compagnie.
Ivan Ilitch a toujours vécu dans le respect des convenances et constate avec chagrin que ses proches ont fait de même. Pourquoi ne lui témoignent-ils aucune pitié et entretiennent-ils cette illusion autour de sa maladie alors qu'ils le savent condamné ?
Comment peuvent-ils éluder la question de sa mort imminente alors que lui-même ne parvient pas à apprivoiser cette idée ?
Si Ivan Ilitch a toujours fait en sorte de se rendre aimable, était-il pour autant aimé ?
Le premier chapitre, consacré à la veillée funèbre, annonce d'emblée la couleur en dépeignant la cruelle hypocrisie ambiante dont était entouré le défunt.

" Etait-ce le matin, était-ce le soir, vendredi ou bien dimanche, tout cela était pareil, une seule et même chose : la même douleur lancinante, ininterrompue, torturante; la conscience que la vie s'écoulait, inexorablement, mais qu'elle était encore là ; que cette mort terrifiante se rapprochait toujours davantage, elle, qui était la seule réalité, et toujours les mêmes mensonges.
Que signifiaient alors les jours, les semaines et les heures de la journée ?" p.87

Pour ma première rencontre avec Tolstoï, j'ai préféré "commencer léger" et je dois dire que je suis plutôt satisfaite de ce choix dans la mesure où loin d'être ampoulé, le style de cette nouvelle s'est révélé accessible et fort agréable.
Le parcours d'Ivan Ilitch et surtout les angoisses et les questionnements qui se posent à lui au soir de sa vie m'ont inspiré un sentiment de tendre pitié.
Chacun de nous n'a qu'une seule vie et il arrive que des êtres se persuadent durant des années d'en connaître le sens pour finalement réaliser qu'ils étaient complètement à côté de la plaque ou pire, emportent sur leur lit de mort des questions restées sans réponses.
Une petite nouvelle qui donne à réfléchir sur notre propre sort le jour venu et sur nos réactions face à la disparition des êtres qui nous sont proches.
Une jolie découverte qui m'encourage à dépoussiérer mon exemplaire d'"Anna Karénine" :)








11 avril 2013

Crimes exemplaires - Max Aub



Publié en Espagne en 1957 et traduit en français en 1997, "Crimes exemplaires" est un recueil de courts textes rédigés par l'écrivain espagnol d'origine allemande Max Aub.

"Crimes exemplaires" rassemble près de 130 confessions émanant d'êtres ayant laissé libre court à leurs pulsions meurtrières.
Les protagonistes comme les victimes sont anonymes, ces dernières ayant pour seul point commun de s'être trouvées au mauvais endroit au mauvais moment.
Toutes ont été assassinées pour des motifs divers, souvent futiles voire complètements absurdes, en réaction à une situation jugée injuste et insupportable.
Les coupables n'expriment aucun repentir et ne tirent aucune fierté de leur geste, justifiant celui-ci comme résultant d'une exaspération passagère qui a dérapé.
Il n'est pas rare qu'une certaine fausse mauvaise foi s'invite entre les lignes.

" Je suis couturier. Je ne le dis pas pour me flatter, ma réputation est bien établie : je suis le meilleur couturier du pays. 
Cette femme tenait absolument à ce que je l'habille. Une fois arrivée chez elle, de son manteau elle se fit une veste et cela comme si c'était sa propriété absolue.
A ce vêtement vert elle assortit l'écharpe orange de son ensemble gris de l'année passée et des gants  couleur de rose.
Subrepticement j'ai attaché son voile à la roue de la voiture. Le démarrage a fait le reste.
C'est au vent seulement qu'on doit jeter la pierre." p.39

" Il m'a brûlé avec une cigarette, très fort. Je ne dis pas qu'il l'ait fait volontairement, mais la douleur est la même. Il m'a brûlé et m'a fait mal, j'ai vu rouge et je l'ai tué.
Moi non plus, je n'avais pas l'intention de le faire, mais j'avais cette bouteille à la main." p.41

La mort et le meurtre se répandent ici en tellement d'anecdotes que mis bout à bout, ces courts textes renvoient l'acte meurtrier à une certaine banalité, faisant de celui-ci un geste du quotidien aux raisons diverses.
C'est à peine si je me rendais compte de ce qui se passait que le crime était déjà commis. Ce qui ne m'a pas empêchée de sourire plus d'une fois en songeant à certaines situations qui auraient pu me pousser au meurtre (mon très bruyant ancien voisin par exemple ^^).
Tout est dit en quelques phrases ciselées dont se dégage une certaine impertinence, une insouciance toute enfantine.
Amateurs d'humour noir, cet ouvrage est à savourer :)

" Il m'avait éclaboussé de haut en bas. Ceci passe encore...Mais il avait surtout entièrement trempé mes chaussettes. Et ça ne je puis pas le supporter. Je n'y résiste pas. Pour une fois qu'un piéton tue un malheureux chauffeur, on ne va pas ameuter la terre entière." p.102

9 avril 2013

Un amour noir - Joyce Carol Oates


Publié aux USA en 1990 et traduit en français en 1993, "Un amour noir" est un roman de l'écrivaine américaine Joyce Carol Oates, notamment auteure des romans "Délicieuses pourritures", "Viol, une histoire d'amour", "Premier amour" , "Reflets en eau trouble" ou plus récemment de "Le Mystérieux Mr Kidder".

En 1912, chaque habitant de Milburn aperçut l'embarcation qui descendait le long de la rivière Chautauqua, avec à son bord un homme noir et une femme blanche unis par un même amour et un même désarroi.
Bien des années plus tard, la narratrice retrace le parcours de Calla Honeystone, la mère de sa mère qui après avoir perdu ses parents, se retrouve bien vite mariée à George Freilicht avec lequel elle aura trois enfants en trois ans.
Le couple n'est pas heureux. C'est à peine si Calla s'occupe de ses enfants, préférant s'éloigner de la maison dès que possible et errer dans les bois de longues heures durant.
Le temps s'écoule inlassablement jusqu'à sa rencontre avec Tyrell Thompson, un sourcier dont la couleur de peau est loin de plaire à tout le monde...

Portrait bien étrange que celui de Calla, jeune fille rebelle encaissant les coups sans broncher durant l'enfance, mariée ensuite à un homme peu aimable auquel elle finit par céder par compassion et par orgueil.
L'occasion pour Oates d'évoquer à nouveau la question de la sexualité qui chez elle n'est jamais chose évidente, naturelle. Pas de consentement mutuel mais toujours une lutte, un rapport de force plus ou moins violent d'un roman à l'autre.
Comme toujours chez l'auteure, le récit prend place dans l'état de New-York dont les paysages vallonnés et sombres, les falaises, les chutes et courants dangereux, ces décors de légendes, ne présagent jamais rien d'heureux.
D'autant que ce début de 20ème siècle est marqué par un racisme tel que Calla et Tyrell seront rapidement traités comme des parias, soumis aux ragots puis à la vindicte populaire.
Des parents et des voisins dont on entend - en italique dans le texte comme dans "Viol une histoire d'amour" - les chuchotements au loin.

" Comment ose-t-elle : comme une vulgaire putain; de la racaille blanche; et ce nègre, noir comme le péché, comme s'il avait surgi du fin fond de la terre, c'était bien le genre à vous couper la gorge sans poser de questions, oui, et à essuyer son couteau sur vos vêtements une fois le crime commis." p.70

La fin de ce roman, qui se présente à la fois comme un ultime pied de nez et une défaite, est comme on peut s'en douter, d'une criante injustice...
J'ai éprouvé un certain mal à saisir le personnage de Calla, d'un naturel sauvage et étrange, qui semble toujours ailleurs, absente de sa vie dont elle n'a rien choisi et qui ne la concerne en rien.
En revanche, j'ai été révoltée par toute l'intolérance et la cruauté entourant son couple avec Tyrell.
Une situation qui m'a d'ailleurs renvoyée à un autre débat, toujours d'actualité...


" Car, dans ce monde, l'image que l'homme donnait de lui était acceptée à l'intérieur de certaines limites par ses propres ennemis, de même que le cheval de course de la race la plus pure - peu importe sa beauté, sa vigueur, son courage, sa rapidité - a pour limites définies l'intolérable confinement du corral ou de la prairie où ses propriétaires l'ont mis de force." p.96





7 avril 2013

Journal d'un tueur sentimental et autres histoires - Luis Sepulveda


Publié au Chili en 1997 et traduit en français l'année suivante, "Journal d'un tueur sentimental et autres histoires" est un recueil composé de 3 nouvelles rédigées par l'écrivain chilien Luis Sepulveda, notamment auteur de "Le Vieux qui lisait des romans d'amour", "Monde du bout du monde" ou encore "Neveu d'Amérique".

"Journal d'un tueur sentimental" dresse en 6 jours le portrait d'un tueur à gages professionnel qui pour la première fois de sa vie s'entiche d'une femme et se demande si sa prochaine cible mérite vraiment la mort.
Dans "Hotline", parce qu'il a osé ouvrir le feu sur le fils d'un haut dignitaire chilien, George Washington Caucaman, habitué à traquer les contrebandiers de bétail, est muté à Santiago pour y exercer un tout autre genre de travail : enquêter sur une ligne de téléphone rose...
"Yacaré" ou les magouilles de la maroquinerie Brunni. A la mort de Don Vittorio Brunni, les assurances helvétiques dépêchent l'agent Contreras afin de déterminer la cause exacte du décès.
Il faut dire que le célèbre PDG avait contracté une grosse assurance-vie dont le bénéficiaire n'était autre qu'un certain Manaï, un sorcier vivant au fond de l'Amazonie.
Contreras se fait aider par l'inspecteur Chielli pour lever le voile sur cette mort on ne peut plus suspecte...

Je garde encore un très bon souvenir du "Vieux qui lisait des romans d'amour" et je dois dire que ma lecture de ces 3 nouvelles a renforcé mon envie de prolonger ma découverte de cet auteur !
Les 3 personnages dont il est question ici sont des durs à cuire qui agissent en solo, des gachettes faciles qui ne manquent pas de franc-parler et qui, si elles se laissent parfois distraire par les atouts de la gente féminine, n'en oublient jamais leurs objectifs pour autant.

" - Tu as pu dormir ? a-t-elle poursuivi sur un ton préoccupé.
- Bien sûr. Une métisse m'a pris cent mille pesetas et un demi-litre de sperme. C'est mieux que le Valium, lui ai-je indiqué sans vouloir être pédagogue.
- Ca fait trois jours que je n'arrive pas à fermer l'oeil, a-t-elle avoué en sanglotant.
- Je regrette. Je ne peux pas te baiser par téléphone, mais si c'est ça ton problème tu peux te servir de l'American Express pour te payer un gigolo mexicain, lui ai-je conseillé avant de raccrocher, mais la courte distance entre mon oreille et le téléphone n'a pas réussi à empêcher que la cabine se remplisse de ses pleurs et de ses "mon amour écoute-moi s'il te plaît", qui se sont collés à ma peau avec la même insistance que la sueur." p.21

" - Je ne peux pas l'éviter, mais vous ne serez chargé d'aucune affaire. Je vous répète que nous n'avons rien contre vous, mais j'en veux beaucoup à l'imbécile qui vous a affecté à notre service. Vous savez que pas une femme agressée n'aura confiance en un homme, et encore moins un Mapuche.
Pardonnez-moi, mais c'est la réalité. Vous pouvez nous donner un coup de main pour beaucoup de faits mais pas pour une affaire.
- Nous les Indiens, nous sommes des optimistes, commissaire. Je vous assure que bientôt un camionneur violé par une bande de bonnes soeurs de Charité va arriver et ça ce sera une affaire pour moi." p.73

Il faut dire qu'il faut être assez robuste lorsqu'on baigne dans des milieux peu recommandables.
Au delà de cette apparente légèreté, Sepulveda nous plonge dans une ambiance qui flaire bon l'ancien régime et les complots politiques et écologiques au parfum de scandales.
Aussi attendez-vous à croiser à chaque ligne autant de molosses armés, mafieux, empoisonneurs, trafiquants, braconneurs sans scrupules. Un bon concentré d'Amérique du sud en somme :)

D'autres avis : Kathel - Alex

5 avril 2013

Ecrivain (en 10 leçons) - Philippe Ségur


Publié en 2007, "Ecrivain (en 10 leçons)" est un roman de l'écrivain français Philippe Ségur, notamment auteur de "Métaphysique du chien", "Autoportrait à l'ouvre-boîte" ou plus récemment de "Le rêve de l'homme lucide".

Phil Dechine se voit comme un super-héros manqué. Arrivé à la trentaine, il se lève à l'aube et s'attèle à la rédaction de son premier roman, non sans mal puisque le téléphone n'arrête pas de sonner et que sa femme lui reproche son oisiveté.
Une fois son roman terminé, il accumule les lettres de refus sans toutefois se laisser démonter. Après tout, beaucoup d'auteurs n'ont bénéficié que d'une notoriété tardive.
Son obstination finit par payer au bout d'un an, lorsqu'un éditeur consent enfin à le publier.
Commencent alors les rencontres avec les lecteurs et les critiques, les émissions télé, les salons littéraires et miracle...voilà que "Métaphysique du dog" décroche le prix Mirabeau des vétérinaires.

" L'écran de télévision ? Une ligne de démarcation entre deux maladies psychiatriques. Devant, vous êtes voyeur, derrière, vous êtes exhibitionniste. L'intérêt de publier un livre est généralement de vous guérir de la première pathologie en vous faisant contracter la seconde." p.123

C'est plus fort que moi, dès qu'il est question d'un personnage d'écrivain dans un livre, je ne peux m'empêcher de me procurer le titre en question.
Bon, ne tournons-pas autour du pot, j'ai détesté ce roman.
Si Phil est assurément un grand rêveur, il est aussi un homme fantasque, égocentrique, irresponsable et complètement mégalo.
Tout au long de ce roman, j'ai plaint sa femme d'avoir à supporter au quotidien ce guignol et à se coltiner toutes les corvées pour ne pas sacrifier au "génie" de son mari lequel, comme par un heureux hasard, est aussi un grand paranoïaque du téléphone (bien commode pour ne pas en toucher une).
Rien ne l'arrête, pas même les critiques, puisque de toute façon il ne cesse de ré-interpréter la réalité à son avantage.

" Ma chérie, je m'écriais. Tu ne comprends pas ce que ça signifie ? Gallimard m'a écrit ! Et pas n'importe qui, pas le portier, pas un vulgaire secrétariat ! Le secrétariat littéraire !
- Sans doute, mais ils ne veulent pas de ton livre.
- Mais ça ne fait rien, ça. C'est pas grave. Puisqu'ils m'ont écrit. Gallimard, tu ne te rends pas compte ! L'éditeur de George-Patrick Stendhal ! L'auteur de La Saga des escogriffes ! Tu ne te rends pas compte !
- Je me rends compte qu'ils ne te publieront pas.
- Mais c'est seulement une question de ligne éditoriale ! Regarde, c'est marqué là ! Ce n'est qu'une divergence momentanée ! Tu n'imagines pas la portée de la chose ! Il suffit que demain, ils changent de ligne éditoriale et c'est bon ! " p.57
Phil Dechine, c'est un peu le Frank Dubosc de la littérature, un type insupportablement bidon (Souchon m'a accompagnée durant près de deux heures) qui parce qu'il a réussi à torcher un roman de 85 pages, s'y croit et prend des attitudes en enchaînant les running gags.
Alors bien sûr, ce roman nous renvoie à quelques vérités sur le milieu de l'édition (hypocrisie ambiante, superficialité, ennui des auteurs méconnus durant les salons) mais rien de neuf sous le soleil.
Je n'ai pas senti l'auto-dérision entre les lignes, plutôt l'humour lourd de l'auteur, qui loin de rendre son personnage drôle et attachant en fait l'incarnation de l'insupportable (mais peut-être était-ce le but ?).


3 avril 2013

Labyrinthe des sentiments - Tahar Ben Jelloun


Publié en 1999, "Labyrinthe des sentiments" est un roman de l'écrivain marocain de langue française Tahar Ben Jelloun, notamment auteur des romans "L'Enfant de sable", "La Nuit sacrée" ou de "Le Racisme expliqué à ma fille".

En visite à Naples à l'occasion d'un récital de poésie qu'il anime, Gharib fait la connaissance de Wahida et de sa cousine Sakina, deux jeunes marocaines venues trouver exil dans la vieille ville.
Intrigué par Wahida qui lui rappelle tant son premier amour perdu trente ans plus tôt, Gharib la prend sous son aile, l'emmène au musée, lui fait découvrir la poésie mais malgré son désir pour elle, repousse toutefois ses avances.
Un voeu d'abstinence qui se heurte à la vision des hommes que connaît la jeune femme, habituée à ce que ceux-ci ne lui témoignent ni respect ni refus.
Lorsque celle-ci disparaît pour rejoindre la branche albanaise de la Camorra, Gharib prend conscience de ses véritables sentiments pour elle.

"Le souvenir d'une douleur est aussi une douleur" écrit Tahar Ben Jelloun. Le chagrin de Gharib, même après plusieurs décennies, est encore très vif. Bien sûr, il y a eu d'autres visages, d'autres corps mais depuis "Gazelle", aucun n'avait plus exercé sur lui la même fascination que celle qu'il éprouve au contact de Wahida.
Gharib et Wahida sont deux êtres que tout oppose. Lui, beaucoup plus âgé, se réfugie dans les mots, dans la contemplation de la beauté, dans l'art là où la jeune Wahida n'a soif que de vie et d'amour vrai.
Ayant basculé tôt dans la prostitution, elle est arrivée à Naples en compagnie de sa cousine et d'un homme d'affaires du Proche-Orient qu'elle pensait épouser. Mais c'est une toute autre réalité qui l'attend.
Aussi lorsqu'elle rencontre Gharib, elle voit en lui un homme respectueux, digne de confiance et d'une très grande sensibilité, le seul capable de l'aimer sans intérêt aucun. Mais Gharib se croit incapable de lui offrir cet amour trop grand pour lui et ne lui concède qu'un amour platonique.

Une histoire qui m'a beaucoup fait penser à "Mémoire de mes putains tristes".
Récit d'un amour avorté, "Labyrinthe des sentiments" prend place dans une Naples toute en contrastes, personnage à part entière, une ville bruyante, corrompue, sale, encore largement marquée par le séisme de 1980, mais une ville qui au détour d'une ruelle, peut être le théâtre de la poésie, de l'art et de l'amour.
Au milieu de cette ambiance désolée, entre Paradis et Enfer, violence et beauté, deux êtres, l'un trop sanguin, l'autre trop raisonnable se perdent dans le dédale de leurs sentiments.

Et le résultat est très beau sur le moment. Délicat et poétique (de jolis vers de Gharib et de nombreux dessins au fusain d'Ernest Pignon parsèment d'ailleurs le roman).
Ceci dit, je ne pense pas que je conserverai ce roman longtemps en mémoire. Peut-être m'aura-t-il tout de même manqué quelque chose. Il faut dire que le texte est assez court (146 pages).

" Wahida était une image qui se superposait à une autre image, en se décalant un peu. J'étais persuadé qu'il fallait revisiter avec elle les lieux de l'amour. Sa présence était pour moi comme le reflet d'un souvenir, l'ombre d'une histoire, le double d'une image qui flottait dans le vent.
Chacun de nous garde secrètement au fond de lui-même un amour qu'il aurait aimé vivre. Ce fut le visage de Wahida qui réveilla ce désir au point d'y croire, confondant la réalité napolitaine et l'imaginaire lointain, non situé, un imaginaire de tous les espaces et de toutes les époques.
Naples me fait souvent cet effet : me renvoyer à mes fantaisies, m'éloigner du réel ou le confondre avec des images venues d'ailleurs.
Naples crée chez moi un besoin d'exorciser le passé."

1 avril 2013

Le vieil homme et la mer - Ernest Hemingway


Publié aux USA en 1951 et traduit en français l'année suivante, "Le vieil homme et la mer" est un roman de l'écrivain américain Ernest Hemingway, notamment auteur de "Pour qui sonne le glas", "Le Soleil se lève aussi" ou encore "Paris est une fête".
Dernier texte publié de son vivant, "Le vieil homme et la mer" lui valut le prix Pulitzer en 1953 et le Nobel de littérature en 1954.

En 84 jours, le vieux Santiago n'a pas pêché un seul poisson. Le jeune Manolin, qui l'accompagne d'ordinaire lors de ses sorties en mer, s'est vu forcé par ses parents de rejoindre un "bateau qu'a de la veine".
Le 85ème jour, le vieux pêcheur décide que c'en est trop et part seul en mer avec la ferme intention de ne pas rentrer bredouille.
Au bout de quelques heures, il semble avoir fait une sacrée touche. Mais comment harponner cet énorme espadon qui mesure deux pieds de plus que sa barque ?

Encore un classique qui traînait désespérément dans ma PAL sans que je ne puisse vraiment dire pourquoi...
Ai-je apprécié ce court roman ? Oui mais... J'ai beaucoup aimé la complicité qui lie Santiago au petit Manolin et la tendresse de ce garçon pour ce vieux bonhomme, ce "grand-père" envers lequel il se sent responsable.
J'ai aussi apprécié la compagnie de Santiago, un pêcheur expérimenté qui va pourtant courir tous les risques pour ramener sa carcasse, son poisson et son honneur sur la terre ferme.
Livré à lui-même très loin du rivage, au gré des caprices de la météo et du monde sauvage, il passera néanmoins 3 jours et 2 nuits à traquer ce gros poisson jusqu'au bout, repoussant sans cesse les limites imposées par son corps fatigué et endolori.
En ce sens, "Le vieil homme et la mer" s'interprète comme une fable sur le dépassement de soi.

" Faut bien dire que c'est pas juste, pensa-t-il, mais je lui ferai voir tout ce qu'un homme peut faire, et tout ce qu'un homme peut supporter."
- J'ai dit au gamin que j'étais un drôle de bonhomme, dit-il. C'est le moment ou jamais de le prouver.
Qu'il l'eût déjà prouvé mille fois, cela ne signifiait rien. Il fallait le prouver encore.
Chaque aventure était nouvelle. Dans l'action le vieux ne pensait jamais au passé." p.76

Mais il est aussi le récit d'une rencontre, plus qu'un duel, entre un homme et un poisson plutôt coriace qui détourne quelque peu Santiago de sa solitude.
Entre eux s'instaure une forme de respect, de dialogue, même si l'on sait qu'un des deux finira bien par devoir lâcher l'affaire.
Ma déception ne concerne donc ni l'histoire ni le message mais plutôt l'écriture que j'aurais crue plus travaillée, étant donné les prix remportés par ce roman.
En même temps, je dois bien reconnaître que c'est justement ce style simple qui contribue à conférer à Santiago son caractère authentique et à le rendre attachant aux yeux du lecteur.
Du coup me voilà bien embêtée mais néanmoins curieuse de découvrir un autre roman d'Hemingway.


L'avis de  Lili Galipette