29 janvier 2014

Le combat ordinaire (tomes 1 à 4) - Manu Larcenet


"Le Combat ordinaire" est une série en 4 tomes - publiés entre 2003 et 2008 - écrite et illustrée par le français Manu Larcenet.

Cette série met en scène Marco, jeune photographe angoissé et volontairement sans emploi, qui décide de mettre fin à 8 ans de thérapie.
Il partage son quotidien entre sa maison de célibataire à Paris, son frère "Georges", fan de jeux vidéos et accro aux joints, et ses parents restés en Bretagne.
Aux prises avec de fréquentes angoisses, il redoute les autoroutes et la mort de ses parents (son père perd de plus en plus la mémoire), n'apprécie pas qu'on bouscule ses habitudes et se montre allergique à toute forme d'engagement.
Lorsque son chat Adolf est blessé par le chien de son voisin, Marco l'emmène dans un cabinet vétérinaire et y rencontre Emilie...

Ca doit bien faire 3 ans que l'Homme me presse de découvrir cette série, au point que la semaine dernière, il a fini par me la déposer en plein milieu de mon bureau ^^
Je ne suis pas étonnée du succès de cette série dont les sujets évoqués parleront à peu près à tout le monde.
A travers le portrait et l'évolution de Marco, Larcenet décrit les différentes étapes qui jalonnent la vie de gens ordinaires comme vous et moi : maladie, disparition d'un proche, perte d'ambition professionnelle, phobie de l'engagement, névroses, paternité,...
L'auteur nous rappelle que nous vivons dans une société dont le sens nous échappe souvent.
"Le combat ordinaire" prend place dans la France des années Chirac, l'occasion de nous replonger dans une réalité sociale inquiétante ponctuée par la montée du Front National.
Le chantier naval va être rasé et Marco, fils d'un des ouvriers à la retraite, tente, à travers ses photos, d'éveiller une conscience sociale mais se heurte au défaitisme ambiant.
Difficile pourtant de ne pas compatir au sort de ces hommes courageux et rangés au placard par une main d'oeuvre immigrée plus jeune et moins coûteuse.


                                              

J'ai d'ailleurs beaucoup aimé ces portraits d'hommes dotés de vraies gueules ainsi que les différents échanges entre Marco et l'ancienne génération (coup de coeur pour le personnage de sa mère !).



J'ai été quelque peu déconcertée au départ par les traits enfantins de Marco et Emilie censés être de jeunes adultes. Mais il est vrai que l'auteur a pris soin, d'ellipse en ellipse, de les vieillir un peu plus dans chaque tome.
Le personnage de Marco est vraiment attachant et beaucoup plus profond qu'il en a l'air. Entre moments heureux et crises d'angoisses représentées en rouge et noir, les pages en sépia se déclinent en considérations sur l'art, la photographie, la politique, l'éthique, les leçons amères tirées de l'Histoire, la psychologie et nombre de questions que tout un chacun se pose durant sa vie.


Une oeuvre au coeur de l'humain, en ce qu'il a de plus ordinaire et de plus complexe et qui mêle habilement sombre réalité et humour.
Je vous la recommande vivement !

Seconde participation à la bd du mercredi chez Mango

Logo BD noirLogo BD rouge


27 janvier 2014

Alice et autres nouvelles - Anaïs Nin et ses amis


"Alice et autres nouvelles" est une compilation de 7 nouvelles généralement attribuées à "L'Organization", un collectif d'auteurs réunis notamment autour d'Anaïs Nin et Henry Miller, qui rédigeait des nouvelles à caractère érotique pour un dollar la page durant la Grande Dépression.

Peter rencontre "Alice", belle et jeune danseuse dont il attend impatiemment qu'elle lui accorde ses faveurs. Lors d'une promenade dans une clairière, tous deux surprennent un couple en pleins préliminaires et sa cachent pour les épier.
Surpris à leur tour par les amants, ils se joignent à eux...
"Esmeralda" s'apprête à perdre sa virginité avec un soldat, non sans quelque appréhension.
"Souvenirs" ou les découvertes sexuelles d'un très jeune garçon envoyé en pension.
Monsieur Thomson, sans rien en laisser paraître, succombe aux charmes de "Florence".
Malheureusement pour lui, la jeune femme n'a d'yeux que pour Horace, le nouvel employé de bureau.
Un soir, Monsieur Thomson les surprend au bureau alors qu'Horace vient de dépuceler la jeune femme. Il vole à son secours pour finalement craquer à son tour...
Un homme évoque la beauté de l'acte sexuel dans "Des jeunes filles et de leur con". Un autre se laisse aller à ses fantasmes, imaginant la femme qui saura pleinement le satisfaire dans "Je veux une femme".
"Le membre d'or" ou le récit d'un homme très porté sur le sexe et qui se montre prêt à tout pour arriver à ses fins.

" Ma main était entre ses ravissantes cuisses, et la façon dont elle réagissait à ses attentions me prouva que je n'avais pas oublié comment jouer de cet instrument qui, habilement stimulé, prolonge dans le corps d'une femme les échos d'une harmonie divine."

Comme j'étais curieuse de découvrir l'écriture de la sulfureuse Anaïs Nin et que je n'avais pas envie de m'attaquer directement à son imposant journal, je me suis dit que ce recueil représentait le format idéal.
A ce moment-là, j'ignorais que la paternité de ces textes prêtait à discussion.
Si vous êtes en quête de textes poussés voire pornographiques, sachez que vous serez sans doute déçus.
En effet, bien qu'elles aient certainement fait scandale à l'époque, ces nouvelles s'avèrent assez soft en regard de la production actuelle.

Hormis une scène échangiste, les situations décrites sont plutôt conventionnelles. Pour être claire, Anaïs Nin et ses amis ne revisitent pas plus le Kamasutra que le SM.
La seule nouvelle qui m'ait interpellée est "Souvenirs" dont je n'ai pas du tout apprécié le caractère pédophile...

Il est principalement question ici d'éducation sexuelle, de l'éveil au désir et à la sexualité de jeunes femmes vierges mais pas très farouches.
Confrontées à des hommes d'expérience qui se montrent insistants (certains pourraient même être qualifiés de "prédateurs"), elles cèdent assez rapidement à leurs avances (parfois aussi grâce à quelque alcool...).
Lascives, elles s'abandonnent toutes entières à leur volonté et à leur plaisir.
En fait, pour ce qui est du fond, ces nouvelles racontent toutes à peu de choses près la même histoire et se concluent par le même type de fin (Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'orgasmes). De quoi rappeler que ces textes étaient produits "à la chaîne".
Cela ne leur ôte toutefois pas tout leur intérêt car non seulement ces textes, si ils ne sont pas exempts de quelques clichés machos, échappent au grotesque que l'on rencontre malheureusement souvent dans la littérature érotique.
Mais ils sont également fort bien écrits, emplis d'une belle poésie qui sait dire la volupté et la montée du désir, bien au-delà d'une vision purement "technique" de l'acte sexuel....

http://www.milleetunefrasques.fr/challenge-classiques-la-page/



22 janvier 2014

Une vie à écrire - Félix & Liman



Publié en mai 2013, "Une vie à écrire" est un album écrit par Jérôme Félix et illustré par Ingrid Liman.
Il se présente comme la suite de l'album "Hollywood Boulevard" paru en 2009.


Mais attention n'allez pas acheter les deux car "Une vie à écrire" comprend à la fois "Hollywood Boulevard" et sa suite.

Surnommé "Biglouche", le jeune fermier texan Billy Bob n'a pas vraiment la cote auprès des femmes.
Depuis deux ans, il écrit en secret un roman d'amour diffusé sous la forme de feuilletons dans la gazette locale.
Billy Bob attend impatiemment la parution de l'épisode final car le rédacteur en chef lui a promis que son nom y serait enfin dévoilé.
Or ce dernier manque à sa parole et sur un coup de tête, Billy emprunte de l'argent à ses parents et part chercher le succès à Hollywood.
En chemin, il rencontre Scarlett, jeune femme paumée qui se donne facilement aux hommes pour avoir de quoi survivre et à laquelle il propose son aide.
Mais Scarlett lui dérobe tout son argent avant de disparaître sans laisser de traces.
Alors que la jeune femme se fait repérer par un producteur qui voit en elle sa Cléopâtre, Billy se fait engager comme scénariste de la vie des stars...

Billy et Scarlett caressent tous les deux le rêve d'une vie paisible et sans dettes mais on ne peut pas dire qu'Hollywood soit le meilleur moyen d'y parvenir.
Faute d'autre choix, Billy, pourtant plein de principes, accepte de scénariser la vie sentimentale des stars, ceci afin de maintenir l'intérêt du public pour les icônes des studios National Pictures.
Encensé dans ce nouveau rôle, il se laisse aller à quelques tentations.
Bien que se sachant incapable de jouer la comédie, Scarlett se laisse également prendre au jeu, séduite par un cachet d'actrice qui lui offrirait enfin un nouveau départ.
Mais il n'est pas si facile d'échapper au grand patron Harry Sulpice et encore moins à la mafia qui subventionne les studios...A croire que tout semble écrit d'avance...

Jérôme Félix et Ingrid Liman dressent un portrait assurément peu flatteur des coulisses du cinéma hollywoodien des années 30. Un milieu pourri fait de belles promesses d'argent facile et au sein duquel "tout le monde profite de tout le monde".
Inutile de dire que lorsqu'on est une femme, il est vivement recommandé de coucher pour avoir une chance d'approcher un plateau.
Je me suis réellement attachée aux deux personnages principaux (et particulièrement à Scarlett et sa personnalité de feu), que l'on sent intègres mais capables de faiblesse (humains quoi ^^) et durant ma lecture j'espérais sincèrement qu'ils n'aient pas trop à souffrir de leurs désillusions.
De manière générale, j'ai beaucoup aimé la première partie de cet album pour son rythme, son scénario accrocheur et l'élégance du trait d'Ingrid Liman (même si j'ai trouvé que l'ambiance années 30 aurait pu être plus marquée).
Par contre, une fois arrivée à la seconde moitié, j'ai senti que la cadence accélérait trop vite et j'ai trouvé la fin vraiment mais vraiment trop vite pliée (particulièrement la transition de l'avant-dernière à la dernière page).

Une lecture que je ne regrette pas mais dont j'attendais davantage.






Première participation (et pas la dernière) à la bd du mercredi chez Mango

Logo BD noirLogo BD rouge


19 janvier 2014

L'extravagant voyage du jeune et talenteux T.S Spivet - Reif Larsen



Publié aux USA en 2009 et traduit en français l'année suivante, "L'extravagant voyage du jeune et talenteux T.S Spivet" est le premier roman de l'écrivain américain Reif Larsen.
Ce roman a récemment fait l'objet d'une adaptation cinématographique réalisée par Jean-Pierre Jeunet.



Le jeune T(ecumseh) S(ansonnet) Spivet vit dans un ranch du Montana entouré de sa mère le Dr Clair, coléoptériste, de son père rancher et de sa soeur Gracie.
A 12 ans à peine, T.S dessine absolument tout ce qui est à sa portée dans des cahiers soigneusement classés par couleur et numérotés, qu'il s'agisse d'insectes, de cartes topologiques ou géographiques ou encore de "schémas de gens en train de faire des choses".
Lorsqu'il reçoit un coup de fil lui annonçant qu'il a remporté le prestigieux prix Baird du musée Smithsonian pour la popularisation de la science et qu'il est attendu à Washington pour prononcer un discours, T.S embarque à bord d'un train de marchandises de l'Union Pacific...

Voilà un roman pour le moins singulier autour duquel je tournais depuis sa sortie, sans pour autant me décider à l'acheter, même lors de sa parution en poche.
Il faut dire que j'étais davantage intriguée par les nombreux schémas et dessins qui parsèment le récit et par la magnifique mise en page que par l'histoire qui ne me semblait pas vraiment faite pour moi.
Lorsque j'ai aperçu ce titre dans la sélection de Babelio pour l'opération Masse critique dédiée aux littératures de l'imaginaire, je me suis dit que c'était là l'occasion de découvrir enfin ce livre.
Je ressors de cette lecture avec un avis on ne peut plus mitigé. "L'extravagant voyage du jeune et talenteux T.S Spivet" est un roman follement ambitieux (comme c'est souvent le cas des premiers romans) et vertigineux, fascinant (ou rebutant) de précision.


" Maman, est-ce que l'herbe peut me donner le sida ? avait un jour demandé Layton.
- Non, avait répondu le Dr Clair. Seulement la fièvre pourprée des Rocheuses.
Ils étaient en train de jouer à l'awalé. J'étais sur le canapé, occupé avec une de mes cartes.
- Est-ce que je peux donner le sida à l'herbe ? avait demandé Layton.
- Non, avait dit le Dr Clair
Tac tac tac avaient fait les petites pièces de verre dans les réceptacles en bois.
- Tu as déjà eu le sida, toi ?
Le Dr Clair avait levé les yeux. Qu'est-ce que c'est que toutes ces questions sur le sida, Layton ?
- Je ne sais pas, avait répondu Layton. C'est juste que je veux pas l'attraper.
Angela Ashworth a dit que c'était très dangereux et que je l'avais sûrement.
Le Dr Clair a regardé Layton. Elle tenait au creux de sa main ses pièces d'awalé.
- La prochaine fois qu'Angela Ashworth te dit quelque chose comme ça, réponds-lui que ce n'est pas parce que sa condition de petite fille dans une société qui fait peser sur ses semblables une pression démesurée afin qu'elles se conforment à certains critères physiques, émotionnels et idéologiques - pour la plupart injustifiés, malsains et tenaces - lui ôte toute confiance en elle qu'elle doit reporter sa haine injustifiée d'elle-même sur un gentil garçon comme toi.
Tu fais peut-être intrinsèquement partie du problème, mais ça ne veut pas dire que tu n'es pas un gentil garçon avec de bonnes manières, et ça ne veut absolument pas dire que tu as le sida.
- Je ne suis pas sûr de pouvoir tout me rappeler, avait répondu Layton.
- Alors, dis à Angela que sa mère est une grosse plouc alcoolique de Butte. " p.37


La première partie nous entretient de la relation entre le jeune garçon et son étrange famille qui comme l'évoque la quatrième de couverture rappelle effectivement ces familles de l'Amérique profonde tel les Hoover dans "Little Miss Sunshine".
Entre sa soeur qui rêve de devenir actrice et de quitter leur trou paumé, sa mère qui traque la cicindèle vampire, une espèce disparue, depuis des années et un père un peu rustre nostalgique du Far West, chacun vit dans son monde.
La communication entre eux s'avère minimale, d'autant que plane encore le souvenir de Layton, le frère aîné de T.S dont la mort survenue un an plus tôt a laissé chez le jeune garçon un lourd sentiment de culpabilité.

Arrivée à la seconde partie, je m'attendais à des descriptions détaillées des états et des villes parcourues par T.S, qui sait à quelques rencontres insolites, mais comme il ne quitte pas souvent le train, il est surtout question de ses réflexions de génie précoce.
Comme mentionné plus haut, le récit est annoté de schémas, dessins, tableaux, présentés comme des ramifications de la pensée de T.S mais qui m'ont hélas souvent fait l'effet de digressions ennuyeuses.
Heureusement j'ai tenu bon grâce aux passages consacrés à son arrière arrière grand-mère Emma Osterville, petit génie des sciences elle aussi, qui présente de nombreux points communs avec T.S.
Quel dommage d'ailleurs que son histoire ait été coupée avant que l'on puisse comprendre la raison de son choix de vie !

La troisième partie signe quant à elle l'arrivée de T.S à Washington où l'on ne s'attend absolument pas à accueillir un enfant. Toute la communauté scientifique du Smithsonian est en émoi et se montre avide de se servir du jeune homme pour attirer l'attention du gouvernement sur la recherche.

Mon sentiment à l'issue de cette lecture est que j'ai davantage eu l'impression de voyager dans le cerveau de T.S Spivet que de l'ouest à l'est des USA.
Certes l'immersion est totale et les détails ne manquent pas pour saisir au mieux la personnalité, les capacités et les angoisses de ce jeune garçon soucieux de donner du sens à toute chose. Si ses connaissances le hissent souvent dans le monde adulte, il reste malgré tout un enfant qui n'a pas perdu toute son insouciance (j'ai trouvé étonnant que malgré sa curiosité, il croit encore aux cigognes :))

" J'ai alors compris que les adultes, à la différence des enfants, étaient capables de s'accrocher à certains sentiments négatifs, même quand l'événement qui les avait suscités était passé depuis longtemps, même quand les cartes postales avaient été envoyées, les excuses présentées, et que tout le monde avait tourné la page.
Les adultes étaient des entasseurs pathologiques de vieilles émotions inutiles." p.304


Mais, dans la mesure où T.S catégorise et schématise pour ainsi dire tout, je me suis souvent retrouvée abrutie par un flot d'informations délivrées en continu et à l'utilité discutable.
Un roman un peu trop "fourre-tout" à mon goût et que je n'ai peut-être pas réussi à apprécier à sa juste valeur.

Je remercie Babelio de m'avoir envoyé ce roman dans le cadre de l'opération Masse Critique consacrée aux littératures de l'imaginaire.




D'autres avis : Manu - Lili GalipetteKarine:)

10 janvier 2014

Mauvais genre - Chloé Cruchaudet




En librairie depuis novembre 2013, "Mauvais genre" est un album écrit et illustré par la française Chloé Cruchaudet qui s'est librement inspirée du roman "La garçonne et l'assassin" de Fabrice Virgili et Danielle Voldman.

Basé sur la véritable histoire du couple formé par Louise Landy et Paul Grappe, "Mauvais genre" s'ouvre sur un mystérieux procès puis retrace le parcours de cet homme ayant fuit les tranchées pour survivre et rester auprès de sa femme.
Forcé de se cacher jour et nuit dans une chambre d'hôtel à l'abri des regards, Paul finit par emprunter les vêtements de Louise pour pouvoir mettre le nez dehors sans risquer de se faire arrêter.
Autant dire que Paul va tellement prendre goût à cette féminité nouvelle qu'il va parfaire son déguisement au fil du temps jusqu'à devenir Suzanne.
Tandis que Louise, couturière dans un atelier, s'échine à faire vivre le couple, Paul se réfugie dans l'ivresse de l'alcool et des corps emmêlés du bois de Boulogne.
Dix ans après la fin de la guerre, les déserteurs sont amnistiés et Paul peut enfin retrouver son identité.
Mais perdu entre les fantômes de la guerre et l'image de Suzanne qui ne cesse de le hanter, Paul ne sait plus vraiment qui il est...


Je ne lis pour ainsi dire jamais de bandes-dessinées mais je dois dire que la blogosphère a fait une telle publicité de cet album que j'ai fini par craquer !
Et je reconnais que j'ai bien fait car cette incursion dans le Paris des années folles est un vrai coup de coeur !

"Mauvais genre" est le récit d'une relation complexe, violente, désespérée et tragique.
Paul et Louise se déchirent tellement que je me suis parfois demandée si l'on pouvait encore parler d'amour entre ces deux-là. Enfin je parle surtout pour Paul car Louise se donne (trop ?) à lui corps et âme.
La complicité des débuts se veut rapidement balayée par les disputes. Déserteur considéré comme un lâche par la société, Paul a en quelque sorte perdu son identité d'homme, qui plus est incapable de subvenir aux besoins de son foyer. Mais lorsqu'il devient Suzanne, il attire l'attention et suscite le désir des hommes comme des femmes.


Trop absorbé par ses démons intérieurs, il en devient irresponsable, flambeur et débauché et délaisse complètement Louise qu'il juge trop pragmatique et ennuyeuse.
Désemparée, Louise ne sait plus comment se faire aimer de lui et semble prête à tout accepter, voire même à participer à ses escapades nocturnes.

Dès les premières pages, Chloé Cruchaudet m'a embarquée dans cette ambiance brumeuse aux tons noirs, blancs et sépias. Seule tranche la couleur rouge, principalement utilisée pour figurer le sang ou les tenues vestimentaires de Louise et Suzanne.
Il est d'ailleurs intéressant de constater que si l'accent est mis au départ sur la tenue rouge de Louise, celle-ci s'efface complètement dès lors que Paul devient Suzanne, placée à l'avant-plan.
J'ai d'ailleurs trouvé que la métamorphose progressive de Paul en Suzanne était très bien rendue.
Le trait soigné se concentre particulièrement sur les expressions et les mouvements des personnages.


Pour ce qui est de l'écriture, entre la frustration de Paul, les scènes conjugales avec Louise et les galipettes au bois, vous imaginez bien que les dialogues ne sont pas toujours des plus distingués (mais je n'aurais pas imaginé un scénario autre).

"Mauvais genre" est un très bel album consacré aux traumatismes de guerre, à la quête identitaire, à la transgression des interdits, au transgendérisme et à la violence au sein du couple.
Du coup, j'ai bien envie de connaître le roman original "La garçonne et l'assassin" mais aussi de poursuivre ma découverte de l'univers de Chloé Cruchaudet avec "Groenland Manhattan" ou la série "Ida".

 "Mauvais genre" était une lecture commune avec Lili Galipette que je remercie de m'avoir attendue pour la publication de nos billets :)

L'avis de Noukette et bien d'autres sur Babelio